HomeA la uneNOUVELLE AUDITION DE L’EX-GOUVERNEUR DU KATANGA : Quand Kabila fait la publicité électorale pour Katumbi

NOUVELLE AUDITION DE L’EX-GOUVERNEUR DU KATANGA : Quand Kabila fait la publicité électorale pour Katumbi


Après 24 heures de répit suite à la longue audition du lundi 9 mai dernier dont il était reparti libre après près de 7 heures, Moïse Katumbi était  à nouveau, ce mercredi, devant la Justice congolaise pour être entendu sur les faits de « recrutement de mercenaires étrangers» dont il est accusé, et qui a occasionné l’ouverture d’une enquête de la part des autorités congolaises. L’on se rappelle que lundi dernier, il était arrivé au palais de justice, accompagné d’une foule immense de sympathisants et de proches venus le soutenir. Ce mercredi, le même scénario s’est répété. Et c’est vêtu d’une tenue blanche rehaussée du drapeau de la RDC en écharpe au cou, qu’il s’est présenté au palais de justice pour son audition, accompagné d’une foule compacte de sympathisants qui ont ensuite été dispersés par les forces de sécurité à coups de gaz lacrymogènes. Certains témoins parlent même d’arrestations. C’est dire si la tension était montée de plusieurs crans, à l’occasion de cette deuxième audition de l’ex-gouverneur du Katanga qui, la veille,  optait pour un renforcement de son équipe de défense en y associant l’une des grandes figures du barreau français, Maître Eric Dupond-Moretti. Le redoutable avocat lillois, spécialiste en droit pénal, a à son actif pas moins de 120 acquittements. Toutes choses qui lui ont valu le sobriquet d’«Acquittator ».  

 

Moïse Katumbi a pris toute la mesure du danger qui le guette

 

Son expérience et son talent, conjugués à ceux de ses confrères congolais, suffiront-ils à tirer Katumbi d’affaire ? La suite nous le dira.

Mais en attendant, par ce choix, l’on peut dire que Moïse Katumbi a pris toute la mesure du danger qui le guette et est décidé à se défendre bec et ongles. En renforçant sa défense avec un avocat de la trempe d’Eric Dupond-Moretti, il veut mettre toutes les chances de son côté pour sauver sa peau. Seulement, ici, on est en face d’une question de justice où le politique n’est pas loin ; surtout au Congo où  l’indépendance de la Justice est sujette à caution. A preuve, la Cour constitutionnelle, répondant à une requête en interprétation de la majorité présidentielle, vient de déclarer, à la surprise générale, que Kabila pourra rester au pouvoir au terme de son mandat en cours si la présidentielle censée se tenir cette année, n’a pas lieu. C’est à se demander si l’objectif de Kabila, en montant cette cabale contre l’homme d’affaires katangais, n’est pas de créer un pourrissement du climat sociopolitique pour in fine obtenir un glissement du calendrier électoral. En tous cas,   comme l’a relevé Me Dupond-Morretti lui-même, « la politique, c’est le domaine de l’arbitraire par excellence ». A ce propos, l’on se rappelle encore la légèreté avec laquelle, en mars 2015, des militants de la société civile africaine, notamment du « Balai citoyen » du Burkina Faso et de « Y en a marre » du Sénégal,  avaient été accusés, sans preuves, de terrorisme et embastillés sans autre forme de procès dans ce même « Kabilaland », alors qu’ils s’y étaient rendus sur invitation d’une organisation sœur, Filimbi, pour prendre part à une rencontre de la jeunesse sur la mobilisation citoyenne en Afrique. Il a fallu une mobilisation extraordinaire jusqu’au sommet des Etats burkinabè et sénégalais, pour arracher Fadel Baro, Aliou Sané et Oscibi Jhoann des griffes du pouvoir Kabila. Depuis lors, certains de leurs camarades congolais croupissent toujours en prison. C’est dire jusqu’où Kabila peut aller, quand il sent que son trône est menacé. Car, pour lui, après les expériences sénégalaise et burkinabè qui avaient conduit au changement de régimes dans ces pays, il voyait d’un très mauvais œil un rapprochement de ces activistes de la société civile avec les siens, qui ne pourrait qu’avoir un effet « pervers » sur une jeunesse congolaise dont il est conscient aussi de la soif d’alternance.

Tout comme il voit aujourd’hui d’un très mauvais œil la candidature de Moïse Katumbi à l’élection présidentielle, qui ne peut être qu’un danger pour lui, compte tenu de la dimension du personnage. Kabila sait donc qu’avec un adversaire comme l’ex-gouverneur du Katanga, il lui sera difficile de gagner, même s’il parvient à contourner les textes constitutionnels qui le disqualifient pour la prochaine présidentielle. Et s’il insiste autant, c’est qu’il prend la mesure de la fragilité de sa position face à son ancien allié qui se révèle être un adversaire d’un tout autre calibre que ceux qu’il a eu à affronter jusque-là, avec une force de frappe financière qui n’a certainement rien à envier à la sienne et une popularité certaine dont lui, a contrario, ne dispose pas.  Il faut donc casser du Katumbi à tout prix. En tout cas, c’est le sentiment que l’on peut avoir, à en juger aujourd’hui par les proportions de cette affaire qui a pourtant commencé le plus banalement du monde. Et pour Kabila, l’équation pourrait être aussi simple : « ou je casse du Katumbi et je me présente à l’élection présidentielle avec le maximum de chances de l’emporter, ou j’échoue à le casser, ce qui augurerait d’un échec électoral pour moi, au regard notamment de toutes les sollicitudes et ralliements dont il est l’objet ».

 

Katumbi doit garder l’arme au pied

 

De son côté, Moïse Katumbi  semble avoir compris le manège. Il sent le piège dans lequel Kabila veut l’entraîner pour mieux l’abattre. Et c’est ce qui justifie sans doute qu’ayant pris la mesure du péril, il veut se donner le maximum de chances, en prenant l’affaire très au sérieux. Car, Moïse Katumbi ne se fait pas d’illusions sur le sort qui risque d’être le sien. Etant donné que Kabila ne désarmera pas tant qu’il n’aura pas atteint son objectif de l’écarter définitivement de son chemin, dans la prochaine course pour la présidentielle. Et même si Katumbi parvenait à se tirer d’affaire cette fois-ci, tout porte à croire que Kabila reviendra à la charge d’une autre manière. Katumbi doit donc garder l’arme au pied, quand on sait tout ce dont sont capables les dictateurs sous nos cieux, certains ne reculant même pas devant la solution extrême, pour conserver leur fauteuil.

Mais en agissant de la sorte, Kabila risque de faire de Katumbi un héros. En tout cas, en ne faisant que s’acharner outre mesure sur sa personne pour des motifs qui paraissent pour le moins tirés par les cheveux, il risque de le rendre très sympathique aux yeux de beaucoup de personnes, au-delà même de son cercle traditionnel de sympathisants. Et avec le retentissement presque mondial de l’affaire, si ce n’est pas une publicité sans frais dont il fait bénéficier le natif de Kashobwe, cela y ressemble fort. Une chose est certaine: si Katumbi parvient à se tirer d’affaire et à prendre le départ de la prochaine présidentielle, il peut être sûr d’avoir déjà une longueur d’avance sur les autres concurrents. Car, il est de fait déjà en campagne, malgré lui.

 

« Le Pays »


Comments
  • Encore un exemple de cécité politique de la part de quelqu’un qui aspire à conserver le pouvoir envers et contre tout. A travers l’Histoire, nous pouvons voir que les choses cependant quittent ces despotes prétendants à l’éternité au moment où ils ne s’y attendent pas. De Ceaucescu à Mobutu et en passant par Compaoré. Une chose est quasi répétitive: de la manière que tu arrives au pouvoir, de la même manière tu le quittes: Katumbi pourrait être le Terminator de Kabila. Même si ce dernier semble vouloir conduire son pays jusqu’à l’implosion, chose qui n’est pas improbable pour un pays de la dimension de la RDC. Il sera alors roi à Kinshasa. Ce qui peut lui convenir puisque la ville de Kinshasa, avec sa population estimée à 9 millions d’habitants, dépasse certains autres pays d’Afrique Centrale, à commencer par le voisin avec sa capitale d’en face.

    12 mai 2016

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