HomeA la uneNEGOCIATIONS SUR LA LIBRE CIRCULATION ENTRE DAKAR ET BANJUL : Quand un dictateur est contraint à négocier  

NEGOCIATIONS SUR LA LIBRE CIRCULATION ENTRE DAKAR ET BANJUL : Quand un dictateur est contraint à négocier  


 

Depuis trois mois, le torchon brûle entre le Sénégal et la Gambie. En cause, la fermeture des frontières entre les deux pays, suite à la décision unilatérale de l’excentrique et lunatique président Yahya Jammeh, d’augmenter de 4000 à 400 000 F CFA, les droits de douanes sur les camions de marchandises.  Malgré l’annulation de la mesure qui, on s’en souvient, avait provoqué l’ire des transporteurs sénégalais et l’indignation de Dakar,  aucun véhicule n’entre jusqu’à ce jour en Gambie. Une situation qui, évidemment, n’arrange aucun des deux partis intimement liés par la géographie et l’économie.  C’est, du reste, pourquoi les deux Etats vont tenter d’apporter, chacun, sa part d’eau sur ce torchon incandescent, à travers des pourparlers entamés depuis hier, à Dakar, au Sénégal.  Des négociations à l’initiative du pays de la Teranga, puisque « le très ferme » Yahya Jammeh aurait           « accepté les propositions des autorités sénégalaises de négocier ».  Mais, l’autocrate gambien avait-il vraiment  d’autre choix que d’accepter ; son pays se trouvant, aujourd’hui, au bord de l’asphyxie  économique du fait de cette énième crise ?  Certes, vu du Sénégal,  la fermeture des frontières multiplie par deux, le trajet pour se rendre en Casamance ; ce qui ne fait pas bon pour les affaires. Mais, on peut aisément deviner que celui qui a  plus à perdre dans ce blocage, c’est bien la Gambie et cela, pour  plusieurs raisons: d’abord, parce que durant ces trois mois, le Sénégal a administré à son voisin, la preuve que sans lui, il ne mourra pas économiquement, loin s’en faut. Le Sénégal  montre  ainsi que l’équation sortie du chapeau, ou plutôt de la chéchia de l’homme fort de Banjul, n’est pas insoluble.  En tout cas, le moins qu’on puisse dire c’est que le Sénégal ne s’est pas laissé aller aux courbettes, pour implorer le tout-puissant Yahya Jammeh, le démiurge gambien, de revenir sur sa position.  Si le Sénégal a  continué  à vivre, on ne peut pas en dire de même pour  la Gambie qui se retrouve  très affaiblie économiquement.  Ensuite, parce que de plus en plus isolée sur la scène internationale,  la Gambie n’a pas intérêt à en rajouter en compliquant davantage ses relations déjà difficiles,  avec son voisin. D’autant qu’au plan intérieur, la situation sociopolitique n’est pas des plus enviables, marquée, comme  on le sait, par des contestations de plus en plus ouvertes du pouvoir gambien, sur fond de  grogne sociale.   En tous les cas, en quelque trois mois,  les  frictions  entre Dakar et Banjul,  liées à la fermeture des frontières, révèlent leurs conséquences incalculables pour la Gambie dont le leader  omnipotent et omniscient découvre certainement aujourd’hui, les limites de sa dictature.

Dakar a intérêt à jouer à fond la carte de la fermeté

Le vent de la bêtise de Jammeh semé, c’est  toute la Gambie qui se voit obligée de  récolter la grosse tempête qui continue de dévaster son économie.  L’occupant actuel de la State House peut-il enfin ouvrir ses yeux jusque-là fermés par les œillères de la mégalomanie et des pantalonnades ? En tout cas, il n’est pas sans savoir qu’on ne construit pas une nation de cette façon. On ne gère pas un Etat  comme on gère sa basse-cour. Et surtout,  qu’il ne s’y méprenne pas : la Gambie ne saurait vivre en vase clos, même si son ambition semble d’en faire un pays fermé, aux fins d’en disposer à sa guise. Yahya Jammeh doit se rendre à l’évidence que même si tout lui est permis au plan domestique, sa liberté s’arrête là où ses décisions et autres lubies ont des répercussions fâcheuses  sur le voisin sénégalais au  double plan économique et social.  En tout cas, le Sénégal entame ces pourparlers en position de force. D’abord, parce que le comportement du dictateur gambien est en flagrante contradiction avec les textes de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en matière de libre circulation des biens et des personnes. Ensuite, parce que c’est bien la Gambie qui  voit son économie aujourd’hui sinistrée et qui aurait donc beaucoup  plus à perdre si la crise entre les deux Etats restait en l’état.  Et puis, il faut ajouter à cette situation relativement confortable pour Dakar,  le fait que le Sénégal est aujourd’hui dans une phase de normalisation avec la Casamance. On peut faire le constat qu’il y a aujourd’hui moins d’actions d’éclats sur le terrain dans cette région du Sénégal.   Ce faisant, Banjul qui utilisait la question casamançaise comme arme de chantage, parce que la Gambie servait de base de repli  pour les rebelles casamançais, a plus ou moins perdu un redoutable moyen de pression sur Dakar.  Pour tout dire, le président Macky Sall a suffisamment les coudées franches pour bien gérer  le différend qui oppose les deux pays. Il peut négocier sans grande peur. Pour le Sénégal, c’est l’occasion de ramollir davantage le dictateur déjà en position de faiblesse, qui se  croit tout permis. C’est dire si Dakar a intérêt à jouer à fond la carte de la fermeté.  Il faut absolument crever l’abcès, dans la mesure où ce n’est pas la première fois que ces problèmes à la frontière, se posent entre les deux Etats.  Il appartient à Dakar de mettre la barre haut face à un autocrate gambien aussi imprévisible que fêlé. C’est le moment d’engager des discussions « sans tabou », d’aborder tous les sujets, même ceux qui fâchent le plus.

« Le Pays »


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