HomeA la unePAUL SAVADOGO, DG DE LA PRESERVATION DE L’ENVIRONNEMENT : « Si vous jetez un plastique non biodégradable, vous pourrez être verbalisé ou amendé»

PAUL SAVADOGO, DG DE LA PRESERVATION DE L’ENVIRONNEMENT : « Si vous jetez un plastique non biodégradable, vous pourrez être verbalisé ou amendé»


Le 21 août 2014, l’Assemblée nationale adoptait une loi partant interdiction de la production, de l’importation et de la commercialisation des sachets plastiques non biodégradables sur le territoire burkinabè. Cette loi a pris effet le 21 février 2015, mais sur le terrain, les habitudes des consommateurs et même de certains commerçants n’ont pas changé. Nous avons donc approché le Directeur général de la préservation de l’environnement et du développement durable pour en savoir davantage, notamment sur, entre autres, la question de la lutte contre les déchets plastiques, des sanctions prévues par la loi à l’encontre des contrevenants et sur le coût et la disponibilité des emballages biodégradables.

« Le Pays » : Où en êtes-vous avec la lutte contre les déchets plastiques ?

Paul Savadogo : A la date d’aujourd’hui, si on veut faire le point sur la lutte contre les sachets plastiques non biodégradables, on doit d’abord parler de la loi qui interdit la production, l’importation et la distribution des emballages et sachets plastiques non biodégradables qui est entrée en vigueur le 21 février dernier. Dès cet instant, nous avions interpellé toutes les structures qui sont chargées de veiller à l’application de la loi. Toutes ces structures ont donné leurs réponses en disant qu’elles sont prêtes à travailler à ce que la loi soit respectée. Il s’agit notamment des services de la douane et des équipes qui doivent faire le contrôle au niveau interne. Toutes ces équipes sont actuellement à pied d’œuvre pour faire le contrôle. Aussi, depuis 2013, les importateurs de sachets plastiques avaient déjà identifié des adresses pour faire venir des emballages biodégradables. A leur niveau, certains ont déjà passé leur commande tandis que les autres sont en train de s’y atteler. Et je puis vous assurer que, par jour, nous recevons deux à trois demandes d’homologation pour l’importation des emballages biodégradables. Donc, tout se passe bien jusqu’à présent. Mais il faut dire que nous mettons l’accent sur le contrôle au niveau interne. Au niveau des frontières, c’est vrai que le travail se fait très bien, mais nous devons aussi faire très attention aux cas de fraude et ce sont les contrôles à l’intérieur du pays qui pourront nous permettre de détecter ces cas de fraude. Je pense que ce ne serait pas très compliqué à partir du moment où, on peut remonter très vite le produit et savoir qui est l’importateur et qui en est le producteur. Donc, pour le moment, nous ne rencontrons pas de difficultés majeures.

Est-ce que vous avez pu initier des rencontres avec les importateurs pour les sensibiliser davantage sur l’importance de leur reconversion vers le biodégradable ?

La communication ne s’est jamais rompue entre nous. Depuis 2013, nous tenons régulièrement des rencontres avec eux pour échanger. Nous avons échangé depuis sur la proposition du projet de loi portant interdiction de la production, de l’importation et de la commercialisation des emballages plastiques non biodégradables. Nous avons communiqué sur le sujet et les importateurs nous ont soutenus. Ce qui signifie qu’ils ont compris l’importance de la lutte contre les sachets plastiques, étant donné que la pollution n’épargne personne. Nous les avons tenu informés de la date de prise d’effet de la loi. Nous avons aussi eu des rencontres à l’approche de la date afin de nous assurer que toutes les dispositions avaient été prises à leur niveau pour passer au biodégradable. Nous nous sommes rendu compte qu’effectivement, ils avaient pris leurs dispositions. A la date d’aujourd’hui, tout commerçant qui veut importer du biodégradable peut le faire et ce n’est plus un secret pour eux. C’est peut-être, le consommateur qui se pose des questions mais, les importateurs ont déjà leurs sources. Nous avons la chance d’avoir des pays limitrophes qui ont déjà des règlementations sur la question des sachets plastiques non biodégradables. C’est le cas de la Côte d’Ivoire et du Togo qui sont aussi des grands producteurs de sachets plastiques. Mais au regard de la règlementation en vigueur dans ces pays, les industries se sont reconverties pour produire du biodégradable.

Que répondez-vous aux consommateurs qui sont inquiets quant à la disponibilité des emballages bio sur le marché ?

A ce niveau, il faut que nous fassions une distinction, car, il y a des emballages en papier, en carton, en tissu… qui sont biodégradables. Il y a aussi des emballages en plastiques qui sont biodégradables. A partir de ce moment, il n’y aura pas un grand changement du point de vue du consommateur. Il y aura un changement du point de vue de la protection de l’environnement mais, du point de vue de la disponibilité, les consommateurs n’auront rien à craindre.

Pourtant, certains sont inquiets quand même quant au coût de ces emballages biodégradables

Dans les emballages biodégradables en tissu comme en carton, par exemple, il y en a qui sont réutilisables. Ces emballages peuvent remplacer valablement le plastique et c’est d’ailleurs, notre priorité. Mais, étant donné que dans les échanges, nous avons pu avoir des compromis, il y aura des emballages plastiques qui sont biodégradables. Le coût de ces emballages plastiques biodégradables n’est pas trop différents des emballages plastiques non biodégradables. La différence est de l’ordre de 10%. Et si vous voulez appliquer 10% sur une unité de sachet plastique biodégradable, cela est inférieur à 0,5% de F CFA. Ceci pour dire que l’introduction du biodégradable, n’aura pas un impact sur le pouvoir d’achat des populations. Ce dont nous sommes conscients, c’est qu’il y aura, peut-être, un impact en termes de volume de consommation. Le niveau de consommation des emballages de manière générale va baisser. Il y va de notre bien-être, car, les déchets qui vont se retrouver dans la nature vont considérablement baisser. La sensibilisation va continuer pour que les uns et les autres, puissent déposer aussi les déchets dans les poubelles car, ce n’est pas, parce qu’un emballage est biodégradable qu’il faut le jeter dans la nature.

« Nous invitons les producteurs et les importateurs à aller dans le sens du respect de la loi afin d’éviter des désagréments »

La loi est entrée en vigueur, alors quelles seront les mesures coercitives qui sont entreprises à l’endroit des contrevenants ?

Les sanctions à l’endroit des contrevenants sont contenues dans la loi qui a été votée et qui est entrée en vigueur. Ce sont des peines d’emprisonnement, d’amendes fortes et dissuasives et des sanctions administratives qui peuvent aller jusqu’au retrait de l’agrément d’importation. C’est dire qu’il y a des sanctions, et, elles seront appliquées en cas de violation de la loi. Mais, nous invitons les producteurs et les importateurs à aller dans le sens du respect de la loi afin d’éviter des désagréments. C’est vrai qu’il y a toujours des brebis galeuses, mais nous leur disons aussi que la loi est là et il y a aussi des sanctions qui l’accompagnent. Nous allons former tous les agents de l’Etat qui sont chargés de l’application des textes pour qu’ils puissent faire leur travail correctement.

Alors qu’en est-il des commerçants qui ont encore des stocks de sachets plastiques non biodégradables ?

Depuis fin mai 2014, la loi a été adoptée par l’Assemblée nationale et nous avons informé l’ensemble des commerçants que la loi allait entrer en vigueur en 2015. Ils avaient donc 6 mois pour écouler les anciens stocks et les renouveler par des emballages biodégradables. En plus de cela, ils ont eu deux mois de plus, car, la loi a été publiée dans le Journal officiel du Faso, le 21 août 2014. Alors qu’il est stipulé dans la loi qu’elle prend effet, 6 mois après sa publication. C’est pour cela qu’elle a pris effet le 21 février dernier. Les commerçants ont eu, en gros, 8 mois pour écouler leurs stocks. Donc, théoriquement, il ne devrait pas y avoir de stocks de sachets non biodégradables à la date d’aujourd’hui. Mais s’il y en a toujours, c’est que cela sort du cadre de la loi. Nous invitons ceux qui ont encore des stocks de se signaler afin que nous puissions les récupérer pour d’éventuelles destructions car, la distribution, actuellement, est interdite.

Est-ce à dire que les sanctions sont directement applicables aux commerçants qui, sur le marché, ont toujours à leur disposition des sachets plastiques non biodégradables ?

Tout à fait ! Ce n’est plus autorisé de vendre des plastiques non biodégradables.

Peut-on donc s’attendre à des descentes de la police dans les marchés ?

Oui, mais comme c’est le début, nous continuons à sensibiliser car, beaucoup ignorent toujours les dispositions de la loi.

Mais, qu’en est-il des consommateurs ?

Pour le consommateur final, les dispositions de la loi stipulent que, lorsque l’on a, en sa possession, un sachet plastique, qu’il soit biodégradable ou pas, on doit le déposer dans une poubelle. A partir du moment où, vous le déposez dans une poubelle, vous êtes exempt de toutes sanctions. Mais, si vous jetez un plastique non biodégradable dans la nature, vous pouvez être verbalisé ou amendés.

« Il y a une autre piste en termes d’achat des déchets plastiques et c’est le secteur privé »

Le ministère, à un moment donné, avait entrepris, en partenariat avec certaines associations, une campagne de collecte et d’achat des déchets plastiques. Le projet s’est brusquement arrêté et les collecteurs de ces déchets plastiques s’inquiètent. A quel niveau se situe le problème ?
Les campagnes de collecte et d’achat des déchets plastiques s’insèrent dans un projet que nous avons élaboré et que nous avons soumis pour financement au budget de l’Etat. Le projet a été retenu et doit s’étaler sur trois ans, c’est-à-dire, de 2014 à 2017. Le projet comporte plusieurs volets dont le volet sensibilisation, le volet collecte, traitement et valorisation des déchets et le volet infrastructurel. Le projet a bénéficié en 2014 de financement et ce financement, nous l’avons utilisé pour la sensibilisation et aussi pour amener les populations à collecter les déchets plastiques. C’était aussi une manière de les amener à prendre conscience de la quantité des déchets plastiques qu’il y avait dans la nature. Etant donné que ce n’était pas des emballages biodégradables, ces déchets pouvaient rester dans la nature sur de très longue durée. Nous avons donc sensibilisé les populations qui ont adhéré fortement, au-delà de nos attentes, au projet. L’offre a donc dépassé notre capacité financière. Mais, il se trouve que, d’une année à l’autre, il faut encore renégocier le budget de l’Etat. C’est ce qui a fait que, dans les deux premiers mois de 2015, nous n’avons pas reçu de financement pour continuer les achats. Sinon, en 2014, nous avons pu faire des achats de plus de 250 millions de F CFA. Il faut dire qu’actuellement, les populations ont collecté et disposent de tas de sachets plastiques qui dépassent ce que nous avions déjà collecté. Pour cela, il nous faut mobiliser encore au moins 300 millions de F CFA pour acheter les déchets plastiques. Donc, c’est le temps pris pour renégocier le financement qui a fait que les actions se sont arrêtées.

Est-ce à dire que les collecteurs des déchets plastiques doivent s’attendre à ce que l’opération se poursuive ? Si c’est le cas, jusqu’à quand devraient-ils encore attendre ?

Nous continuons de travailler pour que les achats se poursuivent. Nous allons réorganiser certaines choses, car, l’expérience que nous avons eue déjà, nous a permis de savoir qu’il y a certains aspects qui méritent d’être corrigés. Le ministre a pris le dossier et il est en train de négocier pour que le projet soit financé en 2015. Donc, je peux vous assurer que le dossier est sur une bonne voie. Mais, pour le moment, je ne peux pas vous donner une date pour la reprise des achats. Le budget de l’Etat pour cette année est un budget difficile à négocier, mais nous avons bon espoir. J’invite la population à rester en contact avec les autorités en attendant la reprise des achats. Je voudrais aussi ajouter que le projet a été mis en place, parce qu’en plus de la collecte des déchets, ce sont des emplois qui sont créés. De la collecte au recyclage, il y a une gamme d’emplois qui se créent au profit des populations. Mais nous attirons l’attention des uns et des autres, qu’en dehors de l’action du gouvernement, il y a une autre piste en termes d’achat des déchets plastiques et c’est le secteur privé. Nous sommes donc en train de faire la promotion pour que les populations puissent se tourner aussi vers les acheteurs privés.

Un dernier mot ?

A propos de la loi portant interdiction de la production, de l’importation et de la commercialisation des emballages plastiques non biodégradables, j’invite les uns et les autres à faire preuve de bonne volonté. A partir du moment où, le biodégradable est disponible et qu’il n’y a pas de contrainte financière, ce qui reste à faire, c’est de l’importer. Quant aux consommateurs, je dirai que ce sont eux qui sont aussi les victimes des méfaits des sachets plastiques non biodégradables. Ce sont eux, qui ont aussi la capacité de faire changer les choses. Il suffit, dès à présent, de refuser les emballages et sachets plastiques non biodégradables et de réclamer le biodégradable. Si cela est fait, au regard de la loi de l’offre et de la demande du marché, les commerçants aussi vont changer. Nous demandons donc aux populations de faire le choix du biodégradable à partir de maintenant.

Propos recueillis et retranscrits par Adama SIGUE


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