HomeA la uneNOUVELLES REFORMES CONSTITUTIONNELLES AU KENYA : Un coup de poignard dans le dos de la démocratie

NOUVELLES REFORMES CONSTITUTIONNELLES AU KENYA : Un coup de poignard dans le dos de la démocratie


Le parlement kényan vient de procéder à des réformes constitutionnelles pour non seulement dépouiller la Cour Constitutionnelle de son pouvoir d’invalider les scrutins électoraux, mais aussi pour désigner vainqueur à la présidentielle le candidat restant en course après  désistement de son challenger.  Dans la même veine, la Commission électorale a décidé du maintien de la date du 26 octobre pour la tenue de l’élection présidentielle et de la réouverture de la compétition aux huit autres candidats précédemment éliminés par leur score.

L’on comprend que le parlement kényan a voulu, dans l’urgence, parer à la descente annoncée du pays aux enfers en raison du vide constitutionnel qui se profilait à l’horizon,  mais l’on peut se demander si le pare-feu ainsi fait n’est pas en lui-même plus dangereux que l’incendie que le parlement veut éviter. En effet, en décidant de proclamer gagnant un candidat solitaire dans la course à la présidentielle, on risque de créer de graves problèmes de légitimité. En outre, les nouvelles dispositions constitutionnelles ressemblent plus à une tenue cousue sur mesure pour  Uhuru Kenyatta qui ne savait plus sur quel pied se tenir pour se tirer de l’imbroglio né de l’invalidation du scrutin présidentiel par la Cour Constitutionnelle et le retrait de la présidentielle de  son opposant Raïla Odinga. L’on peut d’ailleurs douter de la validité de cette loi qui, visiblement, n’est pas impersonnelle.

Quant à la décision de la Commission électorale, elle est aussi des plus surprenantes. C’est cette institution qui est la principale mise en cause dans l’invalidation du scrutin présidentiel passé. Alors, au lieu de faire amende honorable et offrir toutes les garanties de transparence à même de rassurer le candidat Odinga qui refuse de prendre part à la course présidentielle, elle s’enfonce davantage dans la glaise en créant des « candidats motards » pour accompagner Uhuru Kenyatta, avec qui elle est accusée d’être de connivence. Le moins que l’on puisse dire, est qu’elle confirme sa collusion avec le pouvoir dont l’accusent Raïla Odinga et ses partisans.

Le Kenya n’a pas suffisamment tiré leçon de son récent et douloureux passé

 

Cela dit, le boulevard que le consortium parlement-commission électorale ouvre pour le président sortant et candidat à sa propre succession, risque d’être le boulevard de la mort. La scène politique kényane est connue pour ses éruptions meurtrières et on n’a nullement besoin d’être dans le secret des génies du mont Kenya pour savoir qu’avec ces nouvelles réformes constitutionnelles, le pays est en train d’exécuter les pas de danse des bergers masaï sur un volcan apocalyptique. Déjà les partisans de l’opposition commencent à protester aux cris, chants et slogans du genre « pas de réformes, pas d’élection ». L’on peut donc déjà douter de la tenue effective du scrutin présidentiel le 26 octobre prochain comme annoncé et même de sa transparence, y compris de la liberté de choix des électeurs s’il venait à se dérouler contre vents et marées,  à l’ombre de la violence.

Tout laisse donc croire que le Kenya n’a pas suffisamment tiré leçon de son récent et douloureux passé. Il faut dénoncer avec force cette incurie meurtrière du parlement et de la Commission électorale qui, contre le bon sens, s’échinent à changer au cours du match les règles du jeu et qui, contre la décence morale, veulent profiter du vide laissé par la défection de Raïla Odinga pour couronner son challenger d’une gloire imméritée. Le parlement, en se faisant la caisse de résonnance de l’Exécutif kényan pour tripatouiller les textes fondamentaux du pays, donne ainsi un coup de poignard dans le dos de la démocratie kényane.

L’on peut aussi déplorer le mutisme des pays de la sous-région et de la communauté internationale face aux desseins funestes du pouvoir de Nairobi. C’est maintenant qu’il faut agir, car le faire plus tard serait trop tard, si l’on ne veut pas accourir en sapeur-pompier pour éteindre les flammes de l’incendie avec des larmes de crocodile.

 

SAHO

 

  

 


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