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MARCHE-MEETING ANNONCEE DE L’OPPOSITION BURKINABE


 Une autocritique sincère et courageuse du régime s’impose

Au détour d’une conférence de presse tenue le 4 septembre dernier, l’opposition politique burkinabè appelle à une  journée nationale de protestation, le samedi 29 septembre 2018, sous forme de marche-meeting, contre la gouvernance de la majorité présidentielle. L’annonce a été faite par le chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, par ailleurs président du principal parti de l’opposition, l’Union pour le changement et le progrès (UPC).

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la présidentielle de 2020 qui se profile à l’horizon, annonce  de rudes empoignades. Et les lignes sont en train de se dessiner entre les protagonistes de la scène politique. D’une part, avec une opposition recomposée et qui a connu l’arrivée en force de l’ex-parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), aux côté de partis qui l’avaient combattu, et d’autre part, avec une majorité présidentielle menée par le parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et ses alliés que Zéphirin Diabré et les siens mettent dans le même sac.

Il convient de se départir de toute position partisane

Cette marche-meeting en perspective, est la première manifestation d’envergure que l’opposition compte organiser depuis l’insurrection d’octobre 2014 et la résistance civilo-militaire au coup d’Etat de septembre 2015. Aussi, tout porte à croire qu’en lançant cette première salve de manifestations contre le régime de Roch Marc Christian Kaboré, l’opposition politique semble vouloir se rappeler au bon souvenir des tenants actuels du pouvoir par l’une de ses armes qui a été fatale au défunt régime du président Blaise Compaoré. C’est donc à une interpellation en règle qu’elle semble vouloir procéder, même si cela sonne comme un coup de semonce qui pourrait appeler une réponse du même genre dans l’autre camp et annoncer des lendemains de braise, si la chose est vue seulement sous le prisme des antagonismes politiques.

C’est pourquoi, au-delà des rivalités politiques, il convient de se départir de toute position partisane et d’analyser la situation avec toute la lucidité et l’objectivité qui seyent. De ce point de vue, l’on peut dire que cette marche-meeting annoncée de l’opposition est un événement majeur face auquel le pouvoir ne doit pas rester impassible. Au contraire, elle devrait amener le MPP et ses alliés à s’interroger sincèrement sur leur gouvernance, en vue de rectifier le tir là où il le faut. Par conséquent, une autocritique sincère et courageuse du régime s’impose. Car, comme le dit l’adage, «la vérité rougit les yeux mais ne les casse pas ». Et l’on n’a pas besoin d’être contre le pouvoir en place pour savoir qu’aujourd’hui, au Burkina Faso, la situation sécuritaire est préoccupante, que l’économie végète dans une sorte de marasme qui fait qu’elle peine encore à se relancer véritablement et qu’il y a des chantiers comme ceux de la gouvernance vertueuse et la restauration véritable de l’autorité de l’Etat qui nécessitent des actions vigoureuses pour remettre le train sur les rails. Refuser de le reconnaître, c’est chercher à avancer avec des œillères au risque d’en récolter les pots cassés.

D’un autre côté, l’opposition doit éviter d’être dans le négativisme total et accepter  de reconnaître que des  efforts sont faits par le gouvernement. Parfois même, elle devrait accepter d’être une force de propositions.

Il revient au pouvoir de reconnaître dans la critique de l’opposition la véracité de certains faits et de travailler à les corriger

Par exemple, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, rejeter toute la responsabilité sur le pouvoir seul, même si cela peut se justifier amplement, c’est oublier que quelque part, si les terroristes prennent le dessus, c’est tout le monde qui en pâtira. Dans ces conditions, il peut paraître incompréhensible que l’opposition qui dit avoir ses solutions, n’apporte pas sa contribution à la protection de la maison commune et passe son temps à accabler le pouvoir même si cela peut être de bonne guerre. A moins que cette position ne se justifie par le fait qu’en réalité, ceux qui passent leur temps à crier n’ont aucune solution efficace à proposer. Alors, oui à la lutte pour la conquête du pouvoir, mais face à certains défis, le pays n’a pas besoin de coloration politique. Il faut une union sacrée pour faire face à l’ennemi  commun. Est de  ces défis-là et de loin le plus prégnant, la question du terrorisme qui nous assaille depuis bientôt trois ans, comme par hasard depuis que Roch Marc Christian Kaboré est aux affaires.

Par ailleurs, il n’est  pas juste de peindre tout le tableau du pouvoir complètement en noir, là où l’on sait que des efforts ont été indéniablement faits. Notamment au niveau de la santé où malgré ses limites, la mesure de gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes a eu des effets appréciables sur les populations. Au niveau de l’éducation, de nombreuses réalisations ont permis de remplacer des écoles sous paillotes. De même, dans le domaine de l’eau et surtout des infrastructures routières, des actions concrètes ont été posées pour soulager les souffrances des populations, même si beaucoup reste encore à faire. Le gouvernement fait donc ce qu’il peut. D’autant plus que l’on ne peut éluder le contexte difficile dans lequel le président Roch a d’abord accédé au pouvoir avec l’accueil sanglant du 16 janvier 2016 et tout ce qui s’en est suivi comme remous sociaux qui ont aussi contribué à plomber peu ou prou l’exécution de son programme. Et rien  ne dit que ceux qui peignent aujourd’hui, à tort ou à raison, toute son action en noir, auraient pu faire mieux s’ils avaient eu la confiance des Burkinabè dans les urnes.

En tout état de cause, en annonçant cette marche, l’opposition politique est dans son rôle. Il revient au pouvoir d’y prêter une oreille attentive et de ne pas tout rejeter en bloc. Il lui revient surtout de reconnaître dans la critique de l’opposition la véracité de certains faits et de travailler à les corriger. Cela implique que le pouvoir ne doit pas écouter que  des partisans et des courtisans qui manquent quelquefois de recul nécessaire pour donner des conseils avisés. Car, si l’on peut reconnaître que depuis sa prise du pouvoir, les embûches n’ont pas manqué sur le chemin de Roch Marc Christian Kaboré, le constat est que depuis l’insurrection, la rupture tant attendue par les Burkinabè, surtout en matière de gouvernance ferme et vertueuse, peine encore à voir le jour. Dans ce sens, aucun auteur de crime économique n’a encore été puni pour l’exemple alors que  la corruption continue d’être décriée et les tiroirs de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat sont remplis de dossiers de contentieux dont les Burkinabè auraient certainement aimé qu’ils fussent vidés en justice. C’est le lieu de dire que les promesses de campagne ne doivent pas être de simples slogans. Et cela est valable pour tous les hommes politiques. Car, si aujourd’hui Roch tarde encore à montrer aux yeux de nombreux Burkinabè qu’il est « la solution », c’est parce que ses compatriotes semblent l’avoir pris au mot et cela se justifie, car ils attendaient mieux. Toutefois, il a encore la moitié de son mandat pour faire mentir ses détracteurs.

 « Le Pays » 


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