NOUVELLE CARICATURE DE MAHOMET : Pour un monde moins tumultueux, aucun sacrifice n’est de trop

Le choc des extrémismes n’est pas prêt à s’arrêter dans l’affaire des caricatures de Charlie Hebdo. En effet, pour sa première édition après les massacres dont a été victime une partie de son équipe, le canard français n’a pas dérogé à son habitude. Pire, une caricature du prophète Mahomet trône à la Une de ce numéro fait par les survivants. Comme pour faire un pied de nez à ses ennemis et contempteurs. Comme pour bien réaffirmer la détermination du journal satirique à poursuivre dans  sa ligne éditoriale. Et comme il fallait s’y attendre, la polémique a repris de plus belle. Tandis que certaines personnes, de par le monde, ne font pas mystère de leur exaspération face à ces nouvelles caricatures, d’autres se bousculent pour acheter le numéro. Alors que certains pays comme le Sénégal et la Turquie condamnent et interdisent la diffusion de ce numéro sur leurs territoires respectifs, d’autres y voient une manifestation bien assumée de la liberté de la presse, manifestation qui mérite respect.

La caricature des icônes religieuses est un sujet qui a le don de diviser la planète

En ce qui concerne le Sénégal, Macky Sall a envoyé un message fort à l’Occident. Certes, le président sénégalais a, comme on le sait, été du rendez-vous de la marche de protestation à Paris, la semaine dernière, pour dénoncer le terrorisme et défendre la liberté. Mais, avec l’interdiction de vente de ce numéro de Charlie Hebdo dans son pays, Sall a certainement voulu signifier à ses partenaires français son refus du « blasphème » et du libertinage. En d’autres termes, il a voulu faire comprendre que bien qu’il ait du respect pour la vie humaine, il ne foule pas aux pieds la foi religieuse, musulmane dans le présent cas. Certes, on imagine bien que les autorités publiques sénégalaises ont dû subir la pression de la forte communauté musulmane sénégalaise. Mais, au-delà de cette situation, cette décision illustre à souhait la difficulté qu’il y a à concilier deux positions diamétralement opposées dans cette affaire : la liberté absolue de la presse occidentale et le radicalisme non moins absolu, des islamistes.

En tout cas, cette nouvelle polémique confirme si besoin en était encore, que la caricature des icônes religieuses est un sujet qui a le don de diviser la planète. Et on se rend bien compte que selon que l’on est en Occident ou dans d’autres parties du monde, notamment en Afrique, la liberté de la presse n’a pas nécessairement le même contenu. Tandis qu’en Afrique, les considérations relatives à la responsabilité sociale du journaliste incitent à la prudence et à la mesure, en Occident, notamment en France, la liberté est si sacrée qu’elle ne saurait souffrir de quelque limite que ce soit. Surtout en matière de religion. Tandis qu’en Afrique comme dans le monde arabo-musulman, les dogmes religieux sont sacrés, ils ne sont pas à l’abri des attaques, voire des railleries en Occident. C’est le corollaire de la liberté absolue que revendique l’Occident ; liberté arrachée au prix de bien des sacrifices dans l’Histoire. Notamment pour ce qui est de la France et des Français, depuis la Révolution française de 1789 et particulièrement depuis la loi sur la Séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les tensions entre l’Occident et le monde arabo-musulman sont donc des plus logiques.

Une  tolérance mutuelle sera de nature à pacifier un peu plus les relations humaines

Mais, face à ces deux extrémismes, il urge de trouver un compromis heureux au nom de la paix mondiale. Pour un monde moins tumultueux, aucun sacrifice n’est de trop. Les Occidentaux seraient bien inspirés de prendre en compte le choc que provoque chez les autres, leur liberté débridée. A cet effet et en ce qui concerne la question des caricatures, la presse pourrait bien se contenter  de dénoncer les travers des religions par  les caricatures de personnalités du monde religieux et laisser les prophètes là où ils sont. En tout état de cause, une  tolérance mutuelle sera de nature à pacifier un peu plus les relations humaines, le monde. Ce sera déjà cela de gagner. Certes, il est difficile de se faire trop d’illusions sur les dispositions d’esprit des uns et des autres à accepter un tel compromis, une paix des braves. Notamment les islamistes radicaux qui sont eux-mêmes un véritable danger à la fois pour l’Islam et pour les musulmans. Mais il importe que l’Occident se montre respectueux de la foi des autres. A l’Occident de faire preuve de hauteur de vue, afin de couper l’herbe sous les pieds des djihadistes qui ne cherchent que des alibis pour faire étalage d’une barbarie sans nom.

« Le Pays »