HomeA la uneLUC MARIUS IBRIGA, PRESIDENT DU FOCAL:« La démocratie, par nature, proscrit les hommes forts »

LUC MARIUS IBRIGA, PRESIDENT DU FOCAL:« La démocratie, par nature, proscrit les hommes forts »


Le mouvement « Le Balai citoyen » a organisé le lundi 25 août 2014 à Ouagadougou, une conférence publique sur la problématique des hommes forts et des institutions en Afrique. Cette conférence a été animée par un spécialiste du droit, Luc Marius Ibriga, et le journaliste Newton Ahmed Barry.

 

« Les hommes forts face aux institutions : quel bilan moral et politique pour l’Afrique ? » Tel est le thème principal sur lequel se sont focalisés les échanges, lors de la conférence publique le 25 août dernier. Ce thème est inspiré de l’actualité nationale, notamment les débats suscités par les déclarations du président du Faso à Washington, en marge du Sommet Etats-Unis/Afrique. « Il n’y a pas d’institutions fortes sans hommes forts » avait soutenu Blaise Compaoré, en réponse à son homologue américain Barak Hussein Obama pour qui « l’Afrique a besoin d’institutions fortes, pas d’hommes forts ». Selon Luc Marius Ibriga qui a co-animé la conférence, l’Etat proscrit par essence les hommes forts. Et la démocratie, par nature, prohibe les hommes forts. Mais au fait, qu’est-ce qu’un homme fort ? Quand on parle d’homme fort, a relevé Luc Ibriga, il faut le placer dans le contexte du pouvoir. « L’homme fort est lié à la notion du pouvoir personnel qui est le pouvoir appartenant à un individu et qui est la forme la plus avancée de la patrimonialisation du pouvoir. Or l’Etat, c’est le pouvoir institutionnalisé, à savoir que dans l’Etat, ce sont les institutions qui priment les hommes. C’est parce que le pouvoir personnel et les hommes forts ont tendance à être arbitraires que les hommes ont évolué vers le pouvoir institutionnalisé, en créant une personne fictive, l’Etat, qui serait le détenteur du pouvoir et qui se distinguerait de ceux qui exercent le pouvoir », a-t-il expliqué. Et de préciser : « Dans un Etat, normalement, il n’y a pas d’hommes forts, dans la mesure où ce sont les institutions qui priment les hommes. Et c’est ça qui permet la continuité de l’Etat». Même point de vue développé par l’autre conférencier, le journaliste, rédacteur en chef du journal « l’Evènement », Newton Ahmed Barry : « La notion d’hommes forts résulte elle-même d’une construction sociale au-delà de toute autre définition. Est-ce que les hommes forts ont construit dans la durée des institutions fortes ? », s’est-il interrogé. Quand la démocratie est revenue en Afrique avec la chute du mur de Berlin et le discours de la Baule, a rappelé Newton Barry, tous les régimes qui étaient très forts dans les pays où ils se sont installés des années durant, c’est là où les désordres ont été les plus grands. Par contre, « partout où les peuples n’ont pas été soumis au parti unique ou pas totalement, certains Etats ont traversé cette période avec beaucoup d’harmonie. Tout le reste, là où il y a eu des hommes forts patentés, les régimes se sont écroulés parce qu’un régime fort par essence ne construit pas d’institution. Parce que l’institution, c’est le chef, c’est le culte du chef, c’est le chef qui est la mesure de tout. Il n’y a pas de compatibilité entre hommes forts et institutions fortes ». Cette position a été partagée par Marius Ibriga. « L’Etat, c’est le pouvoir institutionnalisé à savoir qu’il y a une différenciation entre le détenteur du pouvoir et celui qui l’exerce. Ce qui fait que dans un Etat, on ne peut pas parler d’hommes forts. Parler d’hommes forts, c’est revenir à un stade antérieur. C’est régresser et revenir au pouvoir personnel.» Dans un Etat démocratique, nul n’est au- dessus des règles, a relevé Luc Ibriga. Ainsi, « on doit agir conformément à la règle de droit. A ce moment, il n’y a pas d’hommes forts dans une démocratie, dans la mesure où c’est le bien commun qui doit être poursuivi. C’est pour cela qu’il y a limitation des pouvoirs, séparation des pouvoirs, pluralisme politique, indépendance des magistrats du siège, alternance. Tout cela, c’est pour asseoir le fait que les institutions soient celles qui déterminent le sort des populations ». Pour le conférencier, le bilan moral et politique de l’exercice au pouvoir par les hommes forts est négatif, car tous ceux que l’on a appelés les hommes forts, quand ils sont partis du pouvoir, ils ont laissé le chaos dans leur pays. « Cela veut dire que quand des individus sont là et que le pouvoir dépend d’eux et de leur volonté, il est certain que l’on ne peut pas construire une relève. Et la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui au Burkina Faso est cela. C’est-à-dire que l’on n’a pas pensé que le pouvoir appartient à l’Etat et qu’on doit partir et le laisser. On a pensé que le pouvoir appartient à celui qui le gère. Et donc, toute personne qui veut s’approcher du pouvoir est un ennemi potentiel qu’il faut écarter. Ce qui fait que le président a fait un vide autour de lui, et aujourd’hui, il se retrouve dans une situation de rechange. Parce que la solution de rechange peut être fatale à son parti. Parce qu’ils n’ont pas permis la naissance d’hommes d’Etat qui puissent s’imposer devant le peuple », a martelé Luc Marius Ibriga, à la fin de la conférence publique organisée par le mouvement « Le Balai citoyen », dans le cadre des activités commémoratives de son 1er anniversaire.

Saïdou ZOROME

 

 

 


Comments
  • Bonjour
    Merci Pr Luc IBRIGA et Mr Newton BARRY pour cet bel exposé magistral. En effet,il faut ajouter que ”homme fort” est aussi l’expression de celui qui arrive au pouvoir par un coup d’état souvent dans le sang mais aussi celui qui entend se maintenir au pouvoir à vie en marchant sur les cadavres de son peuple en cas de manifestation. Selon lui, sa seule loi c’est la répression, les armes pour tuer les ennemis par exemple Mobutu, Hitler. Amine Dada,Pinochet… La particularité de “l’homme fort” il n’y pas de règle de société, de constitution ni institutions fiables ce qui compte pour lui son règne absolu sans contestation de son peuple, tout doit être taillé à sa mesure sans exception. Lui d’abord ensuite sa famille puis ses partisans zélés et propagandistes, le bas peuple après boucle la chaîne: ça le programme politique pour son peuple d’un “homme fort”. Aucune vision future pour son peuple. Pas relève formée après lui c’est chaos selon sa philosophie.
    Je m’aligne dans la même logique que le Président OBAMA pour dire que l’ AFRIQUE N’ A PAS BESOIN DE CETTE RACE DE DIRIGEANTS BOULIMIQUES DE POUVOIR.

    QUE LE SEIGNEUR BÉNISSE LE BURKINA. AMEN

    PAIX ET JOIE A TOUS LES BURKINABÉS. AMEN

    ACHILLE TAPSOBA LE BOBOLAIS

    27 août 2014
  • Merci Professeur pour cette belle analyse!
    A bas la personalisation du pouvoir!
    A bas ce passage de force de ce régime aveuglé!
    Victoire au peuple!
    LA PATRIE OU LA MORT, NOUS VAINCRONS!

    27 août 2014
  • Pr avec tout le respect que je vous dois en tant qu’ainée, j’aimerai vous rappeler que vous avez été occidentalisé. Vous, élites africaines avez bradé vos valeurs au profit du monde occidental. Désormais, on sait qu’on ne peut pas compter sur vous pour tracer une voie nouvelle propre à l’Afrique. Vous êtes plus convaincu que les occidentaux du bien fondé de leur pensé, la pensé unique. Vous traitez les autres de dictateurs alors que vous dictez votre façon de concevoir le monde. Loin de moi l’idée de défendre Blaise Compaore car certains, avant Blaise Compaore disaient à qui veut l’entendre que Barak avait tort en disant qu’on avait besoin d’institution forte et pas d’homme fort. En fait, l’homme fort n’exclu l’institution forte. L’institution, ce n’est pas des bâtiments et des papiers, il faut des hommes et pour que l’institution fonctionne et il faut qu’ils soient forts pour se dépasser et ne pas se laisser guider par leurs intérêts personnels. Il faut un gouvernement fort pour travailler pour l’intérêt général et ne pas privilégié leurs familles à eux seuls. Vous juriste, vous savez que bien qu’un juge par exemple doit être fort pour condamner son parent ou pour éviter la corruption. Pris dans le contexte de la politique burkinabé je vous comprends, cependant, je vous demande Pr d’être « fort » pour ne pas vous laisser emporter par des questions personnelles. Parce que si c’était Barak Obama qui avait déclaré que l’Afrique avait besoin d’homme fort pour faire fonctionner les institutions forte, vous n’alliez pas vous plaindre et même que vous l’auriez soutenu. On se connaît, en tant qu’intellectuel on pourrait justifier n’importe quoi par gymnastique intellectuel. Merci

    27 août 2014
    • Ce débat dépasse ton entendement, reconnait le tout de même. n’insiste surtout pas sinon tu deviendras fou pour rien.
      merci de me comprendre

      28 août 2014
    • La démocratie exercée dans nos pays ne vient-elle pas de l’Occident ? Alors dissolvons nos institutions et retournons à l’ancien système. Là vous verez bien l’alternance. Le pacte social qui cré la cohésion est conclu pour être respecté.

      28 août 2014
  • MERCI PROFESSEUR ET A NEWTON
    PAR CE DISCOURS D’HOMME FORT, LE PF VIENT DE NOUS MONTRES UNE FOIS DE PLUS SA VRAIE NATURE,
    EN CE SENS QU IL N EST PAS DEMOCRATE, EN FAITE IL SE JOUE DU PEUPLE ET DES INSTITUTIONS.
    C EST FORT REGRETTABLE QU A CE SIECLE UN PRESIDENT PUISSE RAISONNER AINSI ET FAIRE DE TELLES DECLARATIONS.
    C’EST LA PREUVE QU’IL NE PARTIRA PAS EN 2015.
    DONC QUE CHACUN RESTE MOBILISER POUR DIRE
    NON AU
    RÉFÉRENDUM
    A LA MODIFICATION DE L ART37
    SENAT

    27 août 2014
  • Merci MM. les Conférenciers! Ceux qui refusent de comprendre que la notion ‘d’homme fort ‘ est péjorative, c’est leur problème. Un homme fort pour un état qui se dit démocratique est un dictateur. Ce n’est pas une pensée unique. C’est ce que ça veut dire. Si certains veulent travestir la notion pour leur ‘ champion’, c’est leur problème. Au Niger Tandja et ses sbires avaient tenu la même rhétorique que celle, actuelle, de ‘ l’homme fort’ du burkina et de ses thuriféraires. Tandja est parti. Ses sbires voient le Niger plus que jamais démocratique. Le Niger a même réussi à renégocier son contrat d’uranium avec Areva. Ce que Tandja n’aura jamais pu faire puisque garant de la domination de l’impérialisme occidental comme tous les ‘ hommes forts ‘ de certains pays d’Afrique.

    29 août 2014
  • çà se dit républicain et çà ne connait même pas que Républicain veut dire RES(la chose) PUBLICA (du peuple). On dirait que çà n’a même pas fait le CM. Un régime aux abois entretenus par des goujats aux tubes digestives personnifiés.

    4 septembre 2014

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