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OUAGA BY NIGHT Quatre heures d’horloge dans l’univers des « strip-teaseuses »


A l’instar des grandes capitales du monde, Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, a aussi ses coins chauds. Lieux de distraction fréquentés par de nombreux Burkinabè, mais aussi par des personnes étrangères. Parmi ces lieux, figurent des clubs privés, « cercles fermés » de distraction aussi fréquentés tous les week-ends par une autre catégorie de personnes issues de la haute société. Les informations qui nous sont parvenues révèlent que ces clubs privés de la capitale sont, tous les week-ends, pris d’assaut par des personnes à la recherche de plaisir et de sensations fortes, en compagnie de jeunes filles couramment appelées « strip-teaseuses ». Afin de satisfaire notre curiosité et en savoir davantage, nous avons décidé d’y faire un tour pour vivre l’ambiance qui règne en ces lieux, nous entretenir avec les personnes qui s’y rendent, et rencontrer des jeunes filles qui, dit-on, fréquentent ces lieux où elles «prestent» et vendent leur charme.

Il est 22h 15, le vendredi 9 novembre 2018. En ce début d’harmattan, nous quittons nos domiciles respectifs situés quelque part au quartier Toébin à bord de notre véhicule de reportage, pour une virée à Ouaga by night, plus précisément dans un club privé situé quelque part dans la capitale. Nous signalons qu’en partant de la maison, nous avions quelques appréhensions, car on nous avait prévenus que les choses ne seraient pas si simples que cela. L’accès à ce lieu de plaisir privé est très difficile, surtout pour « les non-initiés» comme nous. Sur notre trajet, compte tenu de l’heure et du contexte d’insécurité que vit le Burkina Faso, nous avons dû subir des contrôles de police. A ce niveau, nous n’avions pas d’inquiétude puisque les pièces de notre véhicule ont toujours été en règle. Rassurés, nous pouvions nous aventurer partout sans courir le risque d’être interpellés. Chemin faisant, nous avons eu l’idée de faire le tour de trois bars- dancings couramment appelés « maquis », le temps de faire une mise en jambe avant d’atteindre notre point de chute. Le constat que nous avons pu faire dans les différents lieux où nous avons mis les pieds, est le même. Les Ouagalais, en véritables noctambules, aiment vivre, croquer la vie à pleines dents. Ils « s’amusent » beaucoup, ce, en dépit du contexte d’insécurité qui sévit. Bref, nous ne nous détournons pas de notre objectif et le cap est mis sur le club privé que nous avons dans notre collimateur. Il est situé quelque part dans le centre-ville. 0h 20, nous arrivons devant le club privé en question. Les appréhensions de départ s’avèrent justes ; le club est assez bien sécurisé. En plus des vigiles affectés pour assurer la sécurité, il y a d’autres agents. Nous avons dû nous plier aux exigences de ces «gardiens du temple». Nous avons subi une fouille corporelle de la part d’un des vigiles à l’entrée du club, avec rétention de nos cartes d’identité. Une des exigences, car on n’y entre pas comme dans un marché. Elégamment habillé ce jour-là pour donner l’impression d’être un habitué des lieux, une tenue de soirée (veste et pantalon bleu ciel), nous voici donc à l’intérieur du club. Décor féerique, jeux de lumière. Nous recevons un accueil sympathique de la part des serveuses qui nous installent dans un canapé douillet. Malgré la lumière tamisée, nous pouvons distinguer les clients de la soirée. Des scènes d’exhibitionnisme total mêlées au charme féminin. A première vue, les clients de la soirée sont visiblement d’une certaine classe sociale, au- dessus de la moyenne, rien qu’à observer les prix des boissons affichés sur un tableau lumineux qui est un bon indicateur. Dans ce club privé, nous nous sommes introduits sans révéler notre profession de journalistes ni la vraie raison qui nous y a conduits. Et pour cause, nous aurions sans nul doute été vidés des lieux sans ménagement, pour curiosité mal placée. Pour en revenir aux prix des boissons, il convient de savoir par exemple, que la bouteille de champagne coûte 75 000 F CFA, la bière (pour ne pas faire la publicité d’une marque) fait 4 000 F CFA et la sucrerie 2 500 F CFA. Depuis sa baie vitrée, le disc jockey invite les clients sur la piste de danse en distillant de la musique Zouk, Salsa, Rumba congolaise. Bref, c’est à ce moment là que les  « strip-teaseuses » entrent en scène en tenue légère, affublées de strings, de piercings au nombril, aux mamelons, au menton et les seins à l’air libre bien sûr. Elles sont jeunes (âge compris entre 18 et 25 ans), le physique avenant et de différentes nationalités (burkinabè, ivoiriennes, togolaises, roumaines, biélorusses) et on en oublie. Discrètement, sans éveiller les soupçons des surveillants qui font la ronde puisqu’il en existe dans le club, nous décidons d’approcher quelques-unes d’entre elles qui n’étaient pas encore sur la piste de danse. Pour bénéficier de leur confiance, on a dû délier le cordon de la bourse en offrant à chacune d’elles (deux qui ont accepté de nous parler) deux bouteilles de bière tout en prenant soin de les accompagner avec une sucrerie que nous nous sommes offerte. Celles-ci nous ont confié que la plupart d’entre elles exercent ce métier de danseuse de strip-tease pour échapper à leurs dures conditions sociales. A la question de savoir pourquoi des Européennes le font aussi, elles nous répondent que les Européennes le font par plaisir. Notre échange n’a pas assez duré puisque nos interlocutrices ont vite été rappelées à l’ordre par un des contrôleurs. En tenue d’Eve ou presque, elles assuraient le service en paradant avec des démarches lascives, des coups de reins provocateurs et des balancements de poitrine ravageurs. Expertes dans l’art de faire baver d’envie les machos, elles n’hésitaient pas à les entourer de leurs bras, à les caresser et surtout à les pousser à consommer la boisson sans arrêt. Il y va sans doute de la prospérité du club et du montant du cachet qu’elles recevront à l’issue de leurs prestations. Selon les informations que nous avons pu recueillir de certains des habitués du « coin », les revenus de ces danseuses tourneraient autour de 150 000 F CFA, sans compter les pourboires. Difficile de vivre ces scènes de strip-tease osées en direct sans être émotionnellement perturbé. Des contacts se nouent, des numéros de téléphone sont échangés qui, peut-être, déboucheront plus tard sur des relations plus ou moins durables. Cependant, la conversation doit rester dans certaines limites, avec ces belles de nuit. Trop de curiosité sur le fonctionnement du club privé, sur la fréquentation et bien d’autres aspects rencontrent un mur de méfiance, sinon de silence. Au chercheur d’informations de se débrouiller pour ne pas rentrer bredouille de sa chasse aux petits secrets des lieux. Toujours est-il que la plupart des clients se laissent « emporter » par ces belles créatures de nuit, qui mettent en exergue les atouts morphologiques qu’elles possèdent en déambulant entre les clients. Certains d’entre eux avaient le bas ventre en éveil, en « feu ». Pour ceux qui veulent procéder à un embarquement immédiat de leurs proies, il faut attendre la fermeture du club au petit matin, à l’issue de négociations serrées débouchant sur le paiement d’espèces sonnantes et trébuchantes. Les tourtereaux peuvent alors, dans ce cas, aller roucouler ailleurs et terminer la nuit en beauté. Contexte sécuritaire oblige, le club privé a pris certaines dispositions. Ainsi, au-delà de 2h du matin, l’accès à la boîte est interdit (pas d’entrée ni de sortie intempestives). Toutes les dispositions (toilettes, issues de secours en cas d’incendie et autres), sont réunies sur place. Par ailleurs, ces filles sont bien protégées, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Leur sécurité est assurée par de « gros  bras» sur place. Pour éviter d’éveiller des soupçons au sein du club, il faut jouer le jeu, consommer mais aussi aller sur la piste de danse et se trémousser au son de la musique, revenir de temps à autre s’asseoir à sa place. En définitive, notre virée nocturne nous aura permis d’en savoir plus sur l’univers des clubs privés de Ouagadougou, à travers cet exemple. Ce n’est pas le seul club du genre qui propose du bon temps à ceux qui le désirent dans notre capitale. Il y en a quelques autres qui reçoivent aussi une clientèle souvent insoupçonnée. Les avis sont partagés sur la tolérance même de ces clubs privés, accusés de favoriser la dépravation des mœurs (alcool, consommation de drogue, prostitution, agressions, etc.). Quant à ceux qui militent pour que la loi accorde à chacun de mener sa vie et ses activités comme il l’entend dans un système libéral, ils arguent d’ailleurs que ce n’est pas pour rien que ce genre de clubs sont privés et de fréquentations bien encadrées. Des endroits réservés aux habitués ayant en commun l’option de vivre pleinement les plaisirs de la vie, de la prendre du bon côté.
Aux environs de 4h du matin, nous rebroussons chemin avec l’espoir de retrouver nos familles dans de meilleures dispositions d’esprit. Encore une fois, nous avons été soumis aux mêmes contrôles de routine qu’à l’aller. La police nationale qui était présente sur notre chemin, faisait son travail.

 

BON A SAVOIR
D’OU VIENT LE MOT STRIP-TEASE

Le striptease (ou strip-tease) avant les rectifications orthographiques de 1990) désigne un spectacle érotique, généralement une danse mettant en scène une danseuse qui, la plupart du temps, retire progressivement ses vêtements pour finir dévêtue, voire nue. La danseuse évoque un déshabillage lent et sensuel, le cas échéant d’un comparse ou faisant appel au public qui incite la danseuse à retirer ses vêtements au fil du numéro. La danseuse peut prolonger la danse grâce à de petites tactiques. Le nom vient de l’anglais strip  « se déshabiller » et tease « taquiner ». Son ancienne orthographe est strip-tease, mais il y a eu soudure dans les deux langues, en anglais parce que la banalisation de ce spectacle réclamait un mot à part entière, en français, à cause d’une tendance à la soudure des mots à traits d’union (évolution encouragée par le rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques). L’équivalent en français est l’effeuillage par extension du sens originel du mot « opération consistant à supprimer le feuillage qui fait de l’ombre aux fruits, afin d’améliorer leur ensoleillement et de favoriser leur maturation. » Ce dernier substantif donne le verbe «s’effeuiller» alors qu’il n’existe pas de verbe correspondant à «striptease» ; la personne effectuant un striptease est appelée un stripteaseur ou stripteaseuse, ou encore effeuilleur et effeuilleuse.

Ben Issa TRAORE


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