HomeA la uneOPPRESSION DU PEUPLE BURUNDAIS PAR NKURUNZIZA : L’armée est du mauvais côté de l’histoire

OPPRESSION DU PEUPLE BURUNDAIS PAR NKURUNZIZA : L’armée est du mauvais côté de l’histoire


 

Après avoir échappé à la destitution, le président burundais, Pierre Nkurunziza, a entrepris de durcir le ton avec ses détracteurs. Désormais, mieux que la police, ce sont les militaires qui sont déployés sur le terrain, face aux manifestants pacifiques. Une façon de dissuader quiconque tenterait de se mettre en travers de son chemin et de pouvoir réprimer vite et « bien », au besoin. C’est à une vraie militarisation du pouvoir qu’on assiste.

La prise de position de l’armée en faveur de la dictature est un véritable motif de déception

Et le remaniement ministériel qu’il vient d’opérer vient comme pour confirmer son tour de vis. Exit trois ministres : ceux de la Défense, des Affaires étrangères et du Commerce. Les deux premiers cités étaient particulièrement sur une chaise éjectable depuis un certain temps. L’ancien ministre des Affaires étrangères, Laurent Kavakure, est accusé d’avoir été « mou » dans sa gestion de la tentative de coup de force du général Niyombaré. Quant au ministre de  la Défense, le général Pontien Gaciyubwenge, il paie pour sa prise de position en faveur d’une armée républicaine, neutre. A sa place, un civil qui pourrait être un simple faire-valoir pour le chef de l’Etat, a été nommé.

La prise de position de l’armée en faveur de la dictature est un véritable motif de déception aujourd’hui au Burundi. L’ancien ministre de la Défense, faut-il le rappeler, avait annoncé que l’armée était neutre dans la crise liée à la volonté de Nkurunziza de violer l’Accord d’Arusha et la Constitution burundaise pour briguer un 3e mandat présidentiel consécutif. Il avait été quelque peu repris par le chef d’Etat-major général des armées qui proclamait sa loyauté au président. Aujourd’hui, c’est cette armée burundaise loyale qui a pris fait et cause pour le camp NKurunziza, qui a visiblement pris le dessus. Ce faisant, l’armée se met du mauvais côté de l’histoire. Elle n’aura pas su préserver son capital sympathie auprès des populations qui l’avaient applaudie à maintes reprises dans cette crise. Cette armée, qui prend le parti du dictateur contre son peuple, est dans le mauvais rôle.

Elle ne se montre pas à la hauteur des armées républicaines, responsables comme celle du Niger et dans une certaine mesure, celle de l’Egypte. L’armée nigérienne, comme on le sait, avait sauvé le pays des lubies de Mamadou Tanja qui essayait de prolonger son bail au sommet de l’Etat, envers et contre tous. La bande à Salou Djibo avait honoré l’armée nigérienne en libérant le peuple de la boulimie du pouvoir de son président en le destituant, en organisant des élections à l’issue desquelles elle a transmis le pouvoir aux autorités civiles élues. Récemment, en Egypte, l’armée a, toutes proportions gardées, sauvé le pays de la dictature des Frères musulmans. Elle aura d’une manière ou d’une autre, volé au secours des révolutionnaires qui ployaient sous le joug des islamistes radicaux. Certes, l’armée est restée au pouvoir dans ce pays avec le maréchal Abdel Fattah Al Sissi, mais on peut retenir qu’elle n’est pas restée les bras croisés pour assister à la dictature des Frères musulmans. Elle a pris prétexte de la nécessité de sauver le peuple pour intervenir contre ceux qui sont au pouvoir. En tout cas, la version officielle retient que l’armée égyptienne s’est posée en rempart contre la répression du peuple par le pouvoir de Mohamed Morsi. Ces armées-là se sont posées en remparts contre les dérives autoritaires des princes régnants et ont acquis dès lors le respect des populations meurtries.

Le président burundais aura suffisamment prouvé qu’il n’aime pas son peuple

Actuellement, Nkurunziza joue sur deux tableaux. D’un côté, il ouvre les vannes de la répression en mettant l’armée dans la rue pour « croquer » du manifestant et en excipant de ce qu’une menace terroriste shebab plane sur le pays. « Quand la hyène veut manger son petit, elle prétend qu’elle sent la chèvre », dit la sagesse africaine. Nkurunziza, qui veut en finir avec ses contradicteurs, n’a rien trouvé d’autre que l’argument de la menace terroriste Shebab pour justifier une militarisation des rues. C’est un alibi pour mettre en place un dispositif digne d’un état de guerre en vue d’étouffer la contestation. D’un autre côté, Nkurunziza joue la victime et tente d’amadouer la communauté internationale. Il connaît le poids de cette communauté internationale et sait tout le mal qu’il y a à se la mettre à dos. C’est peut-être aussi pour cela qu’il a sacrifié son ministre des Affaires étrangères qui avait tenu des propos déplacés dans sa défense de la candidature de Nkurunziza vis-à-vis de certaines chancelleries.

C’est donc la politique du bâton pour les Burundais et de la carotte pour la communauté internationale. Seulement, il n’est pas évident que cette stratégie sauve la mise à Nkurunziza et le chef de l’Etat burundais doit se le tenir pour dit. Certes, il a remporté la manche face à Niyombaré et durcit le ton face à ses opposants. Mais, il aurait tort de crier trop tôt victoire. Même au niveau de la Grande muette burundaise qui semble avoir perdu de son caractère républicain, les choses ne sont pas si simples que cela. En témoigne l’altercation entre deux unités de cette armée le lundi 18 mai 2015 dans le quartier de Musanga, opposées sur l’attitude à avoir vis-à-vis des manifestants contre Nkurunziza. Une altercation qui en dit long sur les divisions, le manque d’homogénéité dans l’opinion des militaires sur la crise. Les populations sont, quelque part, orphelines des médias, surtout des radios privées qui auraient dû leur donner les informations nécessaires à la mobilisation. Mais, elles restent encore debout. Et si elles parviennent à maintenir la pression, la situation peut toujours basculer. Même la fraction pro Nkurunziza de l’armée pourrait se voir obligée d’intervenir pour mettre un terme au processus de coup d’Etat constitutionnel du camp présidentiel, si la situation pourrit jusqu’à un certain niveau. Le président burundais aura suffisamment prouvé qu’il n’aime pas son peuple et il court droit à sa perte. Si dans son aveuglement suicidaire, il venait à ordonner par exemple d’ouvrir le feu sur les manifestants aux mains nues, les groupes militaires risquent de se tirer entre les pattes comme cela a failli être le cas lundi dernier. Et la communauté internationale ne pourra pas éternellement assister les bras croisés à cette barbarie. En tout cas, en revenant au pays après la tentative de putsch et en poursuivant le bras de fer avec son peuple, Nkurunziza  court droit vers son destin, celui de tout dictateur : une triste fin.

« Le Pays »


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