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OBSEQUES D’ETIENNE TSHISEKEDI


C’est le jeudi 30 mai dernier à 19h sonnantes, que l’oiseau de fer qui transportait la dépouille d’Etienne Tshisekedi, a touché le sol de l’aéroport international de N’Djili à Kinshasa, où l’attendaient, dans l’émotion et dans le recueillement, plusieurs milliers de personnes avec à leur tête, Félix Tshisekedi, fils du défunt et actuel président de la République démocratique du Congo (RDC). Le corps de l’opposant historique revient dans son pays natal pour rejoindre son dernier caveau, après avoir séjourné 27 mois durant dans un funérarium à Bruxelles à cause du désaccord entre la famille biologique du défunt et l’ancien président de la République, Joseph Kabila, sur l’organisation de ses obsèques. Et comme pour mettre un terme à ce débat indécent qui a agité leur pays pendant deux ans, les Congolais ont permis au fils du disparu devenu président, de mobiliser le peuple et l’argent du peuple pour des honneurs post mortem dignes de celui qui a consacré 40 ans de sa vie à la politique. Etienne Tshisekedi pourrait rejoindre bientôt le panthéon de l’histoire congolaise. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un pari réussi pour Félix Tshisekedi, d’autant que ces funérailles ont non seulement drainé des milliers de personnes dans la mégapole congolaise, mais elles ont aussi et surtout vu la présence de plusieurs chefs d’Etat de la sous-région « Afrique centrale », dont Denis Sassou Nguesso (Congo Brazzaville), Paul Kagame (Rwanda), Joao Lourenço (Angola), Faustin-Archange Touadéra (Centrafrique) et Edgar Lungu (Zambie). Seule fausse note, c’est l’absence remarquée des principaux leaders de l’opposition comme Martin Fayulu, Jean Pierre Bemba et Moïse Katumbi, aussi bien à l’aéroport qu’au Stade des Martyrs où la cérémonie officielle d’hommage a été organisée. Même son allié de circonstance et prédécesseur, Joseph Kabila, qui était pourtant annoncé, a fini par faire faux bond ; ce qui n’a pas évidemment été du goût de ceux qui pensent qu’Etienne Tshisekedi, de vénérée mémoire, n’appartenait pas seulement à une famille politique ou biologique, mais au pays tout entier en raison du rôle qu’il a joué dans l’avènement et l’enracinement de la démocratie en RDC.

C’est une page qui vient de se tourner définitivement en RDC

Cela dit, son fils et chef d’orchestre de ces cérémonies funéraires, en a tiré des dividendes politico-diplomatiques, avec la présence à ses côtés de cinq de ses pairs qui, rappelons-le, n’avaient pas effectué le déplacement de Kinshasa lors de sa prise de fonction le 24 janvier dernier. De quoi faire dire à certains de ses pourfendeurs que la véritable cérémonie d’investiture de Félix Tshisekedi a eu lieu au Stade des Martyrs, cette enceinte dans laquelle quatre opposants à Mobutu Sese Seko avaient été pendus haut et court en 1965, après approbation de celui dont le cercueil trônait au milieu de la pelouse vendredi dernier, en sa qualité de ministre de l’Intérieur de l’époque. Tout est donc bien qui finit bien avec l’inhumation, le 1er juin en début de soirée, du vieux routard de la politique congolaise, qui reposera pour l’éternité dans un domaine familial spécialement aménagé pour les besoins de la cause, dans la commune de Nsele, à l’Est de Kinshasa. C’est une page qui vient ainsi de se tourner définitivement en RDC, mais une autre, politico-judiciaire celle-là, pourrait s’ouvrir avec les déclarations tonitruantes du Major Paul Mwilambwe au lendemain des obsèques d’Etienne Tshisekedi, et à l’occasion du 9è anniversaire de la mort du défenseur des droits de l’homme, Floribert Chebeya, et de son compagnon d’infortune, Fidèle Bazana. L’officier de police congolais qui s’est réfugié au Sénégal après sa condamnation à mort par la justice de son pays dans l’affaire dite Floribert Chebeya, a toujours clamé son innocence et lourdement chargé l’ancien président de la RDC, Joseph Kabila et l’ex-chef de la police congolaise, le général John Numbi. Mwilambwe a, depuis son exil dakarois, demandé son extradition vers le Congo pour permettre à la Justice de dire le droit dans le double assassinat perpétré en 2010 afin de permettre aux familles des victimes de connaître enfin la vérité et de faire leur deuil. Cette sortie qui ne manquera pas de relancer les débats sur ce crime d’Etat, intervient opportunément et dans la foulée des obsèques nationales du père de l’actuel président de la RDC, comme pour dire aux parties civiles que l’espoir de voir ce dossier jugé de façon équitable, est désormais permis. Le président Félix Tshisekedi avait d’ailleurs promis, en marge de la cérémonie d’investiture de son homologue sénégalais, Macky Sall, en mars dernier, que toute la lumière serait faite sur ce double crime sans exemple dans l’histoire pourtant très violente du Congo. Maintenant que le principal accusé et témoin-clé demande lui-même à comparaître devant une Cour d’assises congolaise impartiale pour dire sa part de vérité, on attend de voir les dispositions que prendront les nouvelles autorités de la RDC pour lui garantir un retour au pays en toute sécurité. C’est à l’aune de ces dispositions sécuritaires en faveur du policier fugitif, qu’on saura si les propos tenus par Félix Tshisekedi à Dakar, relèvent d’une simple amabilité diplomatique ou d’une volonté réelle de mettre fin à l’impunité et à la justice à géométrie variable dans son pays.

Hamadou GADIAGA


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