HomeA la uneMANIFESTATIONS REPETITIVES CONTRE LES FORCES FRANCAISES A KIDAL : Barkhane a-t-elle mis le doigt là où ça fait mal ?

MANIFESTATIONS REPETITIVES CONTRE LES FORCES FRANCAISES A KIDAL : Barkhane a-t-elle mis le doigt là où ça fait mal ?


Le 9 Octobre dernier, des habitants de Kidal ne sont pas passés par quatre chemins pour exprimer leur hostilité à la présence de la force antiterroriste française dans le Sahel, Barkhane. Arborant des slogans  tels « Barkhane dégage » et « Quittez Kidal », ils se sont amassés en face du camp de la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) qu’occupent également les forces de Barkhane et n’ont pas hésité à jeter des cailloux sur des véhicules appartenant aux militaires français. En une semaine, ce mouvement d’humeur et de colère est le troisième du genre et les manifestants ne comptent pas s’en arrêter là. En effet, Ali Ag Mahmoud, l’un des organisateurs, à l’issue de la manifestation, a eu ces propos devant la presse étrangère : « Nous avons manifesté et nous continuerons de manifester parce que les troupes françaises doivent dégager ».

Les forces françaises menacent de scier le nerf économique de la mafia politico-religieuse

En rappel, aux sources de l’ire des hommes bleus du désert, se trouve une intervention,  dans la nuit du 30 septembre au 1er Octobre, de la force Barkhane dans une maison privée appartenant à un richissime homme d’affaires  qui traîne la sulfureuse réputation de faire des trafics en tous genres, migrants, drogues et armes  et d’être  proche des djihadistes, suivie de son arrestation et de celle de ses complices au nombre d’une douzaine d’hommes. Depuis, les manifestations ont connu d’importantes mues : d’une manifestation de femmes dénonçant la brutalité des opérations militaires aux premières heures, elles sont allées crescendo pour devenir  le fait de diverses catégories de citoyens réclamant purement et simplement le départ des forces françaises de la ville.

A priori, l’on peut lire sans gravité dans ces sautes d’humeur, l’effet de lassitude d’une population épuisée par plusieurs années d’une crise qui n’en finit plus. La présence militaire permanente des troupes françaises, aux yeux de certains habitants de la ville, a fini par prendre les contours d’une guerre d’occupation et quand on connaît l’attachement historique et culturel des populations du désert et du Sahel aux grands espaces ouverts et aux mouvements des hommes, l’on peut amplement en mesurer le poids psychologique et économique. Peut-être aussi, faut-il lire dans ces manifs, des signes d’essoufflement des mouvements armés du septentrion malien et de leurs alliés qui, étouffés par la présence militaire onusienne et française et effrayés par les bruits de bottes de l’entrée en guerre de la Russie et de la prochaine force du G5 Sahel, cherchent à desserrer l’étau en mettant en avant les populations civiles. A ces causes pour le moins superficielles et conjoncturelles, il faut adjoindre cependant des toiles de fond.

En effet, c’est une vérité de la Palisse que la force Barkhane dérange et ce, jusqu’au cœur même de la ville frondeuse où se tapissent des gourous qui se croyaient intouchables.  On le sait, les mouvements armés au Nord- Mali sont affiliés aux grandes Katibas qui financent les réseaux terroristes. Or, ces Katibas tirent leurs revenus de ces trafics illicites et de la contrebande dans la bande sahélo-saharienne. En s’attaquant donc aux trafiquants, les forces françaises menacent non seulement de scier le nerf économique de la mafia politico-religieuse qui a mis sous coupe réglée le Nord- Mali et érigé Kidal en un véritable sanctuaire du terrorisme, mais aussi de détricoter les réseaux de pouvoir dans le septentrion malien.

Les mouvements armés ont abusé de la patience de la Communauté internationale

 

Barkhane a donc mis le doigt là où ça fait le plus mal ; d’où ces manifestations de populations que l’on sait instrumentalisées en raison de leurs revendications maximalistes. L’autre facteur explicatif de fond de ces manifestations et pas des moindres,  est que les opérations militaires françaises dans la forteresse protégée des ex-rebelles Touaregs, semble rompre le pacte qui, depuis le début de la crise malienne, avait mis Kidal à l’abri. Les forces politiques du Nord ont sans nul doute perçu dans la violation de leur sanctuaire, un retournement de la veste de la politique française à leur endroit et tentent donc de canaliser les rancœurs des populations contre un allié qui a trahi son serment. La question que l’on pourrait se poser est de savoir si la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a laissé d’autres choix aux Français, avec la mauvaise volonté qu’elle a affichée dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et qui a été indexée par le dernier rapport onusien. L’on peut se demander si l’Hexagone pouvait aussi continuer à fermer éternellement les yeux sur le fait que Kidal, avec la situation en Libye et la décomposition de l’EI au Proche-Orient, est devenue le principal repaire du terrorisme. Quoi qu’il en soit, les mouvements armés ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ils ont abusé de la patience de la Communauté internationale et ont manqué d’intelligence pour lire la stratégie militaire française qui  semble les avoir  utilisés d’abord contre les groupes les plus extrémistes comme le Mujao ou Ansardine avant de se retourner contre eux pour les dessoucher des mauvaises racines.

Cela dit, si l’on peut comprendre que les populations sont instrumentalisées par des réseaux souterrains, ce que l’on comprend moins, c’est l’amnésie subite dont elles sont frappées, elles qui ont subi il y a peu tout le poids des idéologies obscurantistes. Autrement dit, l’on ne comprend pas l’attitude de ces populations qui, au lieu de collaborer avec les forces coalisées dans la lutte contre les terroristes, donnent plutôt le sentiment de défendre la cause de ces derniers si ce n’est même qu’elles en sont tout simplement complices.

Quoi qu’il en soit, l’on ne peut que souhaiter que ces mouvements ne durent que le temps d’un feu de paille et qu’ils ne portent pas un coup au moral des troupes françaises qui essuient, en retour de leurs sacrifices, ce qui n’est ni plus ni moins que de l’ingratitude. L’on se surprend même à rêver que les forces coalisées contre le terrorisme, livrent enfin la bataille de l’Armageddon qui fermerait définitivement cette douloureuse parenthèse de Kidal.

« Le Pays » 


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