HomeA la unePOUR UNE RESOLUTION DURABLE DES CRISES MILITARO-POLITIQUES AU BURKINA : Arracher toutes les racines du mal

POUR UNE RESOLUTION DURABLE DES CRISES MILITARO-POLITIQUES AU BURKINA : Arracher toutes les racines du mal


 

Alors que les Burkinabè sortent d’une semaine cauchemardesque, il n’est pas trop de demander que les dispositions soient prises pour que plus jamais une telle situation ne se reproduise. Le putsch orchestré par le Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) offre au Burkina, l’occasion de solder ses comptes pour de bon avec ce Régiment ainsi qu’avec le système Compaoré. Le RSP et son patron, le général Gilbert Dienderé, faut-il le rappeler, sont le bras armé de l’ex-parti au pouvoir au Burkina. Ils ont toujours été cités dans les basses besognes qui ont traumatisé le Burkina ou sali son image à l’extérieur du pays. Le slogan duquel cette unité ne s’est quasiment jamais départie est : « si tu fais, on te fait et il n’y a rien ». Au Burkina, le nom du RSP est associé aux crimes les plus odieux et les plus emblématiques de l’histoire politique du Burkina depuis plus d’une vingtaine d’années. De l’assassinat du père de la Révolution burkinabè aux martyrs de ce dernier putsch en passant par les assassinats de Norbert Zongo, Dabo Boukari et bien d’autres personnes, le RSP dans ses dénominations actuelle et passée, est indexé. A côté de ce RSP, il y a le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), ex-parti majoritaire au Burkina. Après l’insurrection populaire qui l’a balayé du pouvoir et dès la sortie de clandestinité de ses bonzes, ce parti s’est donné pour mission de reprendre les rênes du pays. Et ce, par tous les moyens. Ses ténors ont multiplié les déclarations guerrières, surtout depuis le dépôt des candidatures pour les élections présidentielle et législatives. Son président, Eddie Komboïgo, ne s’était même gêné pour dire que si sa candidature et celles de ses camarades étaient rejetées, il n’y aurait pas d’élection le 11 octobre prochain. Et ce qui ressemblait juste à un simple signe d’énervement passager, vu que l’intéressé même s’était ravisé en disant que son parti se pliait aux décisions du Conseil constitutionnel, s’est révélé une mise en garde sérieuse. Les militants de ce parti et dans une certaine mesure, de l’ex-majorité, ont, du reste, plus ou moins jubilé à l’annonce du putsch contre la Transition. Ce faisant, tout porte à croire que c’est le CDP et ses satellites qui ont ourdi et exécuté le putsch par le truchement de leur bras armé, le RSP.

Ceux qui ont fauté doivent rendre des comptes au peuple burkinabè

En agissant de la sorte, ceux qui ont perturbé la Transition et la quiétude du Burkina, ont failli. Mais cette situation, il faut en convenir, a été rendue possible aussi par l’attitude de la Transition vis-à-vis de l’ex-majorité et de son bras militaire. Les autorités de la Transition ont refusé de voir la vérité en face. Par trois fois, le Ciel leur a envoyé des signes, et à travers eux, à tout le peuple burkinabè. Par trois fois, le RSP a fait irruption dans la sphère de la Transition. Malgré cela, tous ceux qui ont demandé son démantèlement, étaient quelque peu perçus comme des jusqu’au-boutistes. La Transition a pêché par son manque d’anticipation, sa mansuétude voire sa poltronnerie. La peur du RSP, la crainte du général Gilbert Dienderé ont toujours poussé les autorités de la Transition à remettre à plus tard le démantèlement de cette unité. Les choses les ont donc rattrapées. Il est quelque part heureux que le RSP se soit encore illustré si négativement en ces moments. Il aurait pu être plus dangereux aux lendemains des élections, pour le nouveau pouvoir qu’il pourrait traumatiser. Bien avant, le RSP aurait pu aussi imposer « son » président au peuple. A présent, l’un des premiers actes du président Kafando remis en selle, devrait être la dissolution pure et simple du RSP. Le contexte y est des plus favorables. Si cette unité reste en place, il y a des risques de perturbations sociales, de mouvements de désapprobation. Mieux, s’il survit, il récidivera. « Qui a bu, boira », dit la sagesse. Si ce n’est avec Gilbert Dienderé, ce serait avec un autre officier. C’est dire que tant que le RSP existera, le Burkina ne sera pas à l’abri des sautes d’humeur de ces gens super entraînés, hyper armés et bénéficiant jusque-là d’une impunité totale. On se souvient en effet qu’après les mutineries du 2011, les mutins du RSP n’ont subi aucune sanction, du moins pas officiellement, contrairement aux autres soldats mutins. C’est probablement cette impunité qui fait le lit des récidives. Il faudra donc éviter d’absoudre à bons comptes ceux qui se sont rendus coupables d’atteintes graves aux institutions de l’Etat et aux vies des citoyens. L’amnistie n’est pas une bonne solution. Ceux qui ont fauté doivent rendre des comptes au peuple burkinabè. Il faudra donc avoir le courage de sanctionner les fautifs, quitte à leur accorder le pardon si telle est la volonté du peuple. En tout état de cause, la Transition doit se dépêcher de supprimer la cause de ses malheurs et de ceux du peuple. Il ne devrait plus y avoir de sentimentalisme en la matière. Le CDP qui s’est fourvoyé devra, quant à lui, être également sanctionné à la hauteur de son crime. Tout comme le RSP, la simple évocation de son nom est traumatisante pour le peuple burkinabè. Tout comme le RSP, il devra donc disparaître, au moins dans sa dénomination actuelle. Il ne conviendrait pas de frapper l’outil maléfique tout en caressant dans le sens du poil, son détenteur. Le CDP et le RSP de Blaise Compaoré qui ont failli et plongé le pays dans la violence au nom de leurs intérêts égoïstes, devraient être frappés pour leur infamie. Il faut arracher toutes les racines du mal. Si par extraordinaire, les autorités continuaient de fermer les yeux sur ces dérives indignes d’un réel Etat de droit auquel aspirent les Burkinabè, l’Histoire le retiendra comme faute grave contre eux. D’ailleurs, la Charte africaine de la démocratie ne s’est pas trompée en ouvrant la possibilité de sanctionner les auteurs de changements anticonstitutionnels. Ces sanctions ont un but pédagogique. Elles visent à dissuader quiconque d’essayer ou de réessayer de porter atteinte à l’ordre constitutionnel normal dans un pays.

Le combat mené par la jeunesse du Burkina dépasse le seul cadre du pays des Hommes intègres

Sous un angle, on peut dire que la première tentative de médiation de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), conduite par Macky Sall et Thomas Boni Yayi, a rendu un mauvais service à l’organisation sous-régionale. Le projet d’accord proposé par les deux chefs d’Etat donne à penser qu’ils étaient en mission commandée à Ouagadougou pour le compte de l’ex-majorité. Ils ont fait la part belle aux putschistes et à travers eux, à l’ex-majorité. Tant et si bien qu’on ne peut s’empêcher de voir dans leurs propositions, la manifestation de leur amitié pour Blaise Compaoré et ses proches qu’il fallait à tout prix ramener dans le jeu politique. En effet, il est difficile, malgré les dénégations du chef de la junte, de se convaincre que le chef de l’Etat déchu n’a rien à voir avec le putsch perpétré par ses anciens hommes de main. On est fondé à croire que la proximité idéologique entre Macky Sall et l’hôte de Blaise Compaoré, Alassane Dramane Ouattara (ADO), n’est pas étrangère à l’attitude de Sall envers les  putschistes et les pro-Compaoré. En ce qui le concerne, la posture du président ivoirien, ADO, qui est resté très discret dans cette crise militaro-politique au Faso, n’est pas digne des liens historiques de fraternité et de bon voisinage qu’il y a entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. Heureusement que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’est montré plus ferme vis-à-vis des putschistes. Il faudra aussi se féliciter du soutien apporté au peuple burkinabè, par des organisations de la société civile de tous les horizons, mais aussi par des chefs d’Etat dont ceux du Niger, Mahamadou Issoufou, du Nigeria, Muhammadu Buhari et même du Tchad, Idriss Déby Itno. Mais, « à tout seigneur, tout honneur », dit-on. Le plus grand mérite revient d’abord et avant tout, au peuple burkinabè, surtout à sa jeunesse. En tout cas, en ce qui la concerne, la jeunesse burkinabè, dans son ensemble, a joué à fond sa partition dans la défense de la démocratie en construction. C’est le lieu de lui rendre tout l’hommage qu’elle mérite. Il convient également de saluer l’amour de la patrie, qui a permis au reste de l’armée nationale de se dresser aux côtés du peuple burkinabè en lutte. Cette maturité fera date dans l’histoire de ce pays, voire de l’Afrique. Car, et il faut bien le relever, le combat mené par la jeunesse du Burkina dans son refus de la prise du pouvoir d’Etat par les armes, dépasse le seul cadre du pays des Hommes intègres. Cette victoire servira d’exemple et de ferment pour la jeunesse d’autres pays du continent en butte à des dictatures. Une fois de plus, la preuve est faite que le salut de chaque peuple viendra d’abord et avant tout, de lui-même.

« Le Pays »


Comments
  • Merci pour cette analyse très complète, très instructive, surtout pour ceux qui, comme moi, ne vivent pas au Burkina Faso. Le rappel de quelques principes est important. Il est de nature à asseoir solidement les institutions futures dont on espère qu’elles se démarqueront des dérives si souvent observées. J’ai moi-même tenté d’ajouter ma lecture de cette semaine historique dans mon blog. Au cax où cela peut être utile https://jlsagotduvauroux.wordpress.com/

    24 septembre 2015

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