HomeA la uneNOUVEAU GOUVERNEMENT BURKINABE : A-t-on enfin mis l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ?

NOUVEAU GOUVERNEMENT BURKINABE : A-t-on enfin mis l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ?


Le 29 décembre 2016, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, face à la presse, avait fait les révélations suivantes. Premièrement, le gouvernement subira un réajustement technique. Deuxièmement, il se déchargera du portefeuille de la Défense nationale et des anciens combattants. Enfin, aucun militaire ne fera son entrée dans le nouveau cabinet qui sera mis en place. Depuis lors, les Burkinabè trépignaient d’impatience de voir les choses prendre forme. L’attente a été tellement longue et angoissante que bien des personnes ont décrypté cela comme le signe d’une tension entre les éléphants du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès), notamment entre les RSS, c’est-à-dire Roch, Salif et  Simon. De  ce fait, il se susurrait que c’est après le congrès du parti, prévu en principe pour mars prochain, que les Burkinabè connaîtraient la nouvelle équipe gouvernementale.

 

Le président a tenu parole

 

L’Enfant de Tuiré, dans le Ganzourgou, comme s’il voulait  démentir tout cela, a publié, le 20 février dernier, les noms des hommes et femmes de son nouveau gouvernement. L’on peut, avant toute chose, faire le constat que Roch Marc Christian Kaboré a traduit ses paroles en actes. En effet, d’abord, on ne note la présence d’aucun militaire dans la nouvelle équipe. Comme la précédente, tous

les ministères  ont été attribués à des civils. Et cela est suffisamment rare dans l’histoire politique du Burkina pour être souligné. C’est peut-être la preuve, s’il en est encore besoin, de la volonté du chef de l’Etat d’affirmer et de consolider la dépolitisation de la Grande muette. Toute chose qui pourrait contribuer à la mise en place d’une armée républicaine, sujet qui revient comme un leitmotiv dans bien de ses discours. Le dernier est celui qu’il a prononcé le 16 février dernier, à l’ouverture du Conseil d’administration du secteur ministériel de la Défense nationale et des anciens combattants (CASEM). Deuxièmement, l’annonce que le président avait faite le 29 décembre 2016 de se décharger du portefeuille de la Défense nationale, a été actée. C’est désormais l’ancien ministre de l’Emploi, Jean-Claude Bouda, qui en a la charge. Le troisième et dernier élément à verser dans ce registre, porte sur le fait que l’on a procédé à un remaniement soft. En effet, hormis les deux départs, les cinq arrivées et les ministres qui ont simplement changé de maroquins (Smaïla Ouédraogo et Jean-Claude Bouda), la configuration de la nouvelle équipe ressemble, à s’y méprendre, à la précédente. Pour un léger réajustement technique, comme l’avait annoncé Roch Marc Christian Kaboré  himself, le gouvernement Paul Kaba Thiéba 2 en est véritablement un. De ce qui précède et  sans verser dans la laudation servile, l’on peut se permettre de dire que le président a tenu parole. Et en politique, plus qu’ailleurs, cela est important. Cela dit et pour aborder spécifiquement les ajustements techniques qui ont été opérés, l’on peut retenir ce qui suit. L’on peut noter en premier lieu l’éclatement du méga-ministère de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité. Ce mastodonte, confié dans le gouvernement précédent à Simon Compaoré, et que bien des gens avaient trouvé excessivement surdimensionné pour être confié à une seule personne, a été scindé en deux: le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation est piloté désormais par Siméon Sawadogo qui, à ce que l’on sache, est un « protégé » du président. Le deuxième ministère sorti des entrailles de ce méga-portefeuille est celui de la sécurité. Son patron est l’un des membres du RSS. Le mastodonte a donc subi une cure d’amaigrissement. Et à ce propos, l’on peut dire que le président a réussi par là à faire d’une pierre deux coups. D’abord, il donne l’impression d’avoir pris en compte l’avis de bien des gens selon lequel la camisole était trop grande pour être portée par un seul individu. Ensuite, il garde sa confiance à un dinosaure du MPP en lui confiant un ministère de souveraineté et ce, en dépit du fait que bien des personnes pensent, à tort ou à raison, que l’ancien maire de Ouagadougou n’a pas le profil pour relever tous les défis liés au portefeuille de la sécurité. Ce dont l’on peut être sûr désormais, c’est que le président pense le contraire. Simon Compaoré, aux yeux de Roch, fait l’affaire en matière de sécurité. Ce faisant, non seulement Roch apporte la preuve qu’il ne gouverne pas selon les humeurs et la clameur publique, mais aussi il apporte son soutien et sa confiance à un grand camarade, lui évitant par là un désaveu  politique.

 

Bien des ministres de Paul Kaba Thiéba I sont pour quelque chose dans la mise en route du PNDES

 

Ce que l’on peut en deuxième lieu retenir, c’est  la scission de l’ancien ministère de l’Energie, des mines et des carrières en deux : le ministère de l’Energie d’une part et celui des Carrières et des mines d’autre part. Ce découpage pourrait être le signe de toute l’importance stratégique que Roch Marc Christian Kaboré  accorde à ces deux domaines. Le troisième élément notable, c’est le changement de portefeuilles du Dr  Smaïla Ouédraogo. L’on peut prendre le risque de parier que le long  et interminable bras de fer qui l’oppose à la CAMEG et qui a fini par irriter l’opinion au regard des conséquences que cela a eues en termes de rupture de certains médicaments et de pourrissement du climat de travail au sein de la structure, a pu convaincre le président de le changer de poste. Et le fait que le jeune médecin n’ait pas été purement et simplement congédié du gouvernement, pourrait donner raison à ceux qui pensent que Smaïla Ouédraogo est adossé à du béton armé.  Le quatrième élément digne d’intérêt est lié aux deux départs. Celui de Filga Michel Sawadogo et celui de Aminata Sana née Congo, respectivement ancien ministre de l’Enseignement supérieur et Secrétaire d’Etat à l’Economie numérique. Le premier pourrait avoir fait les frais de ces années universitaires qui n’ont ni début  ni fin, et la dame de l’Economie numérique pourrait avoir été la victime collatérale de l’affaire dite des tablettes des députés.  Le dernier fait notable du nouveau gouvernement, c’est le maintien à leurs postes des ministres issus de formations politiques qui constituent avec le MPP, la majorité présidentielle. C’est vraisemblablement la preuve que tout baigne entre les deux parties. De manière générale, l’on peut lier le fait que le président n’ait pas voulu remanier en profondeur son gouvernement, à deux raisons essentielles. La première est que les hommes et les femmes qu’il avait choisis dans sa première mouture gouvernementale, sont à leurs postes depuis seulement un an. Et c’est très peu pour juger de l’efficacité d’un ministre. La deuxième raison est liée au PNDES (Plan national de développement économique et social). Bien des ministres de Paul Kaba Thiéba I sont pour quelque chose dans sa mise en route et son relatif succès dans la mobilisation des fonds. De ce point de vue, l’on peut dire que Roch n’a pas voulu changer une équipe qui gagne. Mais au-delà de tout cela, l’on peut se poser la grande question suivante : a-t-on enfin mis l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ? On attend de voir, tant les défis à relever  sont grands et les attentes des populations nombreuses et pressantes.

 

« Le Pays »

 


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