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PRESIDENTIELLE EN RDC


 La semaine de toutes les incertitudes et angoisses

A quelques jours de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), une course contre la montre est engagée par les responsables de la commission en charge de l’organisation des  élections, pour régler les derniers détails du premier scrutin libre et indépendant dans l’histoire du pays. Des doutes subsistent, en effet, sur la tenue effective de l’élection à bonne date, c’est-à-dire le 23 décembre prochain, depuis que l’entrepôt de la CENI dans la commune de la Gombe, à Kinshasa, est parti en fumée dans la nuit de mercredi à jeudi de la semaine écoulée, avec 8 000 machines préalablement destinées aux bureaux de vote. Comment le président de la CENI, Corneille Nanga, et son équipe vont-ils procéder pour remplacer en si peu de temps ce matériel électoral détruit par des mains forcément criminelles, et par quelle magie pourront-ils convoyer les procès-verbaux dont on dit d’ailleurs qu’ils sont en nombre largement insuffisant, dans les 80 000 bureaux de vote disséminés sur ce pays-continent dépourvu d’infrastructures routières et de moyens de transport aérien dignes de ce nom ? Il faut vite se rendre à l’évidence qu’il s’agit là d’un casse-tête…congolais, probablement voulu et créé par le pouvoir en place afin de justifier un éventuel décalage du scrutin. Cette hypothèse, même si elle est difficile à documenter ou à prouver, n’est pas vide de sens, surtout quand on sait que la sérénité n’est plus de mise dans le camp du parti  de Joseph Kabila Kabengué depuis que l’un des candidats de l’opposition, Martin Fayulu en l’occurrence, crée des surprises en drainant d’impressionnantes foules à l’occasion de ses meetings de campagne. On comprend donc pourquoi en dépit des assurances données par les membres de la CENI et des messages de paix distillés sur les ondes et dans les villes et campagnes de la RDC par les différents candidats, la date du scrutin est, après la sécurité, le sujet le plus débattu dans le pays, à quelques jours de la date fatidique.

C’est comme si tout ce beau monde croisait les bras et observait le drame en gestation

De quoi rendre la campagne électorale toujours en cours davantage explosive, et faire de cette dernière semaine avant le scrutin, celle de toutes les angoisses et incertitudes, surtout quand on sait qu’au moins six personnes sont déjà mortes dans des manifestations brutalement réprimées par des alguazils à la solde du pouvoir. L’attaque, qui aurait été fort heureusement repoussée par la police et l’armée, hier à l’aube contre le matériel électoral dans la ville de Beni au Nord-Kivu, a fini de convaincre les plus sceptiques que toute la RDC est désormais sur le fil du rasoir, et l’enthousiasme suscité par le retrait de la course à la présidentielle du très taciturne Joseph Kabila, a fait place nette à la peur et à la déprime chez de nombreux Congolais qui rêvaient de mettre fin à près de deux décennies de domination du PPRD, la formation politique au pouvoir. Personne ne sait, en effet, de quoi demain sera fait dans ce pays gangrené par la violence armée et la corruption, et où les tenants du pouvoir sont « doués dans la répression et la mise en scène, mais absolument nuls dans l’écriture des scénarios ». Et l’inquiétude est d’autant plus grande que l’élection qui s’annonce est sans doute la plus ouverte et la plus indécise de toute l’histoire du Congo belge. Pour autant, dans ce pays où même les sondages sont corrompus, il n’y a pas de doute que c’est le candidat cornaqué par Joseph Kabila, Emmanuel Ramazani Shadari, qui sera jugé digne d’occuper le Palais de marbre, même si  l’opposition l’emportait dans les urnes. L’ambiance morose à Kinshasa et dans les autres villes du pays, à mesure que la date de l’élection approche, est symptomatique de la « guérilla urbaine » en préparation dans les différents états-majors des partis et dont le coup…de feu de départ sera donné dès que le président de la CENI, Corneille Nanga, aura mis fin au faux suspense en proclamant Shadari vainqueur d’une compétition que tout le monde sait pliée d’avance. Malheureusement, ni la communauté internationale qui semble se satisfaire du forfait de Kabila, ni l’Eglise catholique qui, apparemment, se garde de tirer sur l’ambulance en ce moment critique, encore moins la société civile qui est particulièrement ciblée par les extrémistes du pouvoir, ne sont aujourd’hui en mesure de prévenir ou d’exorciser le mal. C’est comme si tout ce beau monde croisait les bras et observait le drame en gestation, en souhaitant que le meilleur gagne, au terme des combats fratricides en perspective. Et comme en matière de répression et de brutalité, le parti au pouvoir n’a pas, pour ainsi dire, de challenger, il est évident qu’il ne va pas hésiter à faire taire toute forme de contestation, même s’il faut, pour cela, tirer à vue sur d’autres Congolais, comme il en a l’habitude. D’ailleurs, comment peut-il en être autrement quand on sait qu’un système n’a jamais succédé à un autre par les urnes en RDC, et que le régime en place ne règne que par la terreur depuis que Kabila-fils est entré frauduleusement dans l’histoire de ce pays, suite à l’assassinat de son père en janvier 2001 ? Pour limiter la casse, seule l’ONU qui dispose de troupes en nombre et en matériel suffisants sur le terrain, pourrait être l’unique recours. Mais là aussi et fort malheureusement, ses soldats se sont davantage illustrés dans les histoires de parties fines et de « bunga-bunga » avec les belles Congolaises, que dans la défense des populations civiles pour lesquelles ils sont censés être là. A vrai dire, toutes les recettes concoctées pour soigner ce grand malade qu’est le Congo ayant fait flop, il n’y a plus qu’à implorer la Providence pour qu’elle sauve ce pays des convoitises étrangères, mais surtout de l’inconséquence et de l’irresponsabilité de sa classe politique, à moins d’une semaine de cette élection présidentielle de tous les dangers.

Hamadou GADIAGA


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