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 OBSEQUES NATIONALES POUR LA MERE DE LA NATION


Winnie au panthéon sud-africain

Le 14 avril dernier, l’Afrique du Sud a rendu hommage à Winnie Mandela, décédée le 2 avril dernier, à travers des obsèques nationales.  C’est peu dire que c’est mérité. Et pour cause.

D’abord, le mérite personnel de l’illustre disparue lui vaut bien la reconnaissance de la République. En effet, la native de Bizana ne s’est pas contentée d’un second rôle à l’ombre de la figure de proue de l’African National Congress (ANC) que fut son mari, Nelson Mandela.  Militante acharnée elle-même  de la lutte contre l’apartheid, Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela a maintenu, contre vents et marées, dans un contexte de violences raciales et de durcissement des lois ségrégationnistes, le flambeau de la lutte pendant les longues années de prison de son mari à Robben Island.

Winnie a eu une part contributive indéniable dans l’élaboration du mythe Mandela

Elle sera, de ce fait, la cible de manœuvres d’intimidation et de pressions de toutes sortes. En plus d’endurer l’absence de son mari, elle est successivement emprisonnée, assignée à résidence dans la ville de Brandfort  où sa maison a été la cible de deux attaques. C’est donc à juste titre que le président Cyril Ramaphosa a salué la mémoire d’une «voix du défi et de la résistance».

Ensuite, en tant qu’épouse de Nelson Mandela, celle que les Sud-africains ont affectueusement surnommée « Mama Wethu » c’est-à-dire « la mère de la nation », mérite amplement les hommages de la Nation tout  entière. On le sait, en Afrique du Sud, tout ce qui touche à Nelson Mandela est sacré, en raison son exceptionnelle exemplarité. Et au-delà des frasques qui ont été à l’origine de sa disgrâce, Winnie a eu une part contributive indéniable dans l’élaboration du mythe Mandela. « Derrière les grands hommes, dit l’adage, se cachent toujours de grandes femmes ». La popularité dont Winnie a bénéficié jusqu’à son dernier souffle, prouve,  si besoin  en était,  que les Sud-Africains ne lui ont pas tenu rigueur de ses erreurs et que malgré le divorce avec Nelson Mandela, elle forme avec lui, pour l’éternité, le couple- symbole de leur liberté.

En tout état de cause, l’ANC qui a tout intérêt à célébrer ses héros dont la lutte historique est aujourd’hui la seule à légitimer son pouvoir après que ses dirigeants, par leur gouvernance scabreuse  et leurs frasques à répétition, ont dilapidé le capital de sympathie que leurs portaient les Sud-africains, ne pouvait se payer le luxe de rater cet important rendez-vous avec l’histoire et avec le  peuple. Le gâchis politique aurait été énorme, au regard de la popularité dont jouit la disparue et surtout des risques de récupération de son héritage politique par l’opposition d’un certain Julius Malema, fondateur des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), qui était devenu le confident de Winnie Mandela au cours de ces dernières années. 

Cela dit, il faut espérer que les  obsèques nationales de l’égérie anti-apartheid n’aient pas donné pas lieu, comme

celles de son ex-époux, à un autre ballet de vautours. L’on se souvient, en effet, qu’en plus d’indécentes surfacturations, le rapport de la médiatrice de la République sud-africaine, Busisiwe Mkhweban, indiquait que plus de 18 millions d’euros avaient  notamment été puisés dans un fonds destiné au développement de la région rurale du Cap-Oriental, pour financer les obsèques de Madiba et que ces sommes étaient normalement destinées « à l’infrastructure, à l’eau courante, à l’électricité, à la rénovation d’écoles ou d’hôpitaux».

Un symbole de courage et de détermination

Même si l’on n’est plus sous la gouvernance de Jacob Zuma qui avait ravi la palme d’or en matière de  scandales, personne ne peut véritablement parier que l’Afrique du Sud est à l’abri de la corruption et de l’affairisme.

Cela dit, l’on ne peut que saluer la décision des autorités sud-africaines qui, à travers cet hommage national, font non seulement un important devoir de mémoire pour une guerrière dont l’histoire se confond à celle de l’Afrique du Sud, mais aussi une œuvre pédagogique, comme pour dire que la nation sait toujours se montrer reconnaissante envers ceux ou celles qui se battent pour elle.

Au-delà de l’Afrique du Sud, c’est toute l’Afrique qui a dû le 14 avril dernier, à l’unisson, ovationner la combattante de la liberté qui a ainsi tirer sa révérence. Dans sa farouche détermination pour la libération du peuple sud-africain, elle a symbolisé non seulement la lutte pour l’indépendance totale du continent africain qui traînait encore les stigmates de la colonisation, mais elle a aussi largement contribué à la réhabilitation des peuples noirs, victimes, pendant des siècles, de préjugés sociaux. Et pour les femmes du continent voire du monde entier, Winnie restera un symbole de courage et de détermination.

« Le Pays »


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