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NORD-MALI :La grande diversion


Décrié pour sa gouvernance, le régime du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) doit, à la fois, répondre aux interpellations des opposants, des bailleurs de fonds ainsi que des groupes armés. Ces derniers, par le biais de la coordination des groupes armés de l’Azawad, ont demandé d’office « l’indépendance » des régions du Nord. On le sait pourtant : pour les autorités maliennes, la laïcité de l’Etat, aussi bien que l’intégrité territoriale du pays, ne sont pas négociables.

 

Trop de va-et-vient illustrent le long parcours du dossier touareg

 

Rêvent-ils de donner le coup de grâce au règne d’IBK ? En tout cas, les tenants de l’indépendance de l’Azawad viennent de donner un véritable coup de sabre aux négociations d’Alger. De quoi semer trouble, désarroi et indignation à Bamako où personne n’entend céder un pouce du territoire hérité de la colonisation.  Trop de va-et-vient illustrent le long parcours du dossier touareg,  au risque d’agacer l’opinion africaine. Que veulent donc ceux qui, depuis l’indépendance du Mali, revendiquent des choses, signent des accords, puis se rétractent à la première occasion ?

Dans le camp touareg, règne toutefois une certaine cacophonie. Les divers mouvements ne partagent pas les mêmes objectifs. Si le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a servi de creuset, du chemin a été fait cependant. Au point que de nos jours, il y aurait outre ceux qui réclament l’indépendance de l’Azawad, ceux qui se disent laïcs, et ceux qui font la promotion d’un Azawad « djihadiste ». Impatiente de voir s’installer une paix durable dans la sous-région, l’Afrique sub-saharienne ne va-t-elle pas finir par s’irriter ?

De l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) à l’Union africaine (UA), l’esprit qui prévaut est que jamais, on ne reviendra sur l’intégrité des territoires hérités de la colonisation. Certes, des situations particulières ont vu naître des Etats du genre de celui du Soudan du Sud. Mais, la question touarègue constitue, avant tout, un problème de gouvernance à l’intérieur d’un Etat malien indépendant. A ce titre, on ne regrettera jamais assez les défaillances de l’Etat au Mali. C’est un fait que les élites politiques de ce pays sont coupables d’avoir mal géré un héritage que l’ex-colonisateur leur a légué. Les régimes successifs ont toujours pris un malin plaisir à se transmettre le dossier touareg, au gré des passations de service à la tête de l’Etat. Il appartenait pourtant à la succession, de prendre et de gérer les divers dossiers avec délicatesse.

Le cas malien est à la fois exceptionnel et exaspérant. Tout se joue entre le nord et le sud, occultant, de ce fait, les problématiques de développement des autres régions du pays. Tout comme les Touaregs, les autres communautés du Nord-Mali, celles des autres régions de ce pays sont aussi victimes d’une situation que le reste de l’Afrique, les voisins en particulier, ont toujours dénoncée ! De la période coloniale à nos jours, la question touarègue fait l’objet d’un surdimensionnement qui devient gênant. Trop de dissidences, de groupuscules, et de volte-face chez les rebelles ! La classe politique malienne elle-même ne s’aide pas à sortir de cet imbroglio. Longtemps, les Européens se sont laissés convaincre que les Touaregs sont stigmatisés, et comme tels, marginalisés. Le paternalisme aidant, ils ont donc toujours cherché à les maintenir dans l’esclavage de l’assistance tous azimuts. Cela a probablement poussé au laxisme, certains gouvernants. Les milieux paternalistes et leurs lobbies friands d’un certain amour du désert et de ses habitants, ont dû souterrainement encourager les rebelles potentiels. Au fil du temps, la rébellion a pu bénéficier de la sympathie de milieux occidentaux. Ceux-ci sont toujours aussi fascinés par l’exotisme du désert, la richesse insoupçonnée de l’art et de la culture qu’on y trouve, autant que par l’élégance, la profonde connaissance et la dextérité des peuples qui y habitent. Mais aujourd’hui, ce partisanisme étroit semble s’assagir. La communauté internationale a opté pour un autre agenda. Devant l’évidence, le fonds de commerce basé sur l’indépendance de l’Azawad, tend à s’épuiser. Pourquoi alors, ne pas aller résolument dans le sens de solutions consensuelles durables, et au bénéfice de tous ? Il faudra s’engager un peu plus dans la discussion autour de tables de négociations, avec le concours de ceux qui sont déterminés à voir s’éteindre l’incendie qui menace d’embraser tout le Sahel !

 

La gouvernance de IBK ne doit pas souffrir de maladresses

 

La question touarègue fait trop souffrir nos communautés, pour avoir trop duré et inutilement. Certes, en se battant les armes à la main, les rebelles et leurs dirigeants ont eu le mérite d’avoir médiatisé la cause de populations marginalisées. Mais, même s’ils sont suffisamment bien armés, les divers mouvements vont devoir se ranger. Jamais, les pays du continent ne voudront abdiquer à propos de l’intégrité du territoire malien. Ce serait un précédent grave, aux conséquences catastrophiques. Ce dossier fait tellement diversion qu’il risque de survivre au régime du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK). D’ores et déjà, celui-ci voit l’exécution de son mandat compromise.

D’abord, en raison d’incessants « va-et-vient » quant au traitement de ce dossier « brûlant ». Mais aussi, du fait d’une gouvernance de plus en plus décriée par les opposants maliens, mais aussi les bailleurs de fonds. Même s’il n’est qu’en début du premier mandat présidentiel, IBK dispose, en réalité, de très peu de temps pour résoudre à la fois de nombreux problèmes. Outre la question touarègue, il y a la drôle d’équation militaire, mais aussi les nombreux défis socioéconomiques à relever, avant d’affronter le péril électoral. Or, en plus du climat politique malsain, la situation financière ne semble point rassurer les bailleurs de fonds. Depuis plus de trois mois, les versements de crédits accordés au Mali sont suspendus. L’Union européenne (UE) et la Banque mondiale sont insatisfaites et inquiètes de la gestion des fonds par l’Etat malien. Une mission d’évaluation est même présentement à Bamako.

On lui reproche une certaine complaisance dans la gestion des ressources nationales : l’achat d’un nouvel avion présidentiel, l’existence d’un contrat d’équipement passé par le ministère de la Défense nationale, la modification d’un article du code des marchés publics. La reprise des crédits par le FMI, la Banque mondiale et l’UE, dépendra des conclusions de la présente mission d’évaluation. Lui, IBK, auparavant reconnu rigoureux et intègre, va devoir faire preuve de plus de vigilance et prendre des mesures au plus tôt, pour redresser la barre. Pour surmonter les difficultés, le chef de l’Etat malien a entrepris de renforcer les liens de coopération avec Moscou et Pékin. En Chine, il a obtenu un « don sans condition » de 18 milliards de F CFA, ainsi qu’un prêt « sans condition » de 8 milliards FCFA.

Toutefois, le Mali demeure un pays démuni. Voilà pourquoi sa gouvernance ne doit pas souffrir de maladresses. IBK doit non seulement éviter de se laisser divertir, mais surtout sous-dimensionner les appétits gloutons de son entourage. Si sa gouvernance est trop décriée et que le problème touareg ne trouve pas vite solution, le Mali risque fort de se fragiliser. A terme, c’est son régime qui s’effondrera. Car, il perdra inévitablement le capital de sympathie dont il bénéficie auprès de l’électorat malien et de l’opinion internationale.

 

« Le Pays »


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