HomeA la uneMACHINES A VOTER EN RDC : La technologie au service de la mauvaise foi

MACHINES A VOTER EN RDC : La technologie au service de la mauvaise foi


Le patron de la Commission nationale électorale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, malgré la clameur publique quasi-générale contre les machines à voter, persiste et signe quant à sa volonté de recourir à cet outil technologique, à l’occasion des élections générales prévues en principe pour la fin de l’année 2018. En rappel, dans le cadre de ces élections et plus particulièrement de la présidentielle de 2018,  un contrat de livraison de machines à voter a été signé entre la Commission nationale électorale indépendante et la société Sud-coréenne Miru Systems. Pour Corneille Nangaa et ses camarades de la CENI, cet outil est le moyen infaillible par lequel ils comptent organiser des élections propres en RDC.

Des voix se sont élevées pour dénoncer le caractère pervers de l’utilisation de ces machines

A contrario, les organisations de la société civile, les partis politiques de l’opposition et certains observateurs bien avertis, croient dur comme fer, et le font savoir sans ambiguïté, que ces fameuses machines à voter sont la pire trouvaille pour la démocratie. Et leurs arguments s’appuient sur les considérations suivantes. La première considération est liée au coût exorbitant de cet outil de  vote. A en croire l’opposition, « une seule machine revient à 1500 dollars américains ». Et d’ajouter ceci : « Nous allons avoir à peu près 100 000 bureaux de vote. Donc, il faut plus ou moins 100 000 machines, c’est-à-dire, 150 millions de dollars, rien que pour l’achat des machines ». Pour un pays qui vit déjà des périodes de vaches maigres, l’on peut estimer, si l’on est de bonne foi, que l’argument de l’opposition n’est pas farfelu.  Le deuxième argument  avancé par l’opposition pour rejeter la machine à voter, est que celle-ci est dotée d’un logiciel d’exploitation maniable à souhait et d’un système de programmation par puce qui peut être codifié à volonté. Et ce n’est pas tout. L’opposition estime, en outre, que la machine à voter n’est pas conforme à la loi électorale et son usage risque de violer le secret du vote. Le dernier argument soutenu, il faut le préciser, par le gouvernement coréen, est lié aux risques potentiels en cas d’exportation de ces machines. En effet, l’exportation de ces outils pourrait donner au gouvernement congolais un prétexte pour obtenir des résultats indésirables liés aux élections, notamment un retard additionnel à leur tenue. Dans le même registre, l’ambassadrice américaine aux Nations Unies, Nikky Haley, a émis « des réserves quant à la fiabilité de ce système de vote électronique ». Comme on le constate, au plan domestique tout comme hors de la RDC, des voix et non des moindres, se sont élevées pour dénoncer le caractère pervers de l’utilisation de ces machines à voter. Il n’y a que la CENI qui croit en ces machines pour ne pas dire en ces « machins ». Et l’on peut facilement imaginer les raisons pour lesquelles elle s’obstine tant. La première est que l’importation de ces machines représente pour elle une opportunité de réaliser des affaires juteuses avec le fabricant sud-coréen Miru Systems. Et notre confrère Jeune Afrique a déjà publié un article sur les dessous du contrat entre la CENI et le fabricant. L’autre raison qui amène la CENI à s’ériger en avocate de défense tenace et obstinée de ces machines à voter, est liée au fait que Corneille Nangaa et ses amis sont à la recherche d’un alibi pour renvoyer aux calendes congolaises la tenue des élections générales de 2018.

L’équation se présente à l’opposition comme un dilemme

De ce point de vue, l’on peut dire que les machines à voter sont une aubaine pour eux. Et en cela, ils se prêtent de façon consciente au jeu de Joseph Kabila. En effet, tout le monde sait que ce dernier n’a jamais inscrit dans son agenda, la tenue des élections générales, puisqu’il n’envisage pas la possibilité d’une véritable alternance démocratique en RDC. Toutes ses tergiversations et autres attitudes clair-obscures sur les élections dans son pays, répondent à la logique suivante. J’y suis, j’y reste, advienne que pourra. Désormais, son argumentaire pour s’accrocher à son fauteuil pourrait être ceci : la tenue de l’échéance de fin d’année 2018 que j’ai promise au peuple  congolais est mise à rude épreuve par l’opposition, qui rejette comme vous le savez, les machines à voter. C’est donc à mon corps défendant que je vous annonce que les élections générales, prévues pour fin 2018, ne pourront pas se tenir à cause de l’opposition et de ses acolytes de l’extérieur. C’est ce genre de discours infects que Joseph Kabila est en train de concocter dans son douillet bureau du Palais de marbre de Kinshasa.

Et l’on n’a pas besoin d’être un averti des questions politiques pour percevoir la vacuité d’un tel argumentaire. L’on n’a pas non plus besoin d’être grand clerc pour savoir que Joseph Kabila et son fidèle serviteur, Corneille Nangaa, sont de très mauvaise foi. Et ils viennent de trouver un moyen par lequel ils vont pourrir davantage la situation socio-politique en RDC. De ce point de vue, l’on peut affirmer que ces machines à voter à polémique en RDC, auxquelles le pouvoir de Kinshasa et la Commission nationale électorale indépendante tiennent coûte que coûte, sont une technologie au service de la mauvaise foi. Et l’équation se présente à l’opposition comme un dilemme. Si elle s’arcboute sur le rejet de ce système de vote électronique comme c’est le cas aujourd’hui, jusqu’au bout, Joseph Kabila aura de la matière pour faire glisser de nouveau le calendrier électoral. Si l’opposition venait à changer de position pour faire avec les machines à voter, elle court le risque de permettre à la CENI de manipuler les résultats électoraux comme elle veut. Mais de deux maux, il faut choisir le moindre. Et le moindre ici, c’est de camper sur sa position en rejetant les machines à voter. Car, le simple fait que le dictateur et ses amis se montrent favorables à cet outil, est déjà suspect.

« Le Pays »


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