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Le divorce est-il consommé ?

Ça y est ! Moins d’une semaine après la démission du Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, la Côte d’Ivoire a un nouveau gouvernement. Il est composé de 36 ministres et 5 secrétaires d’Etat. Le grand chamboulement annoncé n’a pas eu lieu. Car, la quasi-totalité des ministres issus du PDCI, qui s’étaient dit favorables au parti unifié, ont été reconduits, même si, par endroits, on a assisté à un jeu de chaises musicales. Et ce n’est pas tout. Les petits partis qui composent le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) y sont représentés. La grande surprise vient de la nomination d’un proche de Guillaume Soro, en la personne de Sidiki Konaté, comme ministre de l’Artisanat. Est-ce la preuve que le président Alassane Ouattara, conscient qu’il n’est plus en odeur de sainteté avec le PDCI de Henri Konan Bédié, est en train de faire les yeux doux à l’ex-patron des Forces nouvelles ?

ADO et les faucons du RDR sont sur la voie du non-retour 

Et tout cas, le divorce entre le parti de Henri Konan Bédié et le RDR du président Alassane Dramane Ouattara (ADO), qui avaient convolé en justes noces  au lendemain de la crise post-électorale de 2010, semble de plus en plus inéluctable. Et la pomme de discorde entre les deux époux n’est autre que le projet de parti unifié que le chef de l’Etat appelle de tous ses vœux. En effet, alors que Bédié a renvoyé aux calendes ivoiriennes son adhésion au projet au lendemain du scrutin de 2020, ADO tient à sa matérialisation au plus tôt, dans la perspective de pouvoir organiser une primaire pour désigner celui qui portera les couleurs de la nouvelle formation politique. Et selon toute vraisemblance, ADO et les faucons du RDR sont sur la voie du non-retour, dussent-ils opérer un passage en force. C’est du moins que ce que l’on peut lire en filigrane dans cette déclaration du porte-parole du RDR, Mamadou Touré, lors d’une conférence de presse : « Le président Alassane Dramane Ouattara a clairement dit que l’on irait au parti unifié avec les partis qui le voudront, c’est une adhésion libre». Mais comme l’on peut en douter, cette querelle autour du parti unifié, n’est que le remous de surface d’une lame de fond qui traduit la volonté à peine voilée du président ADO, de briguer un troisième mandat, en violation de l’accord d’alternance au sommet de l’Etat convenu avec le PDCI. Et pour preuve, « les pro-ADO » disent à qui veut les entendre, que cet accord n’a jamais existé.

Face à ce divorce annoncé, le moins que l’on puisse dire, c’est que la Côte d’Ivoire, pour reprendre l’expression de l’ex-président, Laurent Gbagbo, est véritablement un pays de boulangers où tout le monde tente de rouler l’autre dans la farine. ADO qui, jusque-là, présentait l’image d’un homme de parole, vient de tomber le masque, révélant ainsi sa vraie nature. Non seulement il fait ainsi perdre leurs illusions à ceux qui, de l’intérieur ou de l’extérieur, avaient vu dans son accession au pouvoir, l’avènement d’une nouvelle ère politique en Côte d’Ivoire, mais il indique, en plus, clairement sa prise de distance avec l’une des valeurs cardinales de la bonne gouvernance démocratique qu’est l’alternance.  Mais doit-on, pour autant, trop plaindre le PDCI ?

En tout cas, si l’on ne peut se réjouir des malheurs de ce parti historique, l’on peut déplorer la naïveté dont a fait preuve Henri Konan Bédié et ses camarades de s’acoquiner  avec Alassane Dramane Ouattara qu’ils ont chassé comme un malpropre du pouvoir, après la mort du père de la Nation, Félix Houphouët Boigny ; lui laissant tout le loisir de prendre sa revanche sur l’histoire.

Le petit jeu de la division auquel se livre ADO, est potentiellement dangereux

L’on peut, par ailleurs, déplorer le fait que le PDCI n’a pas pu garder sa cohésion interne dans son alliance avec le RDR. De nombreuses divergences ont vite apparu au sein du parti et l’ont quelque peu affaibli vis-à-vis de son allié. Pour preuve, certains cadres du PDCI dont plusieurs ministres, battent pavillon pour le parti unifié, contre les directives de l’exécutif du parti. Enfin, ce ne serait pas charger inutilement le parti de Bédié que de dire qu’il n’a pas eu la patience d’attendre son heure en restant hors du pouvoir. C’est là une erreur politique que le directoire du parti se doit d’assumer.

Cela dit, la scène de ménage entre les héritiers du président Houphouët ne peut que réjouir et profiter au troisième larron qu’est le célèbre prisonnier de la Haye, Laurent Gbagbo, qui, en bon visionnaire, avait prévu l’implosion de la coalition. En effet, l’on garde encore en mémoire, la réaction que l’homme avait eue au lendemain de l’annonce du mariage entre le PDCI et le RDR. «Où est-ce que vous avez vu la victime épouser son violeur ? Jamais. C’est ce que Bédié et Ouattara veulent nous faire croire (…) On connaît leur histoire. Aujourd’hui, ils s’unissent pour affronter Gbagbo. Mais un jour, leurs vraies natures (respectives) vont remonter… Ce mariage peut paraître beau, mais leur séparation sera violente, horrible et vous verrez qu’ils n’ont jamais été unis», avait-il déclaré. Le divorce programmé ne semble plus qu’une question de temps et ce qu’il faut à présent redouter, c’est la suite des événements. Et à vrai dire, point n’est besoin d’avoir le troisième œil du sorcier bété pour savoir que le petit jeu de la division auquel se livre ADO, est potentiellement dangereux dans une Côte d’Ivoire où les cœurs saignent toujours. Mais laissons la suite aux théoriciens de l’apocalypse pour dire que le scénario qui se déroule sur les bords de la lagune Ebrié, ressemble à du déjà vu ; celui des lendemains immédiats de la disparition du président Houphouët où pour faire le parallèle avec la Fable de La Fontaine, pendant que les héritiers du défunt se disputaient le pouvoir, est intervenu un troisième larron pour mettre tout le monde au pas. Et c’est justement en cela que l’on peut se demander si les cadres du RDR ont suffisamment mûri leur décision.

Cette question est d’autant plus pertinente que la situation interne au RDR n’est pas des plus reluisantes. La Côte d’Ivoire, en effet, bruisse quotidiennement d’un conflit larvé entre ADO et le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. Et ce n’est pas faire dans la malédiction que de douter que cette instabilité interne du parti puisse lui donner le cran nécessaire pour faire désormais face à deux adversaires de poids comme le PDCI et le FPI.

 

« Le Pays » 

 

 


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