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POUVOIR/OPPPOSITION AU TOGO : L’impossible dialogue ?


La coalition togolaise des 14 partis politiques opposés au président Faure Gnassingbé a encore sonné le rassemblement, samedi dernier dans les principales villes du pays, pour une nouvelle fois exiger le départ immédiat du locataire du Palais de Lomé II (présidence togolaise) et le retour à la Constitution de 1992 qui avait, on s’en souvient, suscité beaucoup d’espoirs en raison de la relative embellie démocratique qu’elle garantissait au peuple togolais. Cet énième face-à-face entre opposition et pouvoir dans ce pays mis sous coupe familiale depuis un demi-siècle, fait craindre un enlisement de la situation, d’autant que les positions déjà diamétralement opposées par rapport aux propositions de sortie de crise des uns et des autres, semblent se radicaliser davantage sous la pression de leurs bases respectives. C’est dans ce contexte particulièrement électrique qu’un émissaire du président de l’Union africaine est arrivé à Lomé pour tenter de concilier les positions des protagonistes, mais au regard des conditions posées par la coalition de l’opposition, le missi dominici de Alpha Condé risque de quitter « la Suisse de l’Afrique » sans obtenir de résultats probants. Jean Pierre Fabre et les siens exigent, en effet, avant tout début de négociation, la satisfaction de préalables qui sont, entre autres, la libération de l’ensemble des détenus politiques, la libération des détenus dans l’affaire des incendies des marchés du Togo, la levée des contrôles judiciaires sur tous les acteurs politiques et de la société civile, notamment sur Zeus Ajavon et Jean Eklou, ainsi que la levée du siège des villes de Sokodé, Bafilo et Mango au Nord du pays. Et ce n’est pas tout. L’opposition menace tout simplement de boycotter le dialogue que le pouvoir appelle de tous ses vœux, si la répression de ses militants se poursuit. Mais il faut tout de même garder le cap actuel du radicalisme, ne serait-ce que pour contenter des militants qui redoutent, à juste raison, une trahison possible de leurs leaders comme on a l’habitude de le voir dans ce pays de toutes les compromissions.

Le président togolais semble plutôt opter pour une guerre d’usure

Certains opposants, aujourd’hui vent debout contre Faure Gnassingbé et son clan, sont en effet dans une simple logique de participation au partage des prébendes à travers un gouvernement d’union nationale qui pourrait naître des négociations voulues et entamées par l’UA, la CEDEAO et même par le parti au pouvoir par le truchement de certains de ses responsables qui agissent pour l’instant dans l’ombre. Il est évident que les milliers de Togolais qui usent leurs souliers dans les rues depuis le 19 août dernier pour obtenir le départ forcé de leur dictateur de président, ne comprendraient pas et ne pardonneraient pas que des « opposants d’eau douce » en viennent à saborder leur lutte pour des raisons égoïstes et politiciennes, alors qu’ils n’ont jamais été aussi près du but, celui de pousser l’homme « Faure » du Togo dans les cordes et le contraindre à négocier sa sortie de scène en douceur et dans la dignité. En clair, l’opposition togolaise est bien consciente du fait que la marée humaine qui répond à chacun de ses appels à manifester, n’est rien d’autre qu’une « bombe atomique » à retardement, qui pourrait être dévastatrice pour elle-même et dont le détonateur risque bien d’être sa participation à un gouvernement d’union qui semble être l’option la plus envisagée par le parti au pouvoir. Faure Gnassingbé est un pur produit de son père, et en tant que tel, il sait très bien qu’au Togo aussi, pardon, au Togo surtout, il a toujours existé une sorte d’échange de bons procédés entre opposants et dirigeants, qui consiste pour les premiers à se faire « ânes politiques » afin d’avoir le foin gardé jalousement par les seconds. En clair, dans ce pays considéré comme l’une des plus grandes usines à corruption de l’Afrique de l’Ouest, le temps ou le dilatoire, qui est l’autre nom de Dieu en politique, sera un adjuvant de taille pour le régime togolais qui lui permettra d’émousser la dynamique actuelle de l’opposition et de disperser ses rangs, surtout s’il se montre généreux à travers la distribution de « djembés » bien garnis en espèces sonnantes et trébuchantes. Si tout cela ne suffit pas à « assagir » les contestataires, alors Faure Gnassingbé fera appel au plus grand des dieux protecteurs du régime, l’armée et les milices des sociétés de sécurité érigées en forces supplétives. Si la dynastie des Gnassingbé résiste toujours au temps, c’est grâce à cette armée majoritairement tribale, qui n’a jamais hésité, quand il s’est agi de traquer et de réduire au silence les opposants les plus têtus. Et Faure Gnassingbé s’en sert à merveille, depuis qu’il a remplacé au Palais de Lomé II son père subitement disparu entre ciel et terre en 2005, et on a vu cette année encore de quoi cette soldatesque était capable en terme de répression avec sa descente musclée et forcément sanglante à Sokodé qui se trouve être l’épicentre du mouvement de contestation en cours dans le pays. Mais au regard des menaces que la Justice internationale fait planer sur la tête des dirigeants despotes, le président togolais rechigne visiblement à faire intervenir systématiquement ses alguazils à la gâchette facile, et semble plutôt opter pour une guerre d’usure. Sachant parfaitement que les législatives sont prévues dans moins d’un an, son opposition tombera bientôt sous le coup de la directive de la CEDEAO qui préconise de surseoir à toute modification constitutionnelle six mois avant une échéance électorale. A ce moment-là, les dirigeants de la coalition n’auront d’autre choix que de négocier non pas le départ immédiat du président, mais plutôt son adieu à la fonction présidentielle à la fin de son mandat en 2020. Il pourrait ainsi se féliciter d’avoir su tirer son épingle du jeu, car la peur et la pression auront changé de camp et ce sera aux opposants qui ne pourront pas se prévaloir de leurs propres turpitudes comme le martèle un principe universel du droit, de trouver les mots justes pour calmer leurs partisans qui vont à coup sûr déchanter de devoir supporter encore pendant deux ans au moins, le maintien de Faure Essoazina Gnassingbé à la tête de l’Etat togolais.

Hamadou GADIAGA


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