HomeA la uneOPTION D’ABUJA DE NEGOCIER AVEC BOKO HARAM : Un aveu d’impuissance ?

OPTION D’ABUJA DE NEGOCIER AVEC BOKO HARAM : Un aveu d’impuissance ?


Au Nigeria, la libération surprise des écolières de Dapchi par leurs ravisseurs, un mois après leur enlèvement, continue de défrayer la chronique. Si l’on peut se réjouir du fait que les parents des ex-otages ont retrouvé le sourire, il reste que les contours de cette affaire demeurent encore floues, laissant libre court à toutes sortes de supputations. En revanche, ce qui ne fait pas l’objet de doute, c’est l’option de la négociation choisie par les autorités d’Abuja avec les islamistes. Et le président Buhari s’en était expliqué devant des journalistes, à l’occasion de la réception des jeunes filles, dans sa résidence présidentielle à Abuja.

Avec les terroristes, on ne sait jamais jusqu’où on peut aller dans la collaboration

De là à penser que cette stratégie de la négociation sera désormais le credo du gouvernement nigérian, il y a un pas que d’aucuns ont vite fait de franchir. Car, quoi que l’on dise, cela a produit des résultats positifs, là où le tout militaire a parfois montré ses limites. Du reste, il n’est pas sûr qu’une action militaire, aussi efficace soit-elle, aurait permis d’arracher les jeunes filles des mains de leurs ravisseurs, sans effusion de sang.  Les faits parlent donc pour Buhari. Sa stratégie de la négociation avec les insurgés islamistes a été payante. Mais attention à la compromission! Car, avec les terroristes, on ne sait jamais jusqu’où on peut aller dans la collaboration. Du compromis, l’on peut facilement passer à la compromission, avec les conséquences que l’on sait. Et dans le cas des ravisseurs des écolières de Dapchi, l’on ne sait pas quelle a été la contrepartie de ces négociations qui ont abouti à la libération des jeunes filles. Le risque est que s’il y a eu versement de rançon comme le subodorent plusieurs sources, cela serve à nourrir la bête immonde qui en profiterait pour se refaire une santé militaire, elle qui n’était pas au mieux de sa forme, traquée qu’elle était jusque dans ses derniers retranchements dans la forêt de Sambissa, et dont les autorités d’Abuja se plaisaient à répéter qu’elle était « techniquement vaincue ».  En outre, il est à craindre qu’une telle option encourage les terroristes à commettre d’autres actes d’enlèvement de même portée, à l’effet de négocier au prix fort avec les autorités qui pourraient se retrouver ainsi prises dans un cercle vicieux. Au demeurant, quand on voit aujourd’hui toute la nuisance d’un Iyad Ag Ghali au Mali, alors que ce dernier avait longtemps été caressé dans le sens du poil par les autorités de Bamako, il y a de quoi se demander si l’approche de la négociation est vraiment la meilleure avec les terroristes. Il est clair que le tout militaire ne saurait, à lui seul, venir à bout du terrorisme. Mais faut-il pour autant pactiser avec le diable ? Assurément non ! Car, ces individus ont plus d’une fois montré qu’ils sont sans foi ni loi. Et toute alliance avec eux ne peut être que temporelle et ne saurait mettre définitivement quiconque à l’abri du danger. Car, des retournements de veste, ils en sont capables à tout moment.  En tout état de cause, ces extrémistes islamistes ont suffisamment fait la preuve qu’ils ne sont pas des enfants de chœur. Ce qui les intéresse en premier, c’est l’application de la charia.

Cela sonne comme un aveu d’impuissance des autorités d’Abuja

 Et n’eût été, par exemple, l’intervention énergique de la France au Mali, l’on se demande ce que serait devenu ce pays où ces illuminés avaient commencé à appliquer leur loi ; en témoignent les scènes de lapidation et autres coupures de bras. C’est dire si la solution militaire, sans être la solution, est nécessaire pour réduire la voilure et la capacité de nuisance de ces malfaiteurs des temps modernes. Du reste, si les terroristes eux-mêmes sont dans une logique de négociation, ce n’est certainement pas par pure bonhommie mais très certainement pour des raisons de contingence. C’est pourquoi il y a lieu de croire que l’approche de la négociation a certes fait mouche cette fois-ci, en ce sens qu’elle a permis d’obtenir des résultats positifs en peu de temps, qui plus est, en sauvant des vies humaines. Mais en même temps, elle a des limites. Toutefois, elle sonne comme un aveu d’impuissance des autorités d’Abuja qui semblent avoir plus peur de l’effet psychologique de ces enlèvements massifs d’enfants sur les populations, que des frappes de cibles militaires ou civiles par les insurgés. Et avec les élections présidentielles qui pointent déjà à l’horizon, il y a lieu de croire que le président Buhari avait fait de la libération de ces jeunes filles une priorité au point de se montrer favorable à un tel deal. Il n’est donc pas exclu que ce soit une stratégie à visée électoraliste à laquelle l’on ne saurait avoir recours en toutes circonstances. Cela est d’autant plus plausible que le timing de l’ouverture des négociations avec la pieuvre islamiste paraît pour le moins curieux. En effet, on notera qu’Abuja n’a pas choisi d’aller à des négociations avec la bande à Abubakar Shekau au moment où celle-ci faisait feu de tout bois au Nigeria, mais bien au moment où celle-ci, considérablement affaiblie par les coups de boutoir de l’armée nigériane, est aussi en proie à des dissensions internes qui ont fini par avoir raison de sa cohésion. Ce choix de la négociation, en ce moment précis, n’est donc pas anodin. L’histoire se chargera sans doute d’en révéler un jour les dessous. Mais en attendant, l’on observera que le prédécesseur de Muhammadu Buhari, Goodluck Jonathan, qui s’y était aussi essayé  après l’enlèvement des lycéennes de Chibok en 2014, n’avait pas connu le même succès. L’entregent de l’ex-président Obasanjo n’avait pas permis d’obtenir les résultats escomptés, c’est-à-dire la libération des jeunes filles, si fait que quatre ans après, une centaine de ces demoiselles restent toujours détenues par leurs ravisseurs.

« Le Pays »


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