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 MANIFS DE RUE A MADAGASCAR


L’Histoire repassera- t-elle les plats ?

Le week-end écoulé, à l’appel de l’opposition politique, des milliers de Malgaches sont descendus dans les rues d’Antananarivo, pour dénoncer les nouvelles lois électorales, bravant ainsi l’interdiction qui avait été faite de manifester. Il s’en est suivi des échauffourées avec les forces de l’ordre, qui ont fait trois morts et dix-sept blessés. La conséquence immédiate de ces affrontements meurtriers est que les députés de l’opposition ont convenu de venir manifester tous les jours sur le parvis de l’Hôtel de Ville, jusqu’à l’abdication du président de la République et de son gouvernement. Face à la crise politique qui vient de prendre une nouvelle tournure avec cet épisode sanglant, la question qui taraude aujourd’hui tous les esprits, est celle de savoir si l’on s’achemine vers un remake des évènements de 2002 ou de 2009.

Le président Heri a du souci à se faire

En rappel, en 2002, le président Didier Ratsiraka avait été contraint à l’abandon du pouvoir au profit de Marc Ravalomanana, suite à un bras de fer né de la contestation des résultats de l’élection présidentielle. Cette crise, en plus d’avoir mis, face au régime en place de l’époque, les populations des Hautes terres malgaches, avait fini par prendre une tournure militaire dont l’épilogue, bien connu, a été l’exil en France du président déchu. Sept ans plus tard, en 2009, malgré la sanglante répression de la garde présidentielle qui a avait ouvert le feu sur la foule qui avançait vers le palais présidentiel d’Ambohitsorohitra, les manifestations conduites par le maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, avaient eu raison du tombeur de Ratsiraka, Marc Ravalomanana à qui l’on reprochait la hausse des prix des denrées alimentaires, la mainmise sur l’économie nationale et une certaine gabegie dans la gestion des deniers publics dont le clou a été l’achat d’un boeing présidentiel et la location, en bail de longue durée, de la moitié des terres cultivables à Madagascar à l’entreprise coréenne Daewoo.
En attendant de voir dans les tout prochains jours l’évolution de la situation, le moins que l’on puisse dire est que le président Heri- rajaonarimampianina, qui était en mission à l’extérieur au moment des évènements, a du souci à se faire. Et pour cause. Ces évènements qui auront pour effet d’augmenter sa cote d’impopularité, lui vaudront de nouveaux adversaires en dehors de celui bien connu qu’est son ex-mentor, Andry Rajoelina surnommé TGV, avec lequel il avait rompu les amarres. Sans nul doute, en effet, avec les macchabées du week-end dernier, le régime se met à dos les organisations de la société civile, notamment celles de défense des droits de l’Homme. En plus, le président devrait s’inquiéter des louvoiements de l’armée, qui sont symptomatiques de dissensions internes déjà annoncées il y a peu, par l’appel des Généraux à la retraite en direction de leurs cadets, à prendre leurs responsabilités. Quand on sait que la Grande île semble victime de la malédiction des cycles de violences avec déchéance des présidents, le pouvoir à tout intérêt à prendre très au sérieux cette crise.

Le pouvoir n’est pas le seul à blâmer

En attendant, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même, car il n’avait pas besoin de ce bras de fer avec l’opposition, encore moins d’envoyer les forces de l’ordre avec des balles réelles pour réprimer une manifestation pacifique et démocratique qu’il a d’ailleurs eu le tort d’interdire. En effet, en sortant des casernes avec des balles réelles, l’on peut difficilement nier que l’on n’avait pas prémédité d’en faire usage et donc de tuer.
Ceci étant, le pouvoir n’est pas le seul à blâmer. C’est à toute la classe politique malgache qu’il faut donner un carton jaune. En effet, les hommes politiques, à Madagascar, ne savent pas se parler pour trouver les solutions qu’il faut dans l’intérêt de la Nation. Ils ne s’expriment que par rue interposée, avec toutes les conséquences que l’on sait en termes de violences, de pertes en vies humaines, de dégâts matériels et, in fine, d’instabilité politique avec pour corollaire bien évident la mise à rude épreuve de la cohésion sociale et de l’unité nationale. C’est en raison de tout cela que, sans oublier le sacrifice des martyrs du week-end écoulé, opposition et majorité, face à cette crise qui enfle, se doivent d’éviter les rhétoriques guerrières qui risquent d’accentuer cette nouvelle crise dont les conséquences peuvent être incalculables. Et il appartient au pouvoir, en premier, d’afficher sa volonté réelle d’aller vers l’apaisement, non seulement au nom de la responsabilité de l’Etat, mais aussi parce que c’est lui qui a tout à perdre. Pour ce faire, l’ouverture d’une enquête annoncée par le Premier ministre, Olivier Mahafaly, doit aller au-delà de l’effet d’annonce et des pièges à cons destinés à desserrer l’étreinte de la pression, pour situer les responsabilités et punir les coupables des crimes.

« Le Pays »


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