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Pr CHARLEMAGNE OUEDRAOGO, GYNECOLOGUE « La césarienne doit être réservée aux indications purement médicales et non par convenance personnelle »


Il est professeur titulaire de gynécologie obstétrique et est aussi chef de service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bogodogo. Connu sous le nom de docteur des femmes, Pr Charlemagne Ouédraogo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, dans cette interview qu’il nous a accordée pour notre rubrique de la semaine, parle de l’accouchement par césarienne. A quel moment faut-il faire une césarienne, qui est autorisé à la faire et quelles sont ses conséquences ? Autant de questions qui trouvent leurs réponses dans cet entretien. Lisez !

« Le Pays » : Qu’appelle-t-on accouchement par césarienne ?

Pr Charlemagne : L’accouchement par césarienne est un accouchement chirurgical qui survient après incision de l’utérus suivi de l’extraction manuelle du fœtus de la cavité utérine. Globalement, on dit accouchement par voie basse ou par voie haute. Celle par voie basse, c’est celle qui se fait par les voies naturelles, mais la voie haute, c’est la césarienne qui consiste à inciser chirurgicalement l’utérus pour extraire le produit de conception qui est le fœtus.

A quel moment une femme est-elle autorisée à accoucher par césarienne ?

Nous posons l’indication de la césarienne à chaque fois que l’accouchement par voie basse peut compromettre la santé ou la vie de la mère et/ ou du fœtus. A ce moment, nous réalisons la césarienne parce que l’accouchement par voie naturelle présente un danger qui peut être attenant à la mère ou aux deux.

N’importe quelle femme, si elle le souhaite, peut-elle accoucher par césarienne?

Ce sont des césariennes de convenance personnelle et l’OMS même déconseille ce type d’indication de césarienne. La césarienne doit avoir une raison médicale et à chaque fois qu’une femme fait une césarienne par conviction personnelle, elle est exposée à un risque de mortalité ou de morbidité supérieur à la population de femmes qui accouchent par voie basse. La césarienne doit être réservée aux indications purement médicales et non pas de convenance personnelle.

Recevez-vous des femmes qui demandent la césarienne par convenance personnelle ?

Bien sûr. Il y a des femmes qui, pour diverses raisons, ne veulent pas que leur périnée subisse l’épreuve de l’accouchement pour des conforts personnels. D’autres disent que si l’enfant passe par l’appareil génital, cela peut jouer sur leur sexualité et endommager le confort sexuel. Mais cela ne doit pas justifier le fait qu’on expose la vie de la femme à un risque supplémentaire, surtout que déjà la grossesse est un risque en soi de mortalité maternelle, il ne faudrait pas causer un geste en plus de celle-ci pour exposer la vie de la femme à d’autres risques supplémentaires. Nous disons aux femmes qui ont ce souci que la voie basse est faite pour l’accouchement et que naturellement, après l’accouchement, l’organe génital reprend sa position normale qui soit convenable à la vie sexuelle. Mais il arrive que certaines femmes aient des difficultés à l’accouchement, difficultés qui laissent des séquelles au niveau de l’appareil génital. Mais pour ces dernières. nous avons des solutions au niveau de la médecine pour faire en sorte que l’appareil génital retrouve son intégrité et soit propice pour une activité sexuelle convenable.

A quel moment de la grossesse une femme peut-elle savoir qu’elle doit accoucher par césarienne ?

Lorsqu’une femme rentre en travail, il y a deux situations : soit pendant la grossesse on suit la femme et au terme de cette grossesse on l’examine pour établir le pronostic de l’accouchement et ce sont des éléments de pronostic qui permettent au médecin ou à la sage-femme de dire si le traitement autorise la mise en route du travail spontané ou s’il faut anticiper le travail et faire une césarienne programmée. Soit on regarde si à la dernière consultation de la grossesse avant l’accouchement, il n’y a pas de facteur anormal qui indique une césarienne programmée. Dans ce cas, on donne des conseils avisés à la femme qu’on appelle la préparation à l’accouchement. C’est un certain nombre d’informations pour que la femme puisse identifier un danger qui puisse l’amener en salle d’accouchement, qu’elle puisse savoir à quel moment propice elle doit se rendre en salle d’accouchement. Une fois que la femme est en salle de naissance, après un examen et l’ouverture d’un dossier, son travail va être suivi à travers un partogramme. Ce partogramme contient un certain nombre d’informations qu’on renseigne et qui permettent de savoir si le travail se déroule bien, sans conséquence pour la mère et/ ou l’enfant. Il permet aussi d’établir le pronostic de l’accouchement chez la femme qui est en travail et si à un moment donné, il y a des anomalies qui se présentent, le partogramme doit les signaler et à partir de cela, on peut prendre soit des mesures médicales pour corriger l’anomalie soit être obligé d’interrompre le cours du travail et réaliser une césarienne parce qu’on a des signes qui le demandent.

Nos centres de santé disposent-ils de matériels adéquats pour la prise en charge des accouchements par césarienne ?

Sur toute l’étendue du territoire dans tous les hôpitaux de référence, il y a tout ce qu’il faut pour réaliser une césarienne.

L’on a tendance à croire que c’est une pratique qui devient fréquente, qu’est-ce qui explique cela ?

Cela est une impression. Mais laissez-moi vous dire que le Burkina même n’a pas encore atteint le seuil minimum qu’il faut pour que l’on dise qu’on utilise la césarienne pour sauver la vie des femmes. Sur le plan national, nous sommes à un maximum de 2% de taux de césarienne en population. Or, nous devons atteindre un taux qui doit être entre 5 et 10%. C’est pour dire que beaucoup de femmes souffrent et meurent parce qu’elles n’ont pas accès à la césarienne. L’impression est aussi due à l’amélioration des infrastructures routières dont la disponibilité des ambulances qui permet de voir les cas qui ont besoin de faire une césarienne. Or, dans les années antérieures, quand les infrastructures n’étaient pas bonnes, l’on ne voyait pas ces cas. Des femmes mouraient avec leur grossesse ou accouchaient de morts-nés.

Le premier accouchement d’une femme par césarienne signifie-t-il que toutes ses autres grossesses seront par césarienne ?

Non, tout dépend de l’indication. Car, il y a des indications temporaires, conjoncturelles et celles permanentes de césarienne. L’indication permanente signifie que cette femme ne peut accoucher que par césarienne. Si l’indication était conjoncturelle, dans le cas de la grossesse future qui doit se réaliser dans un intervalle de 3 ans au minimum, on laisse la femme rentrer en travail s’il n’y a pas de problème autre qui s’ajoute à la cicatrice du périnée et on surveille pour savoir si elle peut accoucher par voie basse. Il y a des situations telles les anomalies du bassin, c’est-à-dire que la femme est née avec un bassin très petit qui ne permet pas au mobile fœtal de passer. Donc, chez cette dernière, on ne peut rien faire pour modifier la largeur de son bassin et automatiquement, elle est condamnée à accoucher définitivement par césarienne. C’est ce cas qui est appelé indication permanente. Aussi, une femme qui a déjà eu deux ou trois césariennes d’affilées, successives, et doit encore en avoir, a des indications permanentes de césarienne.

Un enfant né par césarienne a-t-il les mêmes chances de survie que celui né par voie basse ?

Absolument ! A ce niveau, il n’y a pas de problème, car ils auront la même intelligence pour leur croissance et pour réussir dans la vie.

Alors quelles sont les conséquences de cette méthode chez l’enfant ainsi que chez la mère ?

Ce sont déjà les conséquences de l’anesthésie, car elle est sans risque du fait qu’on ouvre l’abdomen et il peut survenir des complications chirurgicales.

Autre chose ?

Il faut dire qu’aujourd’hui, nous avons une chance d’accéder à la césarienne pour sauver des vies chez des femmes qui en ont besoin. Grâce à l’avènement de la politique nationale de gratuité des soins au profit des femmes enceintes et des enfants de moins de 5 ans, la mise en œuvre de cette politique permet de réduire la souffrance des femmes à travers la levée de toutes les barrières financières de l’accès aux soins. Au CHU de Bogodogo, au cours de l’année 2018, nous avons réalisé 2 636 césariennes sur un total d’accouchement de 7 430 et toutes celles-ci ont été gratuitement réalisées grâce à la politique de gratuité de soins du gouvernement et à la pharmacie hospitalière du ministère de la Santé. Cette politique est tout à fait originale au niveau du Burkina, parmi l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest, et cela est salutaire. Cette offre gratuite à eu sa mesure d’accompagnement rien qu’à la fin de l’année 2018, qui est la gratuité des méthodes contraceptives.

Interview réalisée par Valérie TIANHOUN


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