HomeA la uneLe président Kenyan devant la CPI :Une victoire de Uhuru livrerait les populations aux princes régnants

Le président Kenyan devant la CPI :Une victoire de Uhuru livrerait les populations aux princes régnants


Le destin des populations africaines se joue actuellement au tribunal international de La Haye (Pays Bas) où, d’ici fin 2014, les juges devront décider du sort du Chef de l’Etat kényan. Devra-t-on poursuivre ou non Uhuru Kenyatta pour crimes contre l’humanité, commis lors des violences post-électorales au Kenya en 2007-2008 ?

 

Si Uhuru est blanchi, ce sera un précédent dangereux

 

Ces violences post-électorales avaient fait officiellement plus de 1000 morts et plus de 600 000 déplacés. Des gens qui croyaient pouvoir bénéficier d’un minimum de liberté pour exprimer leurs frustrations. Tous victimes d’un système inique. Or, tant à Nairobi qu’à La Haye, certains semblent vouloir persister à occulter ces faits que la conscience universelle réprouve ! Passer sous silence de telles exactions, ne reviendrait-il pas à encourager dans leurs forfaitures, tous ceux qui se croient au-dessus des lois ? La thèse de l’accusation se comprend donc aisément. Elle se justifie même pleinement. En outre, Fatou Bensouda, la procureure, se devait de défendre la ligne de la CPI qui joue sa crédibilité. L’audience de mercredi dernier avait pour objet d’examiner la requête de report formulée par l’accusation, de même que la demande de la défense d’abandonner les poursuites. Uhuru Kenyatta avait déjà comparu une première fois devant la CPI. C’était bien avant son élection de mars 2013. Afin de répondre à la récente convocation du tribunal international, il avait dû déléguer ses pouvoirs à son vice-président William Ruto, également poursuivi par la CPI depuis septembre 2013.

A plusieurs reprises, le procès de Uhuru Kenyatta a été reporté, le temps que l’accusation puisse accumuler les preuves. Peine perdue : L’accusation reconnaît ne pas avoir assez de preuves pour un procès contre l’intéressé. Elle soutient que le Kenya ne coopère pas à l’enquête, et que des témoins se sont rétractés après avoir été intimidés. La procureure Fatou Bensouda accuse Nairobi de refuser, entre autres, de lui transmettre des relevés bancaires ou téléphoniques, lesquels, selon elle, pourraient prouver la culpabilité du président kényan. La défense du président Uhuru a profité de l’absence de preuves pour demander l’abandon des poursuites.

Eu égard aux limites de la Justice internationale, il y a de quoi se demander si vraiment se tiendra un jour ce procès tant espéré de Uhuru Kenyatta ? En tout cas, si l’on n’y prend pas garde, de conciliabules en conciliabules, on finira par libérer le chef de l’Etat kényan des charges pesant contre lui. Et si Uhuru est blanchi, en dépit de toutes ces obstructions à  la justice dont le pouvoir kényan est accusé, ce sera un précédent dangereux. En effet, une telle décision ferait école ; elle condamnerait les populations, face aux abus des dictateurs africains.

Dans cette affaire, les juges doivent avoir constamment à l’esprit : la nécessité de dire le droit, l’avenir du premier Chef d’Etat en exercice qui a été interpellé, et la crédibilité de la Cour pénale internationale (CPI) dont les ennemis sont nombreux. Plus que tout, il s’agira ici de trancher en faveur ou non des intérêts des peuples africains. En effet, ceux-ci sont en lutte pour plus de liberté et de démocratie.

 

Il est temps que l’Afrique tourne la page de l’impunité

 

Agir de manière à absoudre l’actuel Chef de l’Etat kényan, signifierait tracer une voie royale, et donc dresser le tapis rouge devant tous ces dirigeants africains qui n’ont que du mépris pour les peuples qu’ils gouvernent.

Certes, le fait de se rendre à la CPI traduit un certain volontarisme. Mais, cela ne disculpe aucunement le président Uhuru Kenyatta que ses partisans voudraient présenter aujourd’hui  en victime. La campagne de dénigrement qui se mène en sa faveur depuis déjà assez longtemps, n’a rien d’innocent. Un redoutable travail pédagogique a été mené au Kenya, tendant à condamner la CPI, et à faire  occulter le macabre bilan qui est celui du candidat Uhuru Kenyatta cherchant coûte que coûte à accéder au pouvoir. Maintenant qu’il y est parvenu, on voudrait continuellement le maintenir sur son piédestal. Le Kenya et l’Afrique devraient avoir honte du spectacle qui s’offre à leurs yeux !  Au rythme auquel se passent les choses, il faut craindre de lire à la rubrique des pertes et profits de la campagne présidentielle, le bilan macabre des violences post-électorales.  Serait-on devenu complaisant à l’égard du fils du père de l’indépendance du Kenya, Jomo Kenyatta ? Si oui, ce serait un précédent dangereux, puisqu’on en viendrait à abandonner les populations entre les mains d’un chef d’Etat au placard rempli de cadavres. Celui-ci aura tout fait pour accéder au pouvoir ; et il fera probablement tout pour se maintenir à la tête du Kenya. Comme tant d’autres de ses pairs sur le continent !

Cet homme qui se présente devant les juges internationaux, doit en avoir sur la conscience. Lui et ceux qui le défendent doivent se montrer plus respectueux des morts. L’idéal, c’est de redonner leur place aux victimes et à leurs parents. Dans cette optique, il faudrait parvenir à identifier et protéger les témoins. D’où l’intérêt de la contribution de la société civile dont il faut déplorer l’inertie. Quelle est la part réelle de la société civile kényane au dossier ? Un travail souterrain a peut-être pu être effectué. Mais, concrètement, que fait-on pour aider les familles des victimes à recouvrer  pleinement leurs droits ? Ses sorties devraient viser davantage le soutien inconditionnel aux victimes, la recherche de la vérité et partant, la quête d’une justice implacable.

Car, sans aucun scrupule, l’on a orchestré une campagne à l’intérieur du pays, tendant à démontrer méthodiquement que l’on agresse le Kenya et son président. La CPI est ainsi présentée comme l’ennemi à combattre. On se préoccupe plus de ternir l’image d’une institution qui lutte contre l’impunité, et tente, à sa façon, de réhabiliter le continent et de protéger ses populations des griffes de dictateurs sans foi ni loi. Il est temps que l’Afrique tourne la page de l’impunité. Ce continent est depuis longtemps en quête de dirigeants propres, bien élus, plus soucieux de défendre les intérêts des peuples et de combler leurs attentes. Plus personne ne veut de tortionnaires et de régnants à vie.

 

« Le Pays »


No Comments

Leave A Comment