HomeA la unePR ABDOULAYE SOMA A PROPOS DE LA CONSTITUTION BURKINABE : « Au commencement, c’était Blaise, à la fin, c’était Blaise »

PR ABDOULAYE SOMA A PROPOS DE LA CONSTITUTION BURKINABE : « Au commencement, c’était Blaise, à la fin, c’était Blaise »


Le Réseau d’initiatives des journalistes (RIJ) a organisé un panel le 28 mai 2016 au centre de presse Norbert Zongo. Thème choisi : « passage de la 4e à la 5e république : enjeux, défis et perspectives ». Deux panélistes bien connus ont alternativement tenu en haleine les participants au panel, à savoir le Constitutionnaliste et professeur d’Université Abdoulaye Soma et le journaliste et directeur de publication du journal « Le Reporter », Boureima Ouédraogo. Pendant  plus d’une heure, les échanges entre panélistes et participants ont permis d’aborder une foultitude de questions en rapport avec la marche du Burkina post-insurrection.

 

« Les constitutions ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil ». C’est par cette lapalissade du spécialiste du droit public de l’Université de Metz en France, Raymond Ferretti, que le professeur Soma a introduit les débats sur la révision de la Constitution burkinabè, précisant que les Constitutions font vivre les Républiques qui peuvent les changer. Il a rappelé que la Constitution est un contrat social au sens rousseauiste du terme, car, « elle constitue la fondation de la société, représente le peuple ». Si la République change, la Constitution change aussi, a indiqué Pr Soma. Y a-t-il nécessité de changer de Constitution au Burkina ? Abdoulaye Soma a été affirmatif, au regard, dit-il, des défaillances que comporte l’actuelle Constitution dans sa structuration. Des contradictions existent entre des dispositions de la Constitution et il en veut pour preuve l’article 85 qui parle du mandat du député qui doit apprécier les choses selon l’idée qu’il se fait de l’intérêt général. Il peut voter une loi sur cette base, de façon libre. L’alinéa 2 de cette même disposition oblige le député à quitter le parlement s’il considère que le parti politique sous la bannière duquel il est élu ne correspond plus à ses aspirations ou à l’idée qu’il se fait de l’intérêt général. S’il arrive qu’un député démissionne d’un parti politique, il perd aussitôt son poste de député. Si fait que le député a l’obligation d’entériner les décisions du parti dont il est issu, même si ces décisions sont contraires à l’idée qu’il se fait de l’intérêt général. Tout cela est contraire à la liberté du député et nuit à la philosophie de la représentation ou du mandat électif  dans le cadre de la Constitution. L’autre grief contre la Constitution, selon Pr Soma, c’est sa personnalisation et son instrumentalisation qui sont, selon ses mots,  « des défauts de fabrication », des « vices ontologiques ». « Au commencement, c’était Blaise, à la fin, c’était Blaise et en cours, c’était Blaise », a-t-il relevé, précisant qu’il y a un encadrement du pouvoir politique, la présidence du Faso en l’occurrence, qu’on n’a pas pu opérer. Dans cette dynamique, l’article 37 de la Constitution, de son avis, a toujours porté la marque de Blaise Compaoré qui a verrouillé, déverrouillé, reverrouillé des clauses selon ses humeurs. Ce qui, selon les mots du spécialiste du droit constitutionnel, n’est pas normal dans une république. A la suite du Professeur, le journaliste Boureima Ouédraogo a aussitôt affirmé que la Constitution n’est pas seulement une affaire de droit, c’est aussi une affaire de sociopolitique. Il convient qu’il faut modifier la Constitution ne serait-ce que pour garantir l’équilibre des pouvoirs, créer des cadres permanents d’interpellation des gouvernants par les gouvernés, renforcer l’indépendance de la Justice qui traîne, de son avis, un lourd passif en termes de dossiers pendants, recadrer l’action des partis politiques par la refonte du système électoral, faire de la sécurité une grande préoccupation dans la nouvelle Constitution.

 

Quelles modalités de modification de la loi-mère ?

 

Pour Abdoulaye Soma, le changement de république s’appuie sur le changement de Constitution avec des modalités d’élaboration. Le Constitutionnaliste a estimé que la Commission Constitutionnelle créée à cet effet en Conseil des ministres, n’est connue ni dans sa composition ni de par son matériel de travail, ce qui, à son avis, rend le processus constituant  illisible, opaque,  sans ouverture républicaine, puisqu’il n’y a pas eu de concertations, à son avis. Dans la mesure où les membres d’une telle commission constitutionnelle sont nommés,  le constitutionnaliste s’est interrogé sur le degré de liberté ou d’indépendance de ses acteurs, si le processus ne sera pas incliné pour entériner une obédience partisane, ou encore si les constituants ne seront pas tentés par une certaine caution aux autorités dans le changement de Constitution. Il a estimé qu’il faut prendre des précautions afin que la nouvelle Constitution devienne un correctif des défaillances de la précédente. La modification de la Constitution doit se faire dans un esprit objectif, non partisan, étant donné que, a-t-il estimé, les autorités sont appelées à changer, la Constitution doit réguler ces changements. La république n’a pas de failles, selon Boureima Ouédraogo, mais plutôt la Constitution. Il a estimé qu’il faut construire la nation à  partir de la diversité. Pour lui, la société burkinabè doit gérer son passif avant de se mettre en ordre de marche pour que le passage de la 4è à la 5è république ne soit pas un saupoudrage : réconcilier les Burkinabè avec eux-mêmes, rendre la justice dans les dossiers pendants de crimes économiques et de sang, éradiquer l’incivisme, etc.

 

Lonsani Sanogo

 

 

 


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