HomeA la uneNOUVELLE MANIF DE L’OPPOSITION AU TOGO : Jusqu’où ira le bras de fer ?

NOUVELLE MANIF DE L’OPPOSITION AU TOGO : Jusqu’où ira le bras de fer ?


 

Après les manifestations orageuses des semaines écoulées, l’opposition togolaise qui avait observé un break pour se « consacrer à la visite aux populations éprouvées par les répressions », observe ce 29 septembre une journée « Togo mort » où elle invite les populations « à cesser toute activité professionnelle et économique et à se recueillir à la mémoire des martyrs ». En rappel, elle manifeste pour demander des réformes allant dans le sens de la limitation des mandats présidentiels et l’adoption du mode de scrutin à deux tours, notamment le retour à la constitution de 1992 qui écarterait de fait le président Faure des prochaines consultations électorales, à l’échéance de son troisième quinquennat à l’horizon 2020. Contraint de lâcher du lest, le parti au pouvoir qui ne veut cependant pas s’engager sur une voie qui mettrait son chef complètement hors-jeu, s’est résolu à soumettre à l’examen de l’Assemblée nationale, un projet de réforme constitutionnelle allant dans le sens des revendications de l’opposition, sans toutefois qu’il ait un caractère rétroactif.

La question du référendum est une ligne rouge qui risque de faire basculer le Togo

Ce texte, s’il était adopté en l’état, permettrait à Faure de briguer encore au moins deux mandats. Mais l’adoption de ce projet de loi ayant fait flop au niveau du parlement, parce que n’ayant pas pu réunir la majorité requise des 4/5èmes des voix, cela a cependant ouvert la voie à un référendum dont on ignore encore la date de la tenue, pour départager les Togolais. C’est dans ce contexte de tension que l’opposition, qui cherche visiblement à maintenir la pression, a décidé de changer de stratégie en appelant à cette journée «morte» tout en invitant les populations « à rester mobilisées pour les actions décisives qu’elle annoncera pour la semaine du 2 octobre 2017 ». Ainsi donc, les couteaux semblent définitivement tirés entre le pouvoir et l’opposition, et la question que l’on pourrait se poser, est de savoir jusqu’où ira le bras de fer. D’autant plus que la détermination de l’opposition ne semble pas entamée. Bien malin qui saurait répondre à cette question. Mais à l’analyse, l’on peut parier qu’en misant sur un éventuel essoufflement de l’opposition, le pouvoir ne manquera pas d’arguments pour faire traîner la date du référendum en longueur. De ce point de vue, l’on peut se demander si la stratégie du harcèlement par la rue sera payante, d’autant plus que l’on ne sait pas si l’opposition est suffisamment préparée pour tenir une mobilisation sur le long terme. Rien n’est moins sûr. Sans oublier qu’un tel scénario ne serait pas sans danger pour la cohésion même du groupe, avec l’éventualité de frictions ou du choc des ego des leaders qui risquent aussi de faire leurs effets. En outre, dans ce contexte de dialogue de sourds où le référendum semble désormais inéluctable, l’on peut se demander de quelles armes dispose l’opposition togolaise pour déjouer les plans de la majorité qui ne rêve que de recouvrir son projet du manteau de la légalité et de la légitimité populaire. Quand on sait comment se passent les scrutins au Togo, il y a de quoi nourrir des doutes quant à la tenue même de ce référendum controversé. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de se demander si on ne va pas finalement vers une impasse au Togo. Car, plus que la légalité, c’est la  légitimité même du pouvoir de Faure qui pose aujourd’hui problème aux Togolais dont une large frange ne réclame ni plus ni moins que son départ du pouvoir. C’est en cela que la question même de ce référendum est une sorte de ligne rouge qui risque de faire basculer le Togo.

Le Togo est plus que jamais à la croisée des chemins

Car, on ne voit pas comment Faure pourrait organiser une telle consultation populaire qui engage plus que jamais son avenir, et en sortir perdant. De même, l’on ne voit pas comment l’opposition, qui ne s’est jamais sentie aussi forte ni aussi près de se débarrasser de la quinquagénaire dynastie des Gnassingbé, pourrait se faire hara kiri à la faveur d’un référendum. C’est pourquoi il y a lieu de croire que le Togo est plus que jamais à la croisée des chemins. Et les scénarios qui semblent se dessiner, sont loin d’être rassurants. En tout état de cause, l’opposition togolaise semble aujourd’hui jouer son va-tout. Et il y a lieu de croire qu’à travers ces différentes manifestations, elle cherche à garder la mobilisation de ses troupes. Aussi, si le mouvement devait aller en s’amplifiant, il ne faudrait pas exclure que d’ici là, l’enchaînement des événements précipite les choses comme on l’a vu au Burkina Faso où l’ex-président Blaise Compaoré a finalement  été non seulement contraint de renoncer à son projet, mais aussi et surtout de prendre ses jambes à son cou pour se réfugier chez ses beaux-parents en Eburnie où il continue de méditer sur l’opportunité, en son temps, de son projet de révision constitutionnelle pour se maintenir au pouvoir. Faure gagnerait donc à se le tenir pour dit, avant que la situation n’atteigne le point de non retour. Surtout que la soldatesque sur laquelle il pourrait fonder ses espoirs, et qui a longtemps été le pilier de bien des dictatures sous nos tropiques, n’est plus  véritablement aujourd’hui une garantie absolue de conservation du pouvoir dans un contexte international d’apologie de la démocratie. En effet, l’on peut se laisser convaincre que la Grande muette qui fait partie du corps social, est aussi traversée par les mêmes courants qui font frémir la société, dans un environnement où l’armée se bat aussi pour protéger son honneur et sa réputation, en essayant de rester en phase avec son peuple.

 « Le Pays »


Comments
  • Une très belle analyse. Mais ça n’arrive qu’aux autres…l’entêtement va continuer

    29 septembre 2017

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