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PRESIDENTIELLE AU NIGERIA


 Le Général Buhari aura fort à faire

Le paysage politique nigérian a été assez mouvementé la semaine dernière avec des annonces de candidatures pour la prochaine présidentielle. On en sait donc un peu plus sur les grandes figures qui iront à la conquête du Aso Rock Presidential Villa, du nom du palais présidentiel nigérian, en février 2019. En effet, si le parti au pouvoir, le congrès des progressistes (APC), a désigné, le samedi 6 octobre, le président Muhammadu Buhari comme son candidat, le parti démocratique du peuple (PDP), la principale formation de l’opposition a, quant à elle, porté son choix sur le richissime homme d’affaires, Atiku Abubakar, à l’issue d’une primaire serrée organisée le même week-end. Et ce n’est pas tout. Le dimanche 7 octobre, les Nigérians ont entendu parler d’une candidature qui sort de l’ordinaire. Celle de Obiageli Ezekwesili, ancienne ministre de l’Education, co-fondatrice du célèbre mouvement «Bring Back Our Girls» qui lutte pour la libération des 270 lycéennes enlevées à Chibok par Boko Haram. Son intention de briguer la magistrature suprême du pays le plus puissant d’Afrique de l’Ouest, vient ainsi bousculer la tradition qui était, jusque-là, la bipolarisation de la vie politique animée par l’APC et le PDP. Il est quand même rare qu’une femme affiche une telle ambition présidentielle dans le pays le plus peuplé d’Afrique. Et eu égard à sa fulgurante cote de popularité, c’est peu de dire qu’il faudra compter avec elle pour le scrutin présidentiel de 2019.

Cela dit, si la tradition électorale devrait être respectée au Nigeria,  à savoir l’alternance géo-religieuse entre le Nord et le Sud, le président Muhammadu Buhari, originaire du Nord, ne devrait pas se faire du souci pour rempiler. Mais voilà, pour la prochaine présidentielle, les choses sont différentes. Contrairement aux habitudes, il se trouve que le candidat du parti au pouvoir et celui de l’opposition sont tous les deux musulmans et ressortissants du Nord.

Le candidat-président traîne un boulet

S’il est vrai que les pronostics sont généralement favorables aux présidents sortants, pour la présidentielle de février 2019, le candidat-président traîne tout de même un boulet. Il s’agit de sa santé chancelante qui lui vaut de nombreuses absences du pays pour des soins à Londres, donnant ainsi du grain à moudre à ses adversaires. Et comme pour ne rien arranger, le président Buhari n’a pas pu relever le défi de la lutte contre la corruption. C’est dire si l’opposition nigériane ne manquera pas de matière ; elle qui, depuis peu, juge le chef de l’Etat incapable. Le moment venu, elle pourrait surfer sur la fragile santé du natif de Maïduguri qui, pour gagner les élections qui se profilent à l’horizon, aura besoin du soutien du Sud-Ouest, dominé par le groupe ethnique Yorouba. Mais  le problème est que depuis un certain temps, il ne file plus le parfait amour avec le principal leader politique de cette partie du pays, à savoir l’ancien président Olusegun Obasanjo qui a plutôt pris ses distances. Et qui s’est depuis lors rapproché beaucoup plus du candidat de l’opposition, Atiku Abubakar. Ce qui est à même de troubler le sommeil du Général Buhari qui aura fort à faire. Par ailleurs, sur le plan sécuritaire, le chef de l’Etat qui n’a pas été à la hauteur de sa promesse de casser du Boko Haram mais qui avait fait de la libération des filles de Chibok, son cheval de bataille, ne se privera pas d’en récolter des dividendes politiques. Seulement, il aura en face de lui, Obiageli Ezekwesili, le leader du mouvement « Bring Back Our Girls » qui ne va pas manquer, elle aussi, de surfer sur ce dossier. Au-delà de l’exploitation politique que les différents challengers pourront faire de l’affaire des filles de Chibok, Obiageli Ezekwesili pourrait avoir d’autres arguments pour avoir la faveur des électeurs. Son relatif jeune âge (55 ans) par rapport aux deux dinosaures, Buhari (75 ans) et Abubakar (71 ans), tous dans les startings-blocks, pourrait être un avantage comparé pour bénéficier du vote de la jeunesse. Encore plus, les Nigérians qui, depuis belle lurette, ont toujours eu affaire à des présidents gloutons, pourraient décider de jouer la carte d’une présidence féminine quand on sait que les femmes sont généralement reconnues pour leur gestion rigoureuse des finances. Certes, l’ancienne ministre de l’Education apparaît comme une battante mais eu égard aux pesanteurs socio-culturelles qui sont celles du Nigeria, ses chances de se voir à la tête de ce géant pays peuvent être compromises. Mais quel que soit le score qu’elle aura à engranger, on peut dire que sa candidature va éveiller les consciences. En tous les cas, nous sommes encore à quatre mois de ce scrutin présidentiel qui s’annonce palpitant et beaucoup d’eau pourrait couler sous les ponts d’ici là. Pour tout dire, les jeux restent ouverts.

Drissa TRAORE


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