HomeA la uneLOHE KONATE, DIRECTEUR DE PUBLICATION DE « L’OURAGAN » : « A la MACO, certains passent la quasi-totalité de leur peine dehors»

LOHE KONATE, DIRECTEUR DE PUBLICATION DE « L’OURAGAN » : « A la MACO, certains passent la quasi-totalité de leur peine dehors»


Après 12 mois de détention à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), Lohé Konaté, Directeur de publication  de « L’Ouragan », a recouvré la liberté.  Invité de la rédaction du quotidien « Le Pays »,  le 24 décembre 2014,  c’est avec un ton de liberté qu’il s’exprime sur  les conditions et les raisons de son incarcération. Il dit avoir appris beaucoup de choses. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Vous avez été mis en prison pour diffamation, pouvez-vous nous faire la genèse de l’affaire ?

Lohé Konaté : En 2012, nous avons relayé un fait où le Procureur du Faso, en son temps, Placide Nikiéma,    enquêtait  sur une affaire de falsification de billets de banque, mais l’auteur principal de cette falsification, était un certain Kéré qui était cadre dans une banque. Il a fait venir des ouvriers de Côte d’Ivoire pour s’occuper de la production de ces faux billets. Et quand ils ont été dénoncés, le monsieur, voulant étouffer l’affaire, a voulu corrompre la police de Wemtenga  à qui il a proposé la somme de 20 000 000 millions de F CFA, mais il n’a payé en réalité que 17 000 000 millions de F CFA pour étouffer l’affaire. Les policiers ont été tellement gourmands qu’ils ont voulu faire du chantage au monsieur, en faisant arrêter les ouvriers. En plus de cela, ils réclamaient les 3 millions de F CFA restants. M. Kéré a fait donc la promesse de venir solder, mais il n’a pas pu le faire à temps, et les policiers ont fait arrêter ses ouvriers. Mécontent de cette situation,  M.  Kéré décide à son tour de déposer une plainte contre les policiers auprès du Procureur du Faso qui, lui, interpelle les faussaires et laisse le cerveau de l’affaire tranquille, c’est-à-dire le parrain des faussaires. Quand nous avons eu vent de cette affaire, nous avons approché les parents des ouvriers pour entendre leur version, les ouvriers étant déjà en détention.  Pendant ce temps, la presse nationale et internationale avait déjà relayé l’affaire des faux billets, sans indiquer l’implication de M. Kéré. Tout cela s’est passé en juin 2012. Mais nous, nous ne nous sommes pas contentés  de la version officielle servie par la police. Nous avons mené nos enquêtes pour aboutir à M. Kéré  et nous nous sommes posé la question de savoir pourquoi le Procureur ne s’intéressait pas  à M. Kéré, mais plutôt  aux menus fretins qu’étaient les ouvriers que le sieur Kéré a fait venir de la Côte d’Ivoire. Une amitié ou bien une complicité entre les deux ? Voilà notre délit.

Le deuxième fait concerne une affaire de trafic de véhicules par un vieil Italien qui vient souvent faire du business au Burkina Faso. Il avait un partenaire ici qui se chargeait de vendre les véhicules et lui rendait compte. Entre-temps,  il y a un parent de ce monsieur qui vit notamment en Italie et qui a contacté le vieil homme pour lui dire qu’il a un autre parent qui peut mieux faire le travail ici à la place du partenaire classique. Donc, ils l’ont contourné pour envoyer des véhicules. Pendant ce temps, le premier partenaire, qui était déjà au Burkina Faso, lui, n’a plus voulu traiter avec le nouveau partenaire choisi. Mais, il leur a rendu compte fidèlement en versant  ce qui leur revenait. Ayant appris cela, l’Italien s’est fâché,  se disant que leur partenaire traditionnel veut les gruger. Quand l’affaire a été portée devant la Justice, on a enfermé le monsieur pendant près de six mois, qui a finalement été relaxé faute de preuves. Quand nous avons relaté cette affaire, le procureur s’est senti blessé et il nous a fait interpeller.

Le troisième fait est celui d’un justiciable qui s’est senti  lésé dans une affaire tranchée devant la Justice où il a eu gain de cause, mais l’exécution a posé problème, jusqu’aujourd’hui. Ce monsieur a envoyé son écrit et nous l’avons publié et c’était titré : « Le Procureur du Faso, un torpilleur de la justice ». Voilà en gros les trois faits qui nous ont emmené en prison. Nous avons été jugé le 29 octobre 2012 et condamné à douze mois de prison  ferme.

Avez-vous passé les douze mois en prison ? 

Intégralement. 

Vos demandes de pardon n’ont-elles rien fait ? 

Aucunement. 

Avez-vous eu le soutien des autorités, notamment votre ministère de tutelle, et des confrères de la presse ?

Honnêtement,  je n’ai reçu le soutien ni des autorités, ni des confrères.

Mais le groupe de presse « Le Pays » a, au moins, été le premier  organe de presse à publier cette affaire et ce, avec tous les risques  que cela présentait… 

Oui, c’est vrai. Mais je veux parler de ma période de détention proprement dite. En tout cas, la solidarité ne s’est pas manifestée comme au temps de la première SEP (Société des éditeurs de presse privée) où Bonzi était en prison à Bobo-Dioulasso. Je me rappelle qu’une délégation dans laquelle vous même étiez (il s’agit du Fondateur des Editions « Le Pays»), est allée l’assister. Mais pour mon cas précis,  il n’y a rien eu de tout cela.

Vous n’avez eu aucun soutien des autorités burkinabè 

Aucun soutien, même la grâce présidentielle rédigée à ma place par la présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC) de l’époque, Mme Béatrice Damiba, n’a abouti. Quand elle est allée pour déposer, on lui a dit que c’est l’intéressé lui-même qui doit écrire et faire déposer. Nous l’avons fait et jusqu’à la fin de ma détention,  rien n’a été fait.

Vous dites que vous n’avez bénéficié d’aucun soutien, pourtant Jacob Sou vous a tout de même soutenu ! 

Lui et moi sommes des amis très proches, des frères de longue date, c’est pourquoi je ne le mets pas forcément dans le lot des associations de presse qui m’ont soutenu.

Finalement, le tribunal d’Arusha a condamné l’Etat burkinabè à ses dépens, en vous donnant raison. Quel commentaire en faites-vous ? 

Je crois que le tribunal a pleinement joué son rôle parce que toutes les voies de recours au niveau du Burkina Faso, ont été explorées sans que j’aie gain de cause. On avait relevé appel du premier jugement. De renvoi en renvoi, ce n’est que le 10 mai que la Cour d’appel a confirmé le premier jugement. Pendant ce temps, il y avait toujours des tractations au niveau des autorités et on croyait que la grâce présidentielle allait venir. Mais elle n’est jamais venue, et, en juin, j’ai une amie avocate qui m’a contacté pour me demander si je pouvais l’autoriser à déposer une demande au niveau de la Cour africaine des droits de l’Homme. Je lui ai répondu pourquoi pas ; son organisation même ne la soutenait pas assez, convaincue qu’elle était, que la Justice africaine ne fonctionne pas bien. Les juges de cette Cour avaient déjà des préjugés sur nos lois africaines. Mais, nous avons tenu à déposer le dossier et le premier jugement a eu lieu les 20 et 21 mars derniers à Arusha, et c’est le verdict que nous sommes allé entendre le 5 décembre dernier et qui nous a donné raison. 

Vous aviez déjà purgé votre peine… 

Totalement et ce, sans aucune faveur. Car, selon la loi burkinabè, une fois que vous purgez la moitié de votre peine, vous avez la possibilité de demander une liberté provisoire. Moi, j’ai participé à cette séance à quatre reprises et toutes les quatre fois, ça été négatif.

Est-ce que ce n’est pas parce que vous aviez en face de vous  un adversaire qui était de la Justice, le Procureur en l’occurrence ? 

Peut-être-mais une fois qu’on est jugé, je crois que le juge d’application des peines est indépendant. Il pouvait prendre ses responsabilités pour m’accorder la liberté provisoire ou pas.

Quand  le tribunal d’Arusha a donné son verdict pour démontrer votre innocence, vous étiez à quel mois de la purge de votre peine ? Le verdict  d’Arusha est-il tombé après la purge de votre peine ? 

Oui, car ma peine est finie le 29 octobre 2013, un peu plus d’un an après que le jugement d’Arusha est tombé.

L’Etat burkinabè  vous a-t-il dédommagé ? 

Nous avons effectivement 30 jours et, ce, à partir du 5 décembre (ndlr : 2014), pour manifester nos prétentions pour le dédommagement et c’est ce que je viens de faire en envoyant le dossier à mon avocate. C’est elle qui va finaliser le dossier et l’envoyer à Arusha.

Peut-on connaître le montant ? 

Je n’ai pas déterminé un montant fixe, on tient compte de la quantité de notre production hebdomadaire. Nous avons une moyenne de 5 000 numéros régulièrement et quand il y a des scoops, on peut aller à 7 000 ou 8 000 pour la production, mais ce n’est pas constant ; c’est en effet sur la base de 5 000 qu’on fait les calculs, sans oublier le préjudice moral à mon niveau et au niveau de ma famille. C’est de cette façon qu’on fait les calculs.

Durant votre période de détention, comment fonctionnait votre organe de presse et quelle était la situation de vos  collaborateurs ? 

Les gens se sont retrouvés  au chômage, le journal a été suspendu, le personnel était dans la nature comme on le dit, il n’y avait pas de moyens pour continuer les productions. Aujourd’hui, on reprend timidement. Le 15 mai, nous avons repris en bimensuel  et ce n’est qu’en décembre que nous avons repris en hebdomadaire, et pour  le moment, ça va.

Vous dites être victime de menaces, de qui peut-il s’agir, selon vous ? 

Honnêtement, pour le moment, je ne sais pas. Je reçois des coups de fil menaçants. Même hier (NDLR : 23 décembre dernier),  il y a eu un certain Tiendrébéogo qui s’est présenté à moi comme un adjudant-chef de la gendarmerie officiant au niveau de la brigade de recherches. Je lui ai dit au téléphone que pour les délits de presse, cela ne se règle ni à la gendarmerie ni à la police, et que s’il y a quelque chose qu’on me reproche, qu’on  dépose une plainte à la gendarmerie en bonne et due forme, qui me sera remise par voie d’huissier. Donc, jusqu’à présent, je ne me suis pas présenté à la brigade,  et hier (NDLR : le 23 décembre dernier), quand il m’a rappelé, je lui ai répété que ce n’était pas une plainte,  et que c’est la Justice qui devrait m’appeler pour faire un témoignage,  et que même pour cela, c’est par voie d’huissier qu’on fait venir la plainte. Donc nous en sommes là.

Comment se font les menaces ?

Elles se font par des SMS et par e-mails. 

Quels sont les contenus de ces menaces ?

On me dit que j’ai menti sur l’affaire Balla, qu’en réalité, tout ce que j’ai dit sur Balla et sur Michael Taounsa est faux, que je ne le connais pas et que c’est par pure jalousie que nous avons écrit. Je me dis que c’est certainement  des petits copains à ces deux messieurs-là.

Que dites-vous de l’affaire Balla le pétrolier ? 

Tout cela est lié à l’affaire du juge constitutionnel, Salifou  Nébié. Dans cette affaire, Balla le pétrolier (Moussa Diakité) et Michael Taounsa, et un certain Amédé Zongo  que j’ai connu personnellement à la MACO pour l’avoir côtoyé pendant près de six à sept mois. Ce sont ces derniers qui étaient  les suspects sérieux dans l’affaire  Salifou Nébié. Et contre toute attente, on apprend que ces deux personnes (Balla le pétrolier et Michael Taounsa) se sont évadées de la MACO. Moi qui suis resté à la MACO pendant douze mois ferme, je sais que sans aide extérieure, même à une dizaine de détenus, il serait très difficile de casser la porte. Ce sont des portes vraiment blindées, peut-être  du temps colonial.

L’évasion de Balla le pétrolier a-t-elle donc été arrangée ? 

Forcément !

Est-ce que vous craignez pour votre vie ? 

Oui. Vu tout ce que j’ai déjà vécu, par moments, j’ai un peu peur.

Est-ce que vous vous sentez filé  dans la rue ? 

En tout cas, dans mes lieux de fréquentation, je vois souvent des individus venir, s’arrêter à moto, parler au téléphone, et s’éloigner ensuite. Quand je ne me sens pas en sécurité, je bouge. C’est d’ailleurs suite à ce constat  que j’ai envoyé par mail, un communiqué à tous les organes  de presse.

Dans votre récente parution,  vous parliez de l’affaire Bernadette Tiendrébéogo,    cette jeune fille tuée en 2012 par le caporal Bahanla Lompo.  Pouvez-vous nous en parler brièvement ? 

C’est une affaire assez compliquée parce que l’affaire Bernadette Tiendrébéogo implique forcément les services secrets, les services de renseignements pour qui cette jeune fille travaillait,  puisqu’elle était leur collaboratrice. Mais, officiellement, c’est une fille qui se débrouillait, on peut le dire comme cela. En réalité, elle n’avait pas une activité officielle fixe. Malgré cela, elle avait un train de vie assez élevé, et pour ses parents,  elle travaillait. Jusqu’à ce qu’on lui confie la mission de filer M. Salif Diallo à Niamey au Niger, et c’est dans ce cadre qu’elle s’est retrouvée au Niger.  N’ayant pas de tuteur attitré, elle était logée dans un hôtel et pour ce que je sais personnellement, elle a effectué au moins deux missions au Niger pour filer Salif Diallo. Finalement, elle l’a retrouvé et elle lui a expliqué l’objet de sa présence au Niger. Salif Diallo lui a dit en substance ceci : « Tu fais bien de m’informer, mais nous allons te proposer  quelque chose. Nous allons t’aider à t’installer dans un autre pays de ton choix, mais ne reviens plus au Burkina Faso tant que le régime  Compaoré est en place ». Elle a répondu qu’elle était le soutien de sa famille et qu’elle ne pouvait pas s’éloigner de celle-ci. Rentrée de sa mission bredouille, elle avait donc échoué. Il fallait la faire taire. Mais comment ? Peut-être l’éliminer physiquement. C’est ce qui est arrivé finalement. Il y a eu deux éléments qui ont également été dépêchés à Niamey à la suite de la mission échouée de Bernadette, pour filer Salif Diallo. Quand ces derniers  ont rendu compte à Salif Diallo, lui et le Président nigérien, Mahamadou Issoufou,   se sont  proposé de les aider à s’installer. Eux, ne sont plus revenus  au pays. Je ne sais pas s’ils sont restés au Niger ou sont allés ailleurs. 

Est-ce parce que Bernadette a échoué à sa mission que le caporal l’a abattue ? 

 Il a fallu que quelqu’un confie cette mission au caporal !  Le caporal ne peut pas de lui-même éliminer quelqu’un ! 

Voulez-vous donc dire que la version du crime passionnel était fausse ? 

Oui ! Cette version ne tient pas la route ! C’est comme dans les histoires de drogue. Quand vous échouez, forcément, il faut qu’on vous élimine. Sinon, vous constituez un danger. 

Quelles leçons tirez-vous  de toutes ces mésaventures ?

Ça m’a beaucoup formé psychologiquement. Avant,  je me sentais plus fragile. Maintenant, après avoir enduré toutes ces épreuves,  je me sens plus ou moins aguerri. Mais cela ne veut pas dire que, par moments, je n’ai pas peur ! Je sens par moments la peur comme tout le monde ! 

Voulez-vous dire que la prison aguerrit ?  

Bien sûr. Ça m’a « chauffé », comme on le dit. Mais j’ai découvert beaucoup de choses là-bas que je ne pouvais pas découvrir en étant dehors. Quelle que soit votre  compétence,  il y a des choses  qui se passent là-bas que vous ne pouvez jamais découvrir si vous n’y avez pas séjourné. Ca m’a formé.

Quelles sont les résolutions que vous avez prises après cette dure épreuve ? 

Ma première résolution  est de faire réapparaître l’Ouragan. C’est pourquoi, quand j’ai eu un peu d’argent, j’ai voulu faire sortir une édition pour que  les gens se disent que la prison ne m’a pas tué. Et que « L’Ouragan » ne mourra que par ma seule volonté.   C’est ce qui m’a amené à injecter mes petits sous dans l’édition et,  Dieu merci, pour le moment, ça va.

Quelles sont les petites choses que vous avez apprises à  la MACO ? 

C’est d’abord le fonctionnement de notre justice. Surtout le côté corruption. J’ai un petit carnet où je notais certaines entrées et sorties. Il y a des gens qui, une fois jugés, partent en permission une ou 2 semaines après. Certains passent même pratiquement la totalité de leur peine dehors dans ce système de permission-là. 

Avez-vous demandé une permission comme ces personnes ? 

Non. La permission ne m’intéressait pas. Pour moi, c’était la liberté provisoire ou rien. Ma famille me rendait visite régulièrement. Je n’avais donc pas besoin de permission. 

C’est quoi la permission ? 

Une fois détenu, vous avez la possibilité de demander une permission pour aller résoudre un petit problème. Ca dépend des motifs que vous avancez. Si vous avez de bonnes relations, c’est vite accordé et vous avez même la possibilité de la renouveler. C’est ainsi que certaines personnes condamnées à 12 mois de prison peuvent facilement passer 7 ou 12 mois dehors. J’ai remarqué beaucoup de cas.

Est-ce parce que vous vous sentiez en insécurité que vous n’avez pas demandé de permission ? 

Une permission pour aller faire quoi dehors ? Tourner en ville ? A partir du moment où ma famille me rendait visite, je n’avais plus de raison d’aller tourner en ville.

Comment appréciez-vous le journalisme d’investigation au Burkina ? 

C’est un domaine très difficile au Burkina.  Surtout que les mentalités sont encore un peu archaïques.  Quand vous chantez les louanges de quelqu’un, la personne est contente. Mais le jour où vous allez l’égratigner un tout petit peu, elle se fâche automatiquement. Alors que dans notre travail, si quelqu’un déconne, il faut le signaler.

Dans quel état d’esprit travaillez-vous aujourd’hui ? 

Je suis  très content d’avoir pu reprendre mes parutions.   Je suis également content pour l’ensemble de la presse, d’avoir remporté mon procès à Arusha. Ce n’est pas une victoire pour « L’Ouragan »,  mais une victoire pour toute la presse africaine. Mon dossier était le tout premier du genre  auprès de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, en matière de liberté de presse. C’est pourquoi il y a eu une très grande mobilisation autour de mon dossier. Sauf qu’au niveau des organisations de presse ouest-africaine,  je n’ai pas senti leur présence.  Tout comme au Burkina, mon pays. 

Avez-vous maintenant plus ou moins de lecteurs ? 

Beaucoup plus. En si peu de temps, j’ai quintuplé le tirage. Et jusque-là, ça ne suffit pas. Les gens font des photocopies qu’ils vendent à 500 F CFA d’autres à 1 000 F CFA. Vous pouvez le constater devant le domicile de François Compaoré (ndlr : petit frère du président dont le domicile a été saccagé suite aux événements des 30 et 31 octobre 2014). Vous y trouverez des piles de L’Ouragan photocopiées en noir et blanc ou en couleurs.

Que pensez-vous de la chute du Président Blaise Compaoré ? 

Je ne parle pas en tant que journaliste, mais en tant que citoyen burkinabè. Je suis très fier de sa chute.  Je n’ai jamais eu de sympathie quelconque pour son régime. 

Que lui reprochez-vous ? 

Sa gouvernance ne me convenait pas en tant que citoyen. Je pense que nous avons beaucoup de possibilités de nous développer, même sans l’aide extérieure. Mais il se trouve que non seulement ils ont vendu notre misère à l’extérieur pour faire rentrer des fonds, mais aussi une fois ces fonds acquis, ils les ont dirigés vers leurs poches. 

Voulez-vous qu’on juge Blaise Compaoré ? 

Bien sûr ! Même si on ne lui reproche pas des crimes de sang, pour avoir mal  dirigé notre pays, surtout sur le plan économique et social, il doit rendre des comptes. Le Burkina fait partie des  pays classés derniers en matière d’éducation dans la sous- région. Alors que ce ne sont pas les ressources qui font défaut. Je suis convaincu qu’on peut se développer en moins de 20 ans. Ne serait-ce qu’au plan agricole. Seulement, il faut revoir le système de gouvernance et mettre l’accent sur les compétences et non sur le clientélisme. 

Que pensez-vous de François Compaoré ? 

Pour moi, tout ce qu’il faisait était lié au fait qu’il est le frère de l’ex-président du Faso. Sinon il n’a aucun pouvoir. Il profitait juste du pouvoir de son grand frère pour faire ce qu’il a fait. 

Quelle appréciation faites-vous de la transition ? 

Je crois que les gens doivent patienter encore. Les attentes sont très nombreuses, mais il ne faut pas mettre trop de pression sur les organes de la transition. Ils ne peuvent pas régler tous nos problèmes en un an. Je crois que la priorité doit être mise sur  l’organisation des élections  en 2015. Pour les questions de justice, ils peuvent commencer par baliser le terrain pour que ceux qui viendront, poursuivent le travail après les élections. Car s’ils ne le font pas, ceux qui seront élus pour s’attaquer à certains dossiers pendants en Justice, des gens pourraient croire que c’est une chasse aux sorcières. 

Propos recueillis par la rédaction et retranscrits par Ben Issa TRAORE et Issa SIGUIRE

Légende :

1- Issa Lohé Konaté, Directeur de publication de l’hebdomadaire « L’Ouragan » à propos de la chute de Blaise Compaoré : « Je suis très fier de sa chute. Je n’ai jamais eu de sympathie quelconque pour son régime »

 

2- Issa Lohé Konaté à propos de la transition : « Je crois que les gens doivent patienter encore. Les attentes sont nombreuses mais il ne faut pas mettre trop de pression sur les organes de la transition. Ils ne peuvent pas régler tous nos problèmes en un an. »

ENCADRE

LOHE KONATE A PROPOS DU JOURNAL « LE PAYS »

« Je partage entièrement sa ligne éditoriale » 

« Je suis très fidèle au journal « Le Pays ». A l’époque, il n’y avait pas le système PAO dans les journaux, comme cela se fait aujourd’hui. Il y avait une société dénommée « Futurling » où on faisait nos saisies et imprimait nos pages. A l’époque, « Le Pays » tirait à 8 pages. Nous nous sommes connus depuis là-bas (ndlr : allusion au fondateur des Editions « Le Pays »). Ensuite, nous avons eu la même imprimerie INC (Imprimerie nouvelle du Centre) jusqu’à ce que les Editions « Le Pays » ait sa propre imprimerie. Sa ligne éditoriale me convient et je la partage entièrement. »


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