HomeA la uneOBLIGATION FAITE AU PRESIDENT MALGACHE DE DEMISSIONNER AVANT TOUTE ELECTION PRESIDENTIELLE

OBLIGATION FAITE AU PRESIDENT MALGACHE DE DEMISSIONNER AVANT TOUTE ELECTION PRESIDENTIELLE


 Nos républiques bananières devraient s’en inspirer

Le 7 septembre dernier, le président malgache, Hery Rajaomarimampianana, a présenté sa démission. Il entend ainsi se plier à une disposition de la Constitution qui fait obligation au président en exercice de rendre le tablier avant toute élection présidentielle. L’objectif de cette mesure, dit-on, est d’éviter que le président utilise  les moyens de l’Etat pour faire campagne. A priori, le but poursuivi est très noble. Car, cela permet à tous les candidats de rivaliser avec les mêmes chances. Et par là, la Grande Île montre la  voie à toute l’Afrique, surtout à nos républiques bananières. En effet, sans nos tropiques, un président en exercice n’organise pas des élections pour les perdre. Et pour cela, ils mettent à contribution tous les moyens de la République.

La débauche de moyens de l’Etat est de la pure corruption électorale

Il y a d’abord, l’Administration qui est instrumentalisée au point qu’elle  n’a aucun scrupule à se muer en un outil  de campagne en faveur du président en place. Ainsi les préfets et autres  gouverneurs descendent carrément dans l’arène politique pour appeler à voter massivement pour celui qui a fait d’eux des privilégiés. « Ces dieux de la brousse » comme on les appelait à l’époque coloniale, savent parler le langage des paysans pour les convaincre de reconduire le « chef ». A ce rôle partisan joué par les administrateurs, il faut ajouter celui que jouent les agents publics qui occupent d’importantes fonctions grâce justement  à leur appartenance au parti présidentiel. Pendant la campagne, ces personnes n’ont pas besoin de formuler une demande de congé pour accompagner le président. Ils s’absentent comme ils veulent et quand ils veulent, parce qu’ils savent que personne n’osera lever le petit doigt pour leur remonter les bretelles. En somme, pendant la période de campagne, toute l’administration publique se met en vacance indûment pour relayer  les promesses de campagne du président en place. Et la contribution des uns et des autres n’est pas que physique. Ils mettent aussi à profit la logistique de l’Etat. Ainsi, il n’est pas rare de voir les véhicules de l’Etat écumer pistes et sentiers et transporter des vivres pour les distribuer aux paysans, au nom du grand chef. Comme on le voit, cette débauche de moyens de l’Etat est de la pure corruption électorale. Et sous nos tropiques, elle est efficace parce qu’elle permet d’engranger des voix en faveur du timonier du Gondwana. C’est tous ces travers, ajoutés à l’instrumentalisation de toutes les institutions de la République, qui expliquent, entre autres, que nos présidents de républiques bananières réalisent invariablement des scores staliniens, toutes les fois qu’ils mettent en jeu leur mandat. De ce point de vue, le législateur malgache a eu le nez creux en obligeant le président en place à démissionner  avant l’entame de la campagne. Si les objectifs poursuivis par cette mesure se réalisaient, c’est-à-dire éviter que le président utilise les moyens de l’Etat pour faire campagne, la  Grande Île poserait un grand pas dans le sens de l’approfondissement de la démocratie. Et dès lors, nos républiques bananières devraient s’en inspirer. Elles devraient d’autant plus prendre exemple sur la Grande Ile que dans bien des pays africains,  les élections sont devenues pratiquement des non-événements.

Chapeau bas à la Constitution malgache

Et pour cause, il y a d’un côté le président en place qui fait une campagne à l’américaine en utilisant les moyens humains, logistiques et financiers de la puissance publique qu’est l’Etat et de l’autre, des opposants qui brillent par leur misère. Visiblement, le combat est loin d’être équitable. Il faut donc souhaiter que la mesure  mette fin à cette sorte d’apartheid politique entre le président en place et les autres, à l’occasion de la campagne. Mais et sans faire un procès d’intention à Hery,  l’on doit se garder d’aller vite en besogne dans les congratulations de ce dernier. En effet, sous nos tropiques, nos présidents sont passés maîtres dans l’art du contournement des textes. Et dans le cas de Madagascar, l’on peut se poser la question de savoir pourquoi le président a attendu le dernier moment pour déposer sa démission. Certes, l’on peut objecter qu’il l’a fait dans les délais constitutionnels, mais l’on peut avoir le sentiment que cela n’a pas été de bon cœur. En tout cas, certains observateurs se sont inquiétés du manque de communication et du flou entretenu par la présidence jusqu’au dernier moment, concernant le départ du chef de l’Etat. Un autre élément d’inquiétude réside dans le profil de celui qui doit assurer l’intérim du président. Le patron du sénat, Rivo Rakovao, puisque c’est de lui qu’il s’agit, peut être considéré comme un homme lige du président. La preuve, s’il en est encore besoin, est qu’il est le premier responsable de son parti. Dans ces conditions, il peut être tenté de rouler pour lui. De ce point de vue, le simple fait de voter le texte obligeant le président en place de remettre sa démission 60 jours avant la tenue du scrutin, ne suffit pas pour garantir l’équité. Il faut, en plus, faire en sorte que le président du Sénat soit une personnalité qui ne réponde d’aucune obédience politique. Une forte personnalité de la société civile, par exemple, pourrait faire l’affaire. En attendant, Hery serait très mal inspiré de démissionner comme il l’a déjà fait, tout en trichant avec la Constitution via son homme de main. Car, en le faisant, il court le risque d’être contesté au cas où il remporterait la présidentielle. Là dessus, il ne doit se faire le moindre doute car, Madagascar a la particularité d’avoir une opposition teigneuse au point qu’elle veillera,  comme du lait sur le feu, à  ce que les règles édictées par la Constitution, ne soient pas vidées de leur sens au profit d’un candidat, fût-il Hery. En attendant, on peut faire chapeau bas à la Constitution malgache qui apparaît comme unique en Afrique tant elle atteste  de sa volonté de garantir les mêmes chances à tous les candidats au fauteuil présidentiel.

« Le Pays »


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