HomeA la uneOTAGES RELAXES AU CAMEROUN :Les mystères d’une libération

OTAGES RELAXES AU CAMEROUN :Les mystères d’une libération


Enlevés dans le Nord du Cameroun dans la nuit du 16 au 17 mai derniers, les 27 otages : 10 Chinois et 17 Camerounais dont l’épouse du vice-Premier ministre, viennent d’être libérés des griffes de leurs ravisseurs.  Et comme il fallait s’y attendre, le gouvernement s’en est tout de suite félicité. Cependant, il est resté vague sur les conditions de libération de ces otages. Le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakari, qui devrait, en principe, être plus loquace, s’est contenté de porter le président Paul Biya au pinacle, indiquant que ce dernier s’est personnellement impliqué dans leur libération. Toujours est-il qu’il y a des non-dits dans cette libération d’otages.  On ne connaît ni le maître d’œuvre de la médiation ni les intermédiaires, encore moins la principale raison qui a poussé Boko Haram à libérer les otages. S’agit-il d’échange de prisonniers ou la secte islamiste a-t-elle relaxé ces otages par simple acte de générosité? Mansuétude ? On en doute fort, car cela n’est pas dans ses habitudes. Si Boko Haram était si humaniste et généreuse, elle n’aurait pas enlevé et gardé jusque-là les pauvres innocentes lycéennes de Chibok. En vérité, les autorités camerounaises cachent bien mal les secrets qui entourent la libération des otages. L’efficacité de la méthode Biya que salue le ministre de la Communication sans pour autant la préciser, n’est qu’un aveu : un deal a été conclu pour la libération des otages. Boko Haram ne peut libérer des otages qu’elle a pris le risque d’enlever, sans rien réclamer en contrepartie. On peut donc difficilement comprendre que les autorités camerounaises veuillent donner l’impression qu’il n’y a pas eu de versement de rançon ni d’échange de prisonniers. Si la méthode Biya était si efficace comme on veut le faire croire, pourquoi est-on toujours sans nouvelles des 274 filles enlevées par la nébuleuse depuis avril?

La libération d’otages profite à Paul Biya

La libération de ces 27 otages a été si rapide et sans couac qu’elle paraît suspecte. Du reste, ce n’est pas la première fois qu’une libération d’otage au Cameroun suscite tant d’interrogations. On se rappelle que la libération de la famille française Moulin Fournier, du père Vandenbeusch ainsi que celle des religieux italiens et d’une sœur canadienne, étaient aussi entourées de mystères. Les enlèvements se multiplient au Cameroun avec des temps de libération et une méthode de communication presqu’identiques. Si bien qu’on se demande si ces rapts ne sont pas l’œuvre de quelques individus n’appartenant pas à la nébuleuse islamiste, et qui en tirent les dividendes.

En attendant que le mystère soit levé sur cette libération d’otages, on peut, au regard de l’attitude des autorités camerounaises, dire que le Cameroun a cédé quelque chose à Boko Haram pour obtenir la libération de ces otages. Et si tel a été le cas, le pays de Paul Biya a été mal inspiré. Il devra s’attendre à d’autres enlèvements. Mais plus grave, il se désolidariserait alors de la communauté internationale, notamment l’Amérique et l’Europe qui ne veulent plus céder aux chantages des djihadistes, en leur versant des rançons ou en satisfaisant à leurs exigences. A moins qu’après la décapitation du Français Hervé Gourdel par les soldats du Califat en Algérie et celle des Américains James Foley et David Haines et du Britannique Alan Henning, par l’Organisation de l’Etat islamique, le Cameroun ait décidé de préserver le monde d’une nouvelle scène macabre. Mais on peut émettre des doutes sur cette hypothèse car, contrairement aux autres terroristes, Boko Haram n’a pas en tout cas, de manière officielle, menacé de décapiter les 27 otages si le Cameroun ne répondait pas à ses exigences. Disons le tout net, la libération d’otages profite à Paul Biya. Une éventuelle complicité de certaines autorités avec cette organisation terroriste pour s’enrichir sur le dos des contribuables camerounais et redorer l’image du président Biya pourrait se révéler dangereuse pour le pays. Car cela pourrait non seulement renforcer les capacités opérationnelles de Boko Haram, mais aussi décourager la destination Cameroun par les touristes.  

Dabadi ZOUMBARA


No Comments

Leave A Comment