HomeA la unePRESIDENTIELLE BURUNDAISE : Le Burundi peut brûler pour Nkurunziza  

PRESIDENTIELLE BURUNDAISE : Le Burundi peut brûler pour Nkurunziza  


Dans bien des pays africains et notamment ceux des Grands lacs et de l’Afrique centrale, les échéances électorales sont vécues par les populations avec la peur au ventre. C’est le cas du Burundi de Pierre Nkurunziza. En effet, à quelques encablures de l’élection présidentielle, ce dernier entretient un flou artistique sur ses véritables intentions. Mais le simple fait d’afficher cette attitude est suffisamment révélateur du plan qu’il est en train d’ourdir contre les accords d’Arusha qui, en principe, lui interdisent de rempiler pour un  3e  mandat. Si Nkurunziza se sentait lié par la signature qu’il avait apposée sur ce document, il aurait coupé court à toutes les suspicions par une prise de parole publique, allant dans ce sens et ce d’autant plus que les choses sont devenues imminentes. La preuve qu’il n’est pas dans cette logique est non seulement le silence parlant qu’il observe sur son éventuelle participation à la compétition, mais également les actes posés par ses partisans.

L’on peut craindre le pire pour le pays

En effet, pas plus tard que le 11 avril dernier, ceux-ci ont battu le macadam à Bujumbura pour non seulement l’unité du parti de  Nkurunziza, le CNDD-FDD au sein duquel l’on enregistre déjà une vive contestation au sujet d’une éventuelle nouvelle candidature du chef de l’Etat sortant à la présidentielle, mais aussi pour témoigner leur soutien indéfectible à leur mentor. A cette manifestation à laquelle l’on notait une forte participation des éléments de la Ligue des jeunes du parti, ces fameux imbonerakure issus des rangs de l’ex-rébellion hutu, des menaces ont été proférées contre les organisations de la société civile, l’opposition, les cadres frondeurs du parti présidentiel, bref contre tous ceux qui clament haut et fort que Nkurunziza est disqualifié pour prendre part à la présidentielle à venir. Sachant que les zélateurs de ce pasteur de président ne sont pas des enfants de chœur, et au regard du fait que le Burundi semble abonné à la violence dans son histoire politique, l’on peut craindre le pire pour le pays. Déjà, des Burundais, qui redoutent certainement ce scénario, ont préféré traverser la frontière pour se mettre à l’abri au Rwanda voisin. Mais Pierre Nkurunziza n’en a cure. Car pour lui, ses intérêts personnels passent avant ceux du Burundi. Il donne l’impression d’être tellement dans cette posture que l’on  peut avoir le sentiment qu’il prépare un bûcher pour son pays. Et le bûcher sera d’autant plus incandescent et dévastateur qu’aux questions politiques pourraient se greffer des questions liées à la sempiternelle haine entre les Hutu et les Tutsi. Comme Nkurunziza donne actuellement l’impression de faire feu de tout bois pour s’éterniser au pouvoir, il pourrait n’avoir aucun scrupule à raviver le clivage ethnique à cet effet. Pourtant, une autorité morale que constitue l’Eglise catholique avait déjà prévenu l’homme contre le danger auquel il expose le pays, au cas où il passerait outre les  accords d’Arusha pour briguer de nouveau un mandat présidentiel. Et l’Eglise catholique n’a pas été la seule structure à en appeler à la sagesse et au renoncement de Pierre Nkurunziza. Certains de ses camarades du parti l’ont fait de manière explicite. Son prédécesseur et homonyme Pierre Buyoya, un des signataires des accords d’Arusha grâce auxquels, rappelons-le, le pays a connu une relative stabilité, l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) ont donné de la voix pour inviter l’homme à renoncer à une éventuelle participation à la présidentielle à venir. Mais rien n’y fît.

L’on doit déjà écraser une larme pour les populations burundaises

Pierre Nkurunziza semble n’avoir rien à cirer de toutes ces interpellations. Car, pour lui – et tous les dictateurs ont cela dans leur gêne – son pays ne peut pas s’offrir le luxe de se séparer de ses services. En « bon pasteur », il tient certainement, peut-on dire, ce rôle d’unique sauveur du Burundi, d’une révélation à lui faite par le Saint Esprit. Décidément, l’Afrique, par le comportement irrationnel et absurde de certains de ses dirigeants, ne cessera jamais d’être la risée des autres. Malheureusement, ce n’est pas demain la veille où l’on pourrait s’attendre à ce que les choses s’inversent dans cette partie du continent, c’est–à-dire la région des Grands lacs et l’Afrique centrale, où la démocratie est systématiquement torturée. En effet, Paul Kagamé, Joseph Kabila, Denis Sassou N’guesso, Yoweri Museveni, Pierre Nkurunziza, et l’on en oublie, donnent l’impression d’avoir signé un pacte en lettres d’or pour assassiner la démocratie dans leurs pays respectifs. Tous autant qu’ils sont, contrairement à certains de leurs homologues de l’Afrique de l’Ouest, sont de redoutables prédateurs de la démocratie. Et ce ne sont ni leurs oppositions ni les timides appels à la modération et à la sagesse de la communauté internationale qui peuvent les contrarier dans leur boulimie du pouvoir. Le salut pourrait venir de leurs peuples et des organisations de la société civile. Ce sont eux, en effet, qui pourraient donner l’assaut décisif à ces forteresses de la dictature d’un autre âge, érigées au cœur de l’Afrique et dans la région des Grands lacs. En attendant ce sursaut que tous les Africains démocrates doivent  souhaiter, l’on doit déjà écraser une larme pour les populations burundaises, elles qui, de part le passé, ont expérimenté les dures réalités de l’exil massif consécutif aux dérapages de leurs hommes politiques et qui vivent aujourd’hui dans une angoisse éprouvante, rien qu’à penser à la présidentielle à venir. Et cette frayeur est alimentée par Nkurunziza et ses zélateurs. Ces derniers, pourtant, devraient se convaincre d’une chose : s’il venait à pleuvoir sur le Burundi, comme il a déjà plu sur  le Burkina, leur mentor n’aura aucune difficulté de se tirer d’embarras en se mettant à l’abri hors du Burundi, solidarité entre dictateurs oblige. Pendant ce temps, eux resteront au pays où ils seront contraints de rendre compte de leur gestion des affaires publiques. En sont-ils seulement conscients ? Rien n’est moins sûr. Car, pour eux, ce scénario n’arrive qu’aux autres.

« Le Pays »


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