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PRESIDENTIELLE 2020 EN RCI


 A quel jeu joue Guillaume Soro ?

Le dimanche 22 juillet 2018, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, était sur le plateau de notre confrère RFI. A l’occasion, il a répondu à plusieurs questions touchant à l’actualité de son pays. Evoquant son avenir politique, l’ex-chef de la rébellion ivoirienne a laissé entendre ceci : « Je réfléchis à ma candidature à la présidentielle de 2020 ». Cette phrase, qui intervient dans un contexte marqué par la guerre de succession au sein du RDR (Rassemblement des Républicains) et la déchirure consommée au sein des héritiers de Houphouët Boigny, alimentera à coup sûr le débat politique en Eburnie pendant un certain temps. En tout cas, du côté de la lagune Ebrié, cette phrase sera analysée sous toutes ses coutures, au regard de l’importance de l’homme sur l’échiquier politique.

Guillaume Soro est conscient que ses camarades du RDR   le perçoivent comme un militant de la 25e heure

A moins de deux ans de la présidentielle ivoirienne, l’on peut tenter de décrypter cette sortie de Guillaume Soro, dans un premier temps. Dans un second, nous évaluerons les chances de l’homme de succéder à Alassane Dramane Ouattara (ADO) dans l’hypothèse où il serait partant pour la présidentielle de 2020. Pour revenir à la phrase qui nous intéresse et selon laquelle Guillaume Soro dit réfléchir à sa candidature à la présidentielle de 2020, il faut dire tout de suite qu’elle admet deux scénarios. Le premier est celui qui placera Guillaume Soro sur la ligne de départ pour 2020. Et beaucoup d’éléments permettent de donner du crédit à ce scénario. D’abord, ce n’est pas la première fois que Guillaume Soro envisage cette éventualité. Lors d’une interview qu’il avait accordée à Jeune Afrique, il avait dit qu’il n’excluait pas cette possibilité. Ensuite, Guillaume Soro est conscient que ses camarades du RDR, notamment ceux qui font partie de ses détracteurs, le perçoivent comme un militant de la 25e heure. De ce fait, pour eux, il n’est pas question que ce « parachuté », voire ce « parvenu », puisse défendre les couleurs du parti à l’occasion de la présidentielle de 2020. L’un des grands tenants de cette thèse est incontestablement l’actuel Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Et dans cette guerre pratiquement ouverte entre les deux frères du Nord, Alassane Dramane Ouattara semble avoir fait le choix de l’enfant de Korhogo. Il est donc fort probable que ce fidèle parmi les fidèles de ADO, ce militant de la 1re heure du RDR, soit le poulain de l’actuel locataire du palais de Cocody et ce, avec la bénédiction des militants historiques du parti et celle de la fraction dissidente du PDCI/RDA (Parti démocratique de Côte d’Ivoire/Rassemblement démocratique africain). Tous ces éléments d’analyse ne laissent pas d’autre choix à Guillaume Soro, que celui de claquer la porte du RDR et de se présenter in fine en tant que candidat indépendant à la présidentielle de 2020. D’ailleurs, il n’a pas manqué, à toutes ses sorties, de souligner que le fait de ne pas être porté par un parti, ne constitue pas un handicap. A l’appui de cette thèse, il a pris l’exemple de l’actuel président béninois, Patrice Talon. Le deuxième scénario que l’on peut tirer de la phrase de Guillaume Soro, pourrait être le suivant.

Ce pourrait être par stratégie politique, que Guillaume Soro a laissé planer la menace de son éventuelle candidature

L’homme a lâché cette phrase non pas parce qu’il est animé par un réel désir de briguer la magistrature suprême en 2020, mais parce qu’il veut signifier à ses camarades du RDR de le traiter avec beaucoup plus de considération, car il n’a pas encore dit son dernier mot. Et qui connaît l’homme,   sait que malgré les vicissitudes qu’il a connues, il garde encore une capacité de nuisance. Laurent Gbagbo l’a appris à ses dépens. Et l’actuel président sait qu’il lui doit en partie son avènement au pouvoir. De ce point de vue, Guillaume Soro n’est pas un homme politique que l’on peut enterrer à la hâte. Ce message, il veut que tout le monde l’entende, à commencer par ses  camarades du RDR. Ce pourrait être donc par stratégie politique, que Guillaume Soro a laissé planer, peut-on dire, la menace de son éventuelle candidature à la présidentielle. C’est à ce jeu qu’il pourrait jouer, pour assurer sa survie politique. Cela dit, l’on peut tenter d’évaluer les chances de réussite de Guillaume Soro, dans l’hypothèse où il se déciderait effectivement à briguer la présidentielle de 2020. A la faveur de la rébellion dont il a été le chef, Guillaume Soro a pu tisser un important réseau de relations et d’amitiés. Il en a également profité pour faire fortune. Or, tout le monde sait que cet argument   compte dans les élections en Afrique.

Mais dans le même temps, le passé de rebelle de Guillaume Soro peut militer contre lui. En effet, pendant cette longue période trouble de l’histoire de la Côte d’Ivoire, ses hommes ont commis des atrocités. Et politiquement, Guillaume Soro en porte la responsabilité. Ce passé pourrait être instrumentalisé contre lui, dans l’hypothèse où il lorgnerait le fauteuil de président de la République. Et comme en politique, la gratitude est un vain mot, Alassane Dramane Ouattara pourrait se servir de ce passé pour lui barrer la route. A cela, il faut ajouter le fait que l’actuel président pourrait  le lâcher dans l’affaire du putsch manqué au Burkina, dans lequel on dit qu’il serait impliqué. De ce point de vue, on peut dire que Guillaume Soro marche sur des œufs et il en est conscient. En réalité, Guillaume Soro n’a pas d’amis, mais des intérêts. C’est cette logique qui l’avait conduit d’abord à se lier à Laurent Gabgbo, puis à Alassane Dramane Ouattara. Aujourd’hui, si la situation politique l’exige, il n’est pas exclu qu’il signe un pacte avec le FPI et le PDCI, dans la perspective de la présidentielle de 2020. Et dans cette éventualité, il peut faire mal au RDR.

« Le Pays »


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