HomeA la unePRESIDENTIELLE EXEMPLAIRE AU BURKINA : Ouagadougou, phare de la démocratie sur le continent

PRESIDENTIELLE EXEMPLAIRE AU BURKINA : Ouagadougou, phare de la démocratie sur le continent


 

Le 29 novembre 2015, les Burkinabè ont admirablement refermé la parenthèse de la Transition ouverte par l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a provoqué la chute de Blaise Compaoré, avec à la clé la tenue des élections couplées présidentielle et législatives dont tous les observateurs s’accordent  à saluer  l’exemplarité. En tout cas, quelque 24 heures après la proclamation des résultats provisoires, les Burkinabè peuvent être fiers d’eux-mêmes, pour avoir su montrer à la face du monde, leur maturité, à travers ce scrutin qui aura été une réussite sur toute la ligne : campagne civilisée, forte participation au scrutin qui s’est déroulé dans un climat apaisé, transparence dans le traitement des résultats, verdict donné en un temps record et accepté de tous, félicitations du gagnant par son principal challenger et d’autres concurrents, sans oublier le défi sécuritaire qui a été admirablement relevé par les forces de défense et de sécurité dans un contexte de menaces diverses. Et pourtant, ce ne sont pas les obstacles qui auront manqué tout au long des 13 mois de Transition. En effet, des balbutiements d’une équipe inexpérimentée au départ, au coup d’Etat du félon Général Gilbert Diendéré, les Burkinabè ont souvent frôlé le pire mais ont su montrer un bon exemple de courage, de ténacité voire d’union pour poser les jalons d’une société nouvelle, en rupture de ban avec l’ordre ancien. Aussi, sortir de cette Transition tumultueuse où l’adversité était pratiquement à chaque coin de rue, était déjà une victoire en soi pour les Burkinabè. Réussir les élections est alors une prouesse supplémentaire que le peuple vaillant du Burkina Faso a réussie et qu’il peut léguer en toute fierté aux autres nations du continent. Pour toutes ces raisons et sans chauvinisme aucun, Ouagadougou peut s’enorgueillir d’être désormais le phare de la démocratie sur le continent.

Roch Marc Christian Kaboré et son prochain gouvernement risquent de ne même pas bénéficier d’une période de grâce

Certes, il y a eu d’autres beaux exemples du genre de par le passé, comme au Ghana, au Bénin ou au Sénégal, mais ni l’esprit, ni le contexte, ni la démarche processuelle n’était du même ordre. Et sauf erreur de notre part, c’est la première fois sur le continent que le verdict d’une élection de cette envergure tombe dès le lendemain. C’est la preuve que le problème des longues attentes des résultats, n’est pas insurmontable en Afrique. Et Dieu seul sait combien cela a souvent été source de tiraillements sur le continent. Si le Burkina a réalisé cette prouesse, d’autres pays africains peuvent aussi le faire. C’est une question de choix et de volonté politique. Mais pendant que les démocrates du continent se réjouissent du succès de l’expérience burkinabè, ce sont les dictateurs et autres apprentis-tripatouilleurs de Constitutions qui grincent des dents. Toute chose qui rehausse davantage l’image du Burkina. Avec Thomas Sankara, le Burkina Faso avait retrouvé sa dignité. Après l’insurrection populaire d’octobre 2014, ce pays retrouve la plénitude de cette dignité, avec ces élections exemplaires. Cela est d’autant plus beau que le perdant a eu l’élégance, avant même la proclamation officielle des résultats par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), d’aller serrer la main de son challenger et le féliciter de vive voix. Chose suffisamment rare sous nos tropiques pour être soulignée. En tout cas, avec ces élections, les Burkinabè donnent, à leur corps défendant, une leçon de démocratie à beaucoup de peuples du continent voire au-delà. Maintenant que la Transition s’achève, voici venu la saison des grands défis pour le nouveau chef de l’Etat. Et la tâche s’annonce immense, vu le contexte particulier de l’insurrection qui a conduit à ces élections et les fortes attentes sociales des populations.  Et comme il n’a pas été avare en promesses de campagne, Roch Marc Christian Kaboré n’aura pas à chômer durant son quinquennat. En tout cas, vu le travail herculéen qui l’attend, lui et son prochain gouvernement risquent de ne même pas bénéficier d’une période de grâce. Pourtant, Dieu seul sait s’il hérite d’un champ de ruines, sur le plan de la morale et de la mal gouvernance, notamment qui ont caractérisé le régime déchu de Blaise Compaoré. L’enfant de Tuiré et son équipe auront la lourde tache de détricoter le mauvais coton qu’ils ont filé pendant de longues années avec l’ancien régime. Ils devront mettre un point d’honneur à ne jamais perdre de vue l’esprit de l’insurrection, s’ils veulent trouver grâce aux yeux des insurgés d’octobre 2014 qui les attendent de pied ferme au tournant. Il n’est pas permis de répéter les erreurs du passé. Sinon, la sanction risque d’être très sévère et  immédiate. D’autant plus que le peuple burkinabè n’est plus ce qu’il était il y a 27 ans. Aujourd’hui, ce peuple a un niveau de conscience politique suffisamment élevé pour ne pas se laisser mener en bateau. Il faut aussi compter avec une société civile hyper vigilante. Autant dire que le premier quinquennat du président Kaboré sera loin d’être une sinécure. Et si plus tard, il est tenté par un second mandat comme le lui autorise la Constitution, il lui faudra  travailler dur pour convaincre au-delà de sa chapelle politique.

Il faut espérer que l’exemple du Burkina fasse tache d’huile sur le continent

En tout état de cause, l’horizon 2020 n’est en rien sûr. Ni pour Roch, ni même pour certains vieux routiers de la faune politique burkinabè, en raison de la montée en flèche de jeunes loups aux dents longues, à l’image de Tahirou Barry qui, pour un coup d’essai, aura réussi à bousculer la hiérarchie pour se placer dans le tiercé de tête. En tout cas, à l’heure du bilan, cette présidentielle burkinabè est pleine d’enseignements. La première observation, est que l’implosion des partis au pouvoir peut accélérer l’alternance à la tête de certains Etats africains. Pour le cas du Burkina, en moins de deux ans d’existence, une formation politique comme le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) aura réussi à conquérir le pouvoir d’Etat par la voie des urnes. Ce succès peut s’expliquer par le fait que les mentors de ce parti,  entrés en dissidence avec leurs camarades de l’ex-parti au pouvoir, sont allés créer leur parti en ayant entre autres comme atouts une longue expérience de la gestion du pouvoir d’Etat. En plus, ils bénéficient d’une solide assise populaire au sein des masses, en plus des moyens financiers conséquents qui n’ont pas fait défaut, sans oublier l’expérience de terrain de ces mentors. C’est un secret de Polichinelle de dire que le trio Roch, Salif, Simon (RSS) a fortement contribué à asseoir durablement le pouvoir de Blaise Compaoré. Si l’on peut mettre une telle expertise à la disposition d’un tiers, il coule de source qu’à l’occasion, on l’utilisera pour soi-même en vue de s’assurer sa propre victoire. Salif Diallo, par exemple, s’il est réputé être un fin stratège politique, ne demeure pas moins un roublard aux yeux de beaucoup de ses compatriotes et adversaires politiques. Tout cela lui donne un certain ascendant sur ses adversaires politiques. Ce trio a donc osé la rupture pour donner de meilleures chances à l’alternance. En la matière, il faut espérer que l’exemple du Burkina fasse tache d’huile sur le continent. La deuxième observation, c’est qu’en dehors  du duo Roch-Zéphirin qui réunit à lui seul plus de 82% des suffrages, les scores squelettiques des autres concurrents qui ont récolté entre 0 et un peu plus de 3% des suffrages, doivent interpeller la classe politique dans son ensemble. Surtout que parmi eux, on compte des figures emblématiques de l’opposition dont certaines ne sont pas à leur première expérience électorale. En tout état de cause, pour cette élection présidentielle, il n’y aura pas eu  de faiseur de roi, la lutte entre les deux titans s’étant soldée par une victoire par un coup K-O. Finalement, s’il y a quelqu’un qui est en proie à bien des regrets, c’est sans conteste Blaise Compaoré dont le nouveau président avait longtemps été vu comme le dauphin par beaucoup de ses partisans, jusqu’au clash. S’il avait accepté de jouer le jeu de l’alternance, peut-être que cela lui aurait évité son humiliante perte du pouvoir. A présent, il peut constater avec amertume que son refus n’a pas pu empêcher l’accession de l’enfant du Ganzourgou au fauteuil de Kosyam. Une chose est sûre. La démocratie est en mouvement au Burkina Faso et ne saurait revenir en arrière. Qui s’y opposera risque de le payer  très cher. Tout le monde est averti.

« Le Pays »


Comments
  • Bonne analyse.
    Mais pour l’aspect concernant Blasie Compaoré, si on a la foi, on peut dire que DIEU sait ce qu’il fait. Un passage témoin par Blaise à Rock dans le cadre du CDP aurait été la continuité de la gouvernance à la Compaoré après avoir mistoutes les garanties en place. On aurait toujours les mêmes personnes à peu de choses près avec les mêmes pratiques et les mêmes arrogance. L’insurrection aura permis de faire élire Rock dans un climat plus mature et plus démocratique et de crever l’abcès du long règne de l’ancien régime. Il a plus de légitimité, mais également plus pression et de recevabilité envers le Peuple. Le défi est celui du nouveau Président sera celui d’avoir la capacité de transcender les mauvaises habitudes et mauvaises pratiques, d’accepter de mettre en place une justice équitable et libre et de permettre une ouverture économique à tous le peuple.

    2 décembre 2015

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