HomeA la uneMISE EN GARDE DE L’UA A LA JUNTE MILITAIRE SOUDANAISE. : Le conseil paix et sécurité sera-t-il entendu ?

MISE EN GARDE DE L’UA A LA JUNTE MILITAIRE SOUDANAISE. : Le conseil paix et sécurité sera-t-il entendu ?


 

Lundi, le Conseil paix et sécurité de l’Union Africaine (UA) s’est montré d’une rare fermeté envers la junte militaire au Soudan : « Il condamne fermement et rejette totalement la prise de pouvoir par l’armée soudanaise, ainsi qu’une période de transition de deux ans ». Par conséquent, il accorde un délai de deux semaines aux tenants actuels du pouvoir pour rectifier le tir, sans quoi, « certains protocoles seront mis en place ». S’il faut saluer ce coup de semonce de l’organisation continentale qui, pour l’une des rares fois, s’inscrit dans la trajectoire de la lutte des peuples pour plus de démocratie, l’on ne peut manquer de souligner que cette sortie pue la mauvaise foi. En effet, l’UA n’a pas pu travailler à éviter le pourrissement de la situation qui l’amène aujourd’hui à agir en médecin après la mort.

On peut se poser la question de savoir de quels moyens dispose l’UA pour que sa pression porte fruit

Pendant longtemps, elle a servi de soutien au président Omar El-Béchir traqué par la Cour Pénale Internationale (CPI) en refusant de mettre en œuvre le mandat d’arrêt international lancé contre lui, en dépit des exactions avérées des milices Janjawid dont il était le parrain et malgré son extrême longévité au pouvoir. On le sait, les longs règnes finissent par des débâcles du genre que connaît actuellement le Soudan.Cela dit, on peut se demander si l’ultimatum que l’UA a lancé aux militaires soudanais, sera suivi d’effet. Rien n’est moins sûr quand on sait que c’est ce régime qui a régenté la vie des Soudanais pendant près d’une trentaine d’années et dont la junte en est la survivance. Aujourd’hui elle joue sa survie. Toutefois, l’on ne peut dénier le fait que cette condamnation de l’UA vient ajouter une pression supplémentaire sur la soldatesque en butte contre la bravoure des populations. Cette sortie de l’UA ne peut pas être perçue comme de l’eau sur les plumes d’un canard quand on sait que c’est le voisin égyptien qui assure la présidence de la Commission de l’Union et que le Soudan lui est lié économiquement par un cordon presque ombilical. Au passage, la condamnation de l’UA sert de viatique au mouvement populaire de résistance. Mais une chose est de rougir les yeux, une autre est de se donner les moyens de mettre en exécution ses menaces. L’on peut donc légitimement se poser la question de savoir de quels moyens dispose l’UA pour que sa pression porte fruit. Parmi les moyens dont dispose l’organisation panafricaine, il y a la suspension automatique du pays dès lors qu’un coup d’Etat est identifié comme tel par l’institution. En 2015, le Burkina Faso avait subi ce sort ainsi que l’Egypte et la République centrafricaine, deux ans plutôt. En outre, des sanctions peuvent également être prises à l’encontre des individus identifiés par l’Union africaine comme contribuant au maintien d’une situation inconstitutionnelle. L’on se souvient qu’après le coup d’Etat de 2012 au Mali, plusieurs militaires avaient vu ainsi gelés leurs avoirs et se sont fait notifier une interdiction de voyager sur le continent. A cela, l’on peut ajouter des possibilités d’embargo sur le plan économique, même si pour ce genre de sanctions, l’UA est obligée de faire recours au relais des organisations sous régionales d’intégration économique. Mais l’on peut se demander quel peut être véritablement l’effet de telles sanctions.

Il faut que tous les pays jouent franc jeu

Même si les sanctions de l’UA ne font pas l’effet d’un coup d’épée dans l’eau, l’on n’est véritablement pas loin de là. Et pour cause. D’abord, le Soudan est déjà sous embargo du fait des sanctions américaines et comme le disent les Ivoiriens, « cabri mort n’a pas peur de couteau ». Ensuite, il faut le dire, le Soudan dans ses relations, n’est véritablement pas tourné vers les pays africains mais plutôt vers les pays du golfe arabique dont certains dirigeants ont déjà affiché leur soutien aux nouvelles autorités soudanaises. Au-delà des soutiens arabes, l’autre grand partenaire du pays, c’est l’ogre chinois qui, on le sait bien, n’a que faire des questions des droits de l’homme et des libertés démocratiques. Dans le même ordre d’idées, il est de grande notoriété que l’embargo a toujours engendré un vaste marché noir profitable aux potentats des régimes en place et qu’in fine, ce sont les populations dont on veut défendre la cause, qui paient les pots cassés. Enfin, pour que d’éventuelles mesures africaines de rétorsion se montrent efficaces, il faut que tous les pays jouent franc jeu. Or, les dictateurs qui suivent du coin de l’œil la situation, peuvent trouver les moyens de les contourner. Alors, que reste-t-il à faire pour venir en aide au peuple soudanais en lutte ?   L’une des solutions pour plus d’efficacité de l’UA dans la crise soudanaise serait d’abord de travailler à rassurer la junte militaire dont l’une des raisons de s’arc-bouter au pouvoir est l’incertitude du lendemain. Par ailleurs, l’UA peut peser de tout le poids dont elle peut encore disposer pour raccourcir les délais de la transition fixés par les autorités militaires au pouvoir. En outre, elle peut œuvrer à organiser les civils pour gérer le pouvoir car de l’impréparation naissent les lézardes favorables au maintien de l’armée au pouvoir. Agir dans ce sens ne serait pas faire aveu d’impuissance mais faire preuve de réalisme. Un proverbe africain dit en effet que « Lorsqu’on ne peut stopper son voleur, il faut l’aider à transporter son butin ». Et cela, dans l’espoir de rentrer dans ses grâces pour récupérer ses biens.

« Le Pays »


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