HomeA la uneMICHEL KAFANDO A PROPOS DE LA PRESIDENTIELLE DE 2015 : « Le vote des Burkinabè de l’extérieur risque d’être difficile »

MICHEL KAFANDO A PROPOS DE LA PRESIDENTIELLE DE 2015 : « Le vote des Burkinabè de l’extérieur risque d’être difficile »


Le président du Faso, Michel Kafando, a rencontré successivement les Organisations de la société civile et les partis politiques burkinabè dans la matinée du 6 janvier 2015, au palais présidentiel de Kosyam à Ouagadougou. A ces derniers, il a fait le bilan des actions du gouvernement de transition et a eu des échanges directs sur les grandes préoccupations de l’heure, notamment celles relatives aux prochaines échéances électorales.

L’un des défis majeurs de la transition est le respect du calendrier électoral en organisant des élections libres, équitables et transparentes d’ici à novembre 2015. Et à quelques mois de cette échéance, le président du Faso, Michel Kafando, a eu un tête-à-tête avec les Organisations de la société civile (OSC) et les partis politiques pour discuter, entre autres, de la question du vote des Burkinabè de l’étranger, le mode de scrutin et les candidatures indépendantes. C’était le 6 janvier dernier. En effet, si les OSC et les partis politiques ont des points de vue différents sur plusieurs questions relatives aux prochaines échéances électorales, notamment la participation des Burkinabè de l’étranger aux scrutins à venir, le président Michel Kafando a été un peu plus clair. «L’ancien régime avait essayé de cadrer les choses mais dans la réalité des faits, c’est plus difficile que ça, parce que nous n’avons plus que 9 mois pour organiser les élections. Encadrer ces élections à l’étranger serait plutôt difficile », a dit le président du Faso, Michel Kafando, aux partis politiques qu’il a reçus, après avoir eu une entrevue avec les OSC. Parlant précisément du cas de la Côte d’Ivoire où réside la plus forte communauté burkinabè vivant à l’extérieur, Michel Kafando a expliqué que vouloir prendre en compte le vote de cette dernière risque d’être assez difficile. « C’est la plus forte communauté que nous avons à l’étranger, et c’est le pays où forcément nous n’avons pas beaucoup d’amis. En plus, certaines opérations qui devraient y être faites ne l’ont pas été, notamment l’établissement des cartes consulaires (…). Nous avons peur que le danger ne vienne de là-bas, car il ne faut pas que nos propres élections soient perturbées ici, parce qu’on aura sciemment manigancé les choses », a-t-il justifié. Par ailleurs, Michel Kafando a estimé que même si les concertations se poursuivent, notamment sur les élections à venir, le couplage de celles-ci semble la solution la plus plausible, pour des raisons budgétaires.

« Nous sommes vos serviteurs, et rien d’autre »

Mais bien avant d’évoquer cette question du vote des Burkinabè de l’étranger, le président Michel Kafando a loué le sens de responsabilité des partis politiques et des OSC, pour le travail abattu pour le renouveau du pays. Et de confier que l’élection du peuple burkinabè comme l’homme de l’année par le journal « Jeune Afrique » est un grand honneur et un motif de satisfaction. Rassurant que le gouvernement n’a aucune ambition politique, il a présenté le bilan des actions menées par celui-ci depuis qu’il est aux affaires. Un bilan positif, selon lui, malgré les couacs qu’il y a eus. Pour lui, le gouvernement est ouvert aux critiques car elles permettent d’avancer. « Si elles sont justifiées, le gouvernement prendra ses responsabilités. Nous sommes vos serviteurs, et rien d’autre (…). Nous sommes un gouvernement de transition, de sacerdoce, et s’il y a un problème, nous sommes disposés à le résoudre (…)», a-t-il laissé entendre, avant d’assurer que « le Burkina Faso aura ses institutions claires où il n’y aura pas de contestations ». Ces concertations à huis clos, respectivement avec les OSC et les partis politiques, ont permis au président du Faso, Michel Kafando, de s’assurer de l’accompagnement de ces composantes pour la réussite de la transition, notamment la phase cruciale qui consistera à programmer les échéances électorales prochaines. « Je retiens que la classe politique et les OSC sont conscientes du travail que le gouvernement de transition fait pour aller à l’objectif du mandat qui lui a été confié, à savoir organiser des élections propres afin que les résultats qui seront issus de ces élections soient une démocratie véritable, acceptée par tous », a-t-il ajouté. Il est à noter que le 13 janvier prochain, une rencontre internationale est prévue pour faire le bilan de la transition et avoir une projection globale du calendrier des prochaines échéances électorales afin de parvenir à une position consensuelle.

Mamouda TANKOANO et Thierry Sami SOU

ENCADRE 1

Zoom sur les propositions des OSC:

Sur le mode de scrutin et le vote des Burkinabè de l’étranger, les OSC sont divisées. Du mode de scrutin, elles ont fait 2 options, à savoir le couplage de la présidentielle aux législatives et l’élection générale ou élection simultanée dont l’avantage réside dans le coût de son opération. De ce point, ils ont relevé que la principale difficulté pourrait être liée à l’analphabétisme de bon nombre de Burkinabè. Quant au vote des Burkinabè de l’étranger, certaines approuvent leur participation mais d’autres la réfutent, à cause des difficultés égrenées par la Commission nationale électorale indépendante (CENI) lors de l’installation de ses démembrements. Toutefois, elles restent unanimes sur les candidatures indépendantes aux scrutins municipal et législatif, car, pour elles, cela permettra de renforcer la démocratie même si le principal inconvénient serait lié au mode de scrutin. Autre proposition et non des moindres est la limitation des mandats des élus municipaux et des députés. A ce niveau, elles sont unanimes qu’on limite les mandats : « Par exemple, si vous êtes élu 3 fois, c’est-à-dire 3 fois 5 ans, après avoir été député pendant 15 ans, vous ne devriez plus être candidat à une telle élection». Sur le dernier point, en l’occurrence la CENI, elles proposent non seulement qu’on la constitutionnalise en faisant d’elle une institution républicaine, mais aussi qu’on la maintienne dans son format actuel. Cependant, elles demandent qu’on recrute de nouvelles compétences pour son renforcement.

Source : Discours des OSC

ENCADRE 2 :

Propos de quelques membres des OSC à l’issue de leur entretien avec le président du Faso, Michel Kafando

Jonas Hien, président du Conseil national des Organisations de la société civile

« Nous avons approfondi les échanges sur les différentes questions de la transition et nous avons relevé un certain nombre de points, en termes de transparence par rapport aux élections à venir. Les discussions ont porté, entre autres, sur le Conseil constitutionnel dont la composition doit être revue, pour tenir compte de certaines exigences de la démocratie et de la transparence. Nous avons aussi parlé des dépenses des élections, notamment le plafonnement des dépenses afin de tenir compte de la réalité socioéconomique du Burkina Faso. Le cas du ministre des Infrastructures, des transports et du désenclavement, Moumouni Diéguimdé, a été aussi évoqué et le président du Faso nous a informés que des enquêtes sont actuellement en cours au niveau des Etats- Unis, puisque le problème qu’on lui reproche vient de là. Il a ajouté que si les enquêtes révélaient que le ministre a commis des faits délictueux, le gouvernement prendra ses responsabilités. Pour ce qui est de la suppression des gadgets, nous en avons parlé avec le président Michel Kafando. Ce sont des propositions que nous faisons, dans le sens de la relecture du code électoral à venir et nous avons demandé qu’il y ait interdiction d’utilisation de gadgets pendant les campagnes électorales.»

Safiatou Lopez, présidente de l’APDC

« L’initiative est vraiment louable, mais il y a quelque chose qui ne m’a pas convaincue, notamment nos représentants aux OSC. J’ai posé le problème au président qui, pour moi, est le gendarme de son gouvernement, mais il m’a dit que lorsqu’ils sont au gouvernement, ils ne doivent plus parler. Non, ils ont une base qu’ils doivent toujours consulter. Ils ne doivent pas être au gouvernement et oublier leur base. S’ils avaient consulté la base, je crois que nous n’aurions pas eu tout ce que nous avons eu aujourd’hui, car les OSC ont leurs représentants dans le gouvernement. Donc, si ça ne va pas, je préfère qu’ils gèrent leurs problèmes entre eux. Par rapport au discours qui a été prononcé, notamment les propositions, je ne me reconnais pas dedans. Je ne sais pas comment ils se sont concertés, car s’il y avait une concertation, on n’allait pas chercher à parler ce matin. S’ils étaient en communication avec la base, on n’aurait pas eu ces problèmes. Nous avons appris que le problème de Moumouni Diéguimdé n’est pas lié à lui-même, mais à la transition, car il semble qu’après lui, ce sera le ministre du Commerce. Je me demande finalement ce qu’on veut, car les gens vont finir par demander à tout le monde de descendre et on n’aura pas quelqu’un pour gérer cette transition. Donc, si nous voulons avoir des élections libres et transparentes dans ce pays, nous devons accompagner la transition et ce sont ceux-là mêmes qui ont fui le pays qui sont en train de téléguider. Ce sont eux qui sont en train d’instrumentaliser les gens et si cela s’avère exact, c’est déplorable. Je sais que d’autres sont sortis dans un esprit de patriotisme, mais il faut que tout le monde retienne que si cette transition échoue, ce sera l’échec de tout un peuple.»

Sagado Nacanabo, secrétaire exécutif adjoint du REN/LAC

« Sur la corruption électorale, le président a dit que si cela ne dépendait que d’eux, personne n’utiliserait des gadgets ou ne donnerait des vivres ou de l’argent pour se faire élire, personne ne battrait campagne en hélicoptère. Pour le respect du délai impératif du 17 novembre 2015 pour passer la main à son successeur, Michel Kafando a confié qu’il était pressé de le faire et qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour que ce délai soit respecté.
Nous n’avons pas eu la parole mais nos préoccupations ont été soulevées. Il s’agit notamment de la corruption électorale. Si la corruption intervient lors des élections à venir, c’est sûr que les résultats seront biaisés. Toutes les élections qui sont passées, le président l’a dit et tous les Burkinabè le savaient, la corruption électorale était employée à fond, les élus étaient mal élus et ne pouvaient faire que de la mauvaise politique ».

Abdoul Karim Sango, membre du CGD

« Beaucoup de sujets ont été abordés. Nous sommes satisfaits. Nous avons posé des questions précises, il y a eu des réponses, des engagements fermes qui ont été pris. Le président du Faso nous a donné l’assurance que les autorités veillent à ce que les préoccupations des citoyens soient prises en compte ; même si sur certains sujets, il a été évasif, notamment la question de savoir s’il y aura justice pour les martyrs de l’insurrection populaire. Sur cette question, il n’est pas certain qu’au sortir de la transition, cette préoccupation soit prise en compte. Sur la question de la réforme du Conseil constitutionnel, le chef de l’Etat a partagé nos préoccupations, en ce sens qu’il a estimé que les dispositions seront prises pour que ceux qui vont remplacer les membres absents, notamment le président qui est à la retraite le juge Salifou Nébié, soient des personnes intègres et qui puissent travailler en toute indépendance et en toute impartialité. Il ne s’est pas prononcé sur les candidatures indépendantes. Techniquement, c’est tout à fait possible d’avoir un scrutin législatif avec des candidatures indépendantes. Nous avons aussi discuté du couplage des élections et le point de vue qui semble soutenu par les OSC, est l’idée de séparer les élections générales de celles locales, c’est-à-dire organiser des élections couplées des législatives avec la présidentielle, ensuite voir la question des municipales. Mais, l’avantage d’organiser des élections générales serait qu’on aura à la fin des élections, le président du Faso, les députés et les conseillers municipaux.»

Souleymane Ouédraogo dit Basic Soul, membre du mouvement « Le balai Citoyen »

« Ce qui se dégage de façon unanime de ces échanges, c’est de coupler la présidentielle aux législatives, à charge de voir les partis politiques qui sont d’ailleurs les premiers concernés. Pour réussir ces élections, il y a des mesures à envisager au niveau de la CENI pour que chaque parti, qu’il soit petit ou grand, puisse être à l’aise, notamment l’interdiction des gadgets au cours de la campagne électorale, le plafonnement des dépenses des campagnes. Le Bloc 21 n’a pas à s’en prendre au mouvement « Le balai citoyen » pour son soutien aux travailleurs du ministère des Infrastructures, des transports et du désenclavement (…). Mais le Balai Citoyen reste campé sur sa position.»

ENCADRE 3 :

Réactions de quelques membres de partis politiques à l’issue de leur entretien avec le président du Faso.

Me Bénéwendé Sankara, président de l’UNIR/PS

« C’est une rencontre de concertations qui nous a permis de faire le bilan de la transition et d’échanger sur le calendrier électoral. Cela nous a permis d’apprécier le calendrier électoral. Sinon, on n’a pas abordé les questions de fond, mais la question du vote des Burkinabè de l’étranger a été plus ou moins tranchée, parce que les difficultés sont énormes et elles font qu’il sera difficile de pouvoir faire voter cette fois-ci les Burkinabè de l’étranger.
Nous approuvons le couplage des législatives à la présidentielle, tout comme beaucoup de partis. Mais on souhaite également que les élections municipales puissent être organisées dans un temps relativement court.»

Ablassé Ouédraogo, président de « Le Faso autrement »

« Je pense que le président de la transition a eu cette générosité de recevoir la classe politique du Burkina pour faire le point de deux mois d’activités à la tête de l’Etat, mais aussi de donner ses perspectives par rapport aux dix mois qui restent. C’était une réunion vraiment importante, parce que les informations qui y ont été données ont permis à beaucoup de chefs de partis de savoir que des choses importantes sont en train d’être réalisées pour notre pays . Il se dessine que pour les prochaines élections, les choses se mettent en place. Un point délicat restera à régler, c’est la participation de nos compatriotes de l’étranger. Tout le monde comprend et accepte que nous sommes face à d’énormes contraintes, et il faudrait être lucide dans la décision finale et prendre la bonne. Nous pensons que pour les élections à venir, même si nos compatriotes ne venaient pas à participer directement, ce ne serait pas la catastrophe. Pourvu que ce qui va être organisé conduise notre pays dans la paix, dans la stabilité, et que pour les élections qui vont venir dans cinq ans, les conditions permettent la participation de nos compatriotes de l’extérieur. C’est inscrit dans la loi fondamentale, mais dans le contexte actuel, c’est difficile, si nous voulons avoir des élections réussies.
Parlant du ministre Moumouni Diéguimdé, le président de la transition a été clair. Il faut comprendre qu’on ne peut pas gouverner par la rue. Le gouvernement a l’autorité de prendre des décisions et le président nous a informés que suite à tous les papiers qui ont été écrits sur le ministre Diéguimdé, ils ont demandé aux autorités américaines de leur donner des clarifications. C’est ce que le gouvernement attend. S’il s’avère que ce qui est reproché au ministre Moumouni Diéguimdé est confirmé, ils prendront leurs responsabilités. Mais nous disons qu’on ne peut accepter que la gouvernance de ce pays se fasse dans la pagaille, dans l’anarchie, dans l’intolérance. Il n’est pas acceptable que notre pays soit gouverné par la rue. Chacun a sa part de responsabilité et le gouvernement a raison de vouloir vérifier avant de décider.»

Roch Marc Kaboré, président du MPP

« C’est une rencontre qui a permis au chef de l’Etat de faire le point des activités de la transition et de nous parler de l’engagement qu’ils ont, de réaliser les élections présidentielle, législatives et municipales dans les délais requis par la transition. Cela a été également l’occasion pour les uns et les autres de poser des questions. Ce n’est qu’une première rencontre que nous estimons excellente et qui vient à point nommé. Les partis politiques considèrent que la transition a pour objectif d’organiser des élections transparentes, en vue de ramener le pays dans les normes. Nous avons, dans ce sens, remercié le président du Faso pour cette rencontre et on espère que cela nous permettra de définir un chronogramme des élections.
Parlant du vote des Burkinabè de l’extérieur, nous avons déjà exprimé notre position qui était qu’aucune disposition, depuis 2005, n’avait été prise par le gouvernement passé. Et, en neuf mois, il est impensable qu’on puisse penser à organiser des élections transparentes et dans les conditions requises dans toutes les ambassades et les consulats du Burkina Faso. Donc, nous avons considéré qu’il était sage de commencer dès maintenant à créer les conditions de cette élection pour 2020, parce qu’aujourd’hui, il est difficile de dire combien de Burkinabè résident à l’extérieur.»

Propos recueillis par S. S. T. et M. T.


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