HomeA la unePLAINTE DE DENIS SASSOU NGUESSO CONTRE X A PROPOS DES BIENS MAL ACQUIS : Une habile manœuvre de diversion  

PLAINTE DE DENIS SASSOU NGUESSO CONTRE X A PROPOS DES BIENS MAL ACQUIS : Une habile manœuvre de diversion  


 

La meilleure défense, c’est l’attaque, dit-on. En effet, le président congolais, Denis Sassou Nguesso, a visiblement fait sien cet adage. Cité dans l’affaire des biens mal acquis, il a décidé de ne pas attendre un procès, mais de contre-attaquer par une plainte contre X, déposée à Paris. Comme on peut le deviner aisément, cette plainte vise à contester les fondements de l’enquête qui le vise. Objectif avoué de cette plainte : faire invalider non seulement le dossier du président congolais, mais aussi toute l’affaire des biens mal acquis introduite devant la justice française par Transparency international et Sherpa. En rappel, cette affaire de biens mal acquis concerne également le président Teodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale, l’ex-président François Bozizé de la République centrafricaine. La procédure concernait également le défunt président gabonais, Omar Bongo Ondimba. Des biens des personnes accusées avaient déjà fait l’objet de saisies depuis un certain temps, dans le cadre de l’instruction du dossier. Mais Sassou avait jusque-là été épargné. Depuis quelques mois, ce n’est plus le cas. Il a enregistré, en effet, la saisie de deux propriétés appartenant à son clan en 2015.

Sassou est convaincu que cette affaire risque de le poursuivre encore longtemps

C’est certainement ce qui l’a fait sortir de ses gonds. En effet, la plainte qui le vise a été déposée depuis 2007 et l’ouverture de son instruction date de 2009. Mais, pendant tout ce temps, le clan Sassou s’en était tenu à des «effets d’annonces, d’initiatives judiciaires, plus ou moins fantaisistes» selon les mots de Transparency International qui qualifie cette plainte de simple «agitation». Cette fois-ci, le président congolais est passé à l’acte. Grisé certainement par sa victoire dans la bataille référendaire pour briguer un autre mandat au sommet de l’Etat, il se dit que c’est le moment de briser toutes les murailles dressées contre lui. Ce d’autant plus qu’il a en face une Elysée, certes embarrassée par le tripatouillage constitutionnel qu’il a réussi, mais visiblement compréhensive, voire coopérative. Côté judiciaire, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette action ressemble fort à une manœuvre dilatoire si elle n’en est pas une. Sassou est maintenant convaincu que cette affaire qui lui colle à la peau risque de le poursuivre encore longtemps, d’agiter son sommeil tel un fantôme. En décidant de porter plainte, il caresse certainement le rêve de gêner, voire de distraire les juges, dans l’instruction de son dossier. Cette habile manœuvre de diversion, dirait-on, est aussi pour l’actuel chef de l’Etat congolais, une manière de couper l’herbe sous les pieds de ses détracteurs. En effet, il sait qu’en plus du fait que le danger se rapproche de lui sur le terrain judiciaire avec la saisie de certains de ses biens, cette affaire peut avoir des répercussion sur le plan politique. Le sujet va rejaillir à la faveur de la future campagne électorale. Cette plainte est de ce fait, une façon pour lui, de prendre les devants. Il pourra ainsi désormais dire à qui veut l’entendre qu’il a entrepris de prouver son innocence. Au passage, il pourrait indexer des opposants d’être les instigateurs d’une cabale contre lui, dans le but de jouer à la victime et de les réprimer. Ce n’est certainement pas un hasard s’il a choisi de porter plainte contre x et non contre une personne physique ou morale précise. Cela peut avoir entre autres conséquences, d’élargir le champ des recherches, et d’une manière ou d’une autre, de faire traîner encore plus les choses. Et à ce jeu de la montre, il gagne. Il aura ainsi le temps de continuer à tourner en bourrique ses contempteurs et de les décrédibiliser au finish, surtout au sein de l’opinion publique congolaise. Mais, cette stratégie pourrait également se retourner contre lui. Car, en attirant de cette façon l’attention sur lui, il pourrait «réveiller» des contempteurs qui ne se feraient pas prier pour mettre à nu tout ce qui est de nature à le charger davantage. Du reste, Sassou lui-même sait qu’il a la tête du coupable idéal. Il vient de tripatouiller la loi fondamentale de son pays. Ce n’est pas anodin. S’il a été capable de violer les dispositions de la loi fondamentale de son pays à son profit, il peut très bien avoir pris des libertés avec les biens publics de son pays. En tout cas, on ne voit pas pourquoi il s’en serait privé. Quand la patrimonialisation du pouvoir devient un sport favori, quand un chef d’Etat a l’imprudence, voire l’indécence de mêler sa progéniture à la gestion des affaires de l’Etat de façon si intense comme le font Sassou Nguesso et Obiang Nguema par exemple, les graves impairs économiques ne sont jamais loin. Et on peut se dire que s’il tient à s’accrocher à ce point au pouvoir, après un si long règne, c’est aussi certainement parce que le président congolais a des choses, et non des moindres, à se reprocher.

Même si d’aventure Sassou Nguesso n’est pas coupable, il  en a la tête

Du reste, les pratiques de la Françafrique dont il est l’un  des symboles, sont plus ou moins connues : circulation de valises d’argent avec à la clé, une sorte de protection, d’ «assurance-pouvoir à vie» offerte aux chefs d’Etat africains qui jouent le jeu. Les frasques de nombreux rejetons de chefs d’Etat de cette Françafrique ne sont pas non plus un secret. Dans les grandes capitales occidentales, les enfants de ces chefs d’Etat vivent dans un luxe insultant, aux antipodes de la misère des populations de leurs différents pays d’origine. Point besoin d’être clerc pour savoir que les ressources qui servent à entretenir un tel train de vie, ne sont pas gagnées à la sueur de leur front. Elles proviennent certainement des caisses des Etats, de collusions entre familles présidentielles et pilleurs des ressources des pays concernés comme le pétrole, cité dans le cas du Congo. En termes de luxure, Denis Sassou Nguesso n’a-t-il pas lui-même créé la surprise avec ses dépenses faramineuses lors de séjours à New York ? En effet, les médias américains ont rapporté que le chef de l’Etat congolais a, lors de plusieurs voyages, pris ses quartiers dans un des hôtels les plus luxueux de cette cité américaine. Et comme pour en rajouter à la gabegie, il était accompagné de délégations pléthoriques dont la prise en charge a coûté très cher au contribuable congolais.  Quand un dirigeant se comporte de la sorte, il donne la preuve qu’il est peu vertueux, peu soucieux de l’intérêt général de son pays, pour ne pas dire qu’il est une sangsue sur le dos de son peuple, qu’il confond les biens du pays à son propre patrimoine à lui. Dans ces conditions, les crimes économiques sont monnaie courante sous son règne en ce sens que les biens de l’Etat sont personnalisés, détournés à longueur de journées au profit du clan présidentiel. Dans un Etat de droit qui se respecte, ce genre de biens, arrachés indûment aux peuples concernés, sont bel et bien mal acquis, leur acquisition n’ayant pas été faite dans les règles de l’art. Ainsi donc, dans cette affaire de biens mal acquis, même si d’aventure Sassou Nguesso n’est pas coupable, il  en a la tête. Comme ces coaccusés d’ailleurs. Leurs impairs en matière de gouvernance, leur vie de luxure et leurs immenses ressources personnelles qui jurent avec la misère que vit la majeure partie de leurs populations respectives, sont autant d’indices qui plaident contre eux. A la justice française donc de savoir ne pas se laisser distraire.

« Le Pays »


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