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MASSACRE AU SOUDAN


Après le massacre du 3 juin dernier, qui a coûté la vie à une centaine de personnes, l’armée soudanaise se dit finalement disposée à dialoguer avec les civils. C’est ce qu’a déclaré, hier, 5 juin 2019, le chef du Comité militaire de transition. Il s’agit là d’un revirement spectaculaire qui a surpris plus d’un. Pour autant, l’opposition mordra-t-elle facilement à l’hameçon ? Difficile d’y répondre. Pour le moins, on sait qu’elle n’a d’autre choix que de changer de stratégie. En tout cas, ils sont nombreux les observateurs de la scène politique soudanaise, qui ne croient pas en la bonne foi des militaires. Et pour cause. L’on imagine aisément que la foudre qui s’est abattue sur la tête des contestataires, a pour effet de briser l’élan de nombreux manifestants qui seront désormais tenaillés par la peur.

Il faut craindre une dévolution arrangée du pouvoir entre militaires

Par ailleurs, déboulonner le Conseil militaire de transition, ressemble de plus en plus à une tâche herculéenne pour l’opposition quand on sait que la hiérarchie militaire bénéficie des conseils d’un partisan de la ligne dure comme le président égyptien, le Général Al Sissi, par ailleurs président de l’Union africaine (UA), et du soutien financier des monarchies pétrolières du Golfe. Et ce ne sont pas les atermoiements du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) qui a échoué à adopter une résolution condamnant les récentes tueries à cause de l’opposition systématique de la Russie et de la Chine, qui peuvent faire plier les bidasses soudanais. Même si l’UA se réunit en urgence suite aux récents développements de la crise soudanaise, le silence assourdissant qu’elle a observé pendant longtemps, n’est pas rassurant. Pour le peuple soudanais donc, la lutte doit donc continuer. C’est dans cette perspective que l’Association des professionnels soudanais (APS) qui est le fer de lance du mouvement de contestation du pouvoir militaire, appelle à une grève générale dans les prochains jours et à la désobéissance civile. Et ce serait faire un mauvais procès aux leaders du mouvement de contestation, que de leur reprocher de radicaliser la lutte. En effet, l’échéance des neuf mois décidée unilatéralement par les militaires ressemble à un piège à cons en ce sens qu’elle vise d’une part à attendrir la communauté internationale après les éruptions de violences de ces derniers temps et d’autre part à gagner du temps. Du reste, quel crédit peut-on encore accorder à cette junte dont les promesses sont aussi mouvantes que les dunes du sable du désert ? En tout cas, ce serait faire preuve d’une grande naïveté politique que de croire que cette armée qui est prête à tuer pour conserver le pouvoir qu’elle a subtilisé au peuple aux lendemains de la chute du dictateur Omar El Béchir, le lâchera aussi facilement qu’elle le prétend dans neuf mois. Et même si par la force des choses, elle venait à aller aux élections, il faut craindre une dévolution arrangée du pouvoir entre militaires, comme cela s’est passé exactement chez le voisin égyptien.

Le changement de stratégie s’impose après le bain de sang

Dans un tel scénario, le pire, pour l’opposition, serait d’enjamber des cadavres pour aller à des élections qu’elle n’est même pas sûre de remporter. Elle se serait fait tout simplement hara kiri.
Cela dit, il ne suffit cependant pas, pour l’opposition soudanaise, de faire preuve de détermination pour remporter la victoire dans cette lutte, surtout face à des gens qui ont le doigt sur la gâchette. Il faut d’abord et surtout faire preuve d’imagination. Et même si cela ne semble pas gagné d’office, cette ruse reste dans le domaine du possible car l’opposition l’avait réussie pour parvenir à faire chuter Omar El Béchir. Pourquoi ne le réussirait-elle pas avec la junte ? En tout cas, l’opposition soudanaise doit travailler elle-même à présenter un front uni face à l’adversaire. Car, on le sait, avant la répression, le mouvement de la contestation était balloté par des vents contraires qui avaient retardé la grève générale et la désobéissance civile annoncées de longue date. C’est dire que le changement de stratégie s’impose après le bain de sang dont s’est rendue coupable l’armée, même si celle-ci s’en défend.

«  Le Pays »


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