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PRESIDENTIELLE EN GUINEE


Ce dimanche, 18 octobre 2020, la Guinée ouvre le bal des présidentielles sous fortes tensions sociopolitiques de ce dernier trimestre de l’année 2020. Et pour cause. Jusqu’au bout, l’opposition et le Front national de défense de la Constitution (FNDC) auront contesté la candidature du président sortant, Alpha Condé, à un troisième mandat. Jusqu’au bout, ce dernier aura tenu à cette candidature validée au forceps, après un référendum constitutionnel contesté, organisé dans un contexte de Covid-19, au moment où la communauté internationale faisait des pieds et des mains pour trouver  un modus vivendi entre les frères ennemis guinéens qui étaient à couteaux tirés sur la question depuis plusieurs mois. Résultat des courses au moment du bilan avant scrutin, de l’opposition : près d’une centaine de Guinéens envoyés ad patres dans les manifestations anti-troisième mandat qui ont rythmé la vie du pays un an et demi durant. C’est dire si plus que toute autre chose, le scrutin de dimanche s’annonce comme le couronnement du combat d’un homme, Alpha Condé, que rien n’aura réussi à arrêter dans sa volonté de s’ouvrir un pouvoir à vie, au grand dam de nombre de ses compatriotes  dont les espoirs de voir leur pays désormais solidement arrimé à la vraie démocratie, ont été douchés par ce déni d’alternance que veut leur imposer un vieillard boulimique du pouvoir après deux quinquennats successifs.

 

 

Rien ne dit que Cellou Dalein Diallo n’a pas ses chances dans ce scrutin

 

Dans ces conditions, Condé est-il encore capable d’être fair-play au cas où il viendrait à perdre ces élections ? Rien n’est moins sûr. Car, à voir de près, il n’est pas difficile de se convaincre que le locataire du palais Sékoutoureya a déblayé le chemin de la contestation, semé la graine de son troisième mandat  dans le terreau du référendum constitutionnel, pour mieux récolter les fruits de la victoire d’une parodie de démocratie, sans coup férir. Autrement, si le chef de l’Etat guinéen était véritablement un démocrate dans l’âme, d’abord, il n’aurait pas commis l’impair de tripatouiller la Constitution de son pays, pour briguer un troisième mandat. Ensuite, il n’aurait pas versé le sang de ses compatriotes pour briguer un mandat indu à tous points de vue. Enfin, il aurait écouté la voix de son peuple qui lui demandait de ne pas faire le pas de trop dans la mauvaise direction. Hélas ! Mille fois hélas !  Ne tirant pas sagesse de son âge, l’octogénaire président sera resté sourd à tous les appels à la raison, obnubilé par la seule volonté de se succéder à lui-même pour régner ad vitam aeternam sur la Guinée. Mais après ce premier virage raté avec l’histoire de son pays, sera-t-il capable d’éviter d’en rater un second en montrant un attachement au verdict des urnes même si ce dernier venait à lui être défavorable ?  Bien malin qui saurait le dire. Car, pour peu que les choses se passent dans la transparence, rien ne dit que Cellou Dalein Diallo n’a pas ses chances dans ce scrutin. S’il a pu mettre Condé en ballotage défavorable en 2010, il n’est pas exclu qu’il puisse rééditer l’exploit et transformer l’essai. Et ce serait une belle revanche sur l’histoire, s’il réussissait dans les urnes,  ce que lui et ses camarades n’ont pu obtenir par la rue, à savoir barrer la route à la forfaiture de Condé.

 

Le plus grand défi qui reste à présent, c’est la tenue du scrutin dans le calme et la retenue

 

Mais à voir toute l’énergie débauchée par le natif de Boké, tout porte à croire que seule la victoire compte à ses yeux. C’est pourquoi l’on a des raisons de croire que le Professeur ne se voit certainement pas échouer si près du but. Surtout après avoir bravé tant de manifestations à l’intérieur, supporté des pressions diplomatiques venant de l’extérieur, allant même jusqu’à snober une mission de haut niveau de la CEDEAO qui voulait jouer les bons offices au moment où le bateau battant pavillon Guinée, tanguait dangereusement.   Cela dit, dans une Guinée où les tensions communautaires ont pignon sur rue, on peut dire que malgré les couacs observés par-ci par-là, il y a eu globalement plus de peur que de mal au cours de la campagne qui s’est relativement bien passée, eu égard au contexte de forte tension dans lequel elle s’est ouverte, faisant craindre le pire pour ce pays où les djinns de la violence sont toujours prompts à sortir de leur bouteille. Mais le plus grand défi qui reste à présent, c’est la tenue du scrutin dans le calme et la retenue, et surtout l’acceptation des résultats par toutes les parties. L’enjeu étant la transparence et la liberté de vote des électeurs pour ce qui peut encore rester comme crédibilité à ce scrutin contesté, eu égard aux événements de Kankan où le chef de file de l’Opposition avait été bloqué pendant la campagne. Tout cela n’est pas gagné d’avance. D’autant que l’on ne sait pas, d’une part, ce que réserve, comme baroud d’honneur, le FNDC qui est visiblement en train de perdre la partie dans la  contestation du troisième mandat de Condé. Et que d’autre part, l’opposant Cellou Dalein Diallo qui a choisi de s’aligner sur la ligne de départ, est toujours dans la contestation du fichier électoral et craint des fraudes. C’est dire si au-delà de la candidature contestée d’Alpha Condé,  les ingrédients d’une crise post- électorale sont réunis. Mais il faut éviter à tout prix, d’en arriver à des empoignades.  En tout cas, tout le mal que l’on souhaite à la Guinée, c’est que malgré ces gros nuages noirs qui se forment dans le ciel de Conakry, le scrutin du dimanche se déroule dans le calme et la sérénité. Il y va de l’intérêt du pays.

 

 « Le Pays »


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