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PRESIDENTIELLE IVOIRIENNE : Eviter une crise préélectorale  


 

C’est dans 48 heures que les Ivoiriens connaîtront les noms des candidats à l’élection présidentielle du 25 octobre prochain, avec la publication de la liste définitive par le Conseil constitutionnel. Cette date du 10 septembre mettra donc fin aux supputations relatives au droit des uns et des autres à se porter candidat à la magistrature suprême en Côte d’Ivoire, mais il est fort probable qu’elle déclenche aussi la polémique, voire la contestation dont on ne connaît, a priori, ni la forme ni l’ampleur qu’elle pourrait prendre. Ce qu’on sait déjà en revanche, c’est que la campagne électorale s’ouvre sous de mauvais auspices, avec les mises en gardes et les menaces proférées par les transfuges du PDCI et les « ultras » du FPI de l’ancien président Laurent Gbagbo. Réunis au sein de la Coalition nationale pour le changement (CNC), ces opposants au régime de Alassane Ouattara font, depuis quelques semaines, feu de tout bois pour contraindre la coalition RHDP au pouvoir à la négociation pour des élections consensuelles, et, pour les plus radicaux, pour l’invalidation de la candidature du président sortant qui serait en porte-à-faux avec l’article 35 de la Constitution ivoirienne aux termes duquel tout candidat à l’élection présidentielle ne doit, entre autres critères, « s’être jamais prévalu d’une autre nationalité ».

Le pouvoir en place a du souci à se faire

On remet là au goût du jour la question de l’inéligibilité de Alassane Ouattara qui se serait prévalu dans une vie antérieure de la nationalité burkinabè, et l’on se rappelle que ce que certains ont qualifié « d’exclusion xénophobe à caractère ivoiritaire » avait plongé le pays dans une guerre civile dont les stigmates sont encore visibles. En rappel, l’actuel locataire du palais de Cocody avait été écarté de la course à la présidentielle en 1995 et en 2000 pour « nationalité douteuse », et n’a pu prendre part à celle de 2010 que grâce, pour ainsi dire, à la décision présidentielle consécutive aux accords inter-ivoiriens de Linas-Marcoussis consacrant la participation de tous les leaders politiques à la compétition. L’interprétation de ce « gentlemen-agreement » de 2003 est évidemment différente dans le camp présidentiel qui estime que cette décision, prise dans le contexte survolté de l’époque, n’est plus opposable au candidat Alassane Ouattara à l’élection de 2015, pas plus qu’elle ne l’a été en 2010. En tout état de cause, on pourrait  se demander si, légitimité pour légitimé, la fraction dissidente du parti de Laurent Gbagbo menée par Abou Drahamane Sangaré est fondée à exiger le retrait de la candidature du président Ouattara au motif qu’elle est illégale, d’autant qu’elle-même n’est pas reconnue par la loi et ne devrait pas, de ce fait, pouvoir se prévaloir ni du nom ni du logotype du FPI pour agir…en toute illégalité. Mais que feront les extrémistes nostalgiques du régime de Laurent Gbagbo si le Conseil constitutionnel venait, comme il est plus que probable, à valider la candidature du président sortant ? Comme ils le projettent, ils prendront d’assaut les rues d’Abidjan et des villes de l’intérieur à compter du 10 septembre 2015, avec leurs alliés de circonstance que sont les autres membres de la CNC. Le pouvoir en place a donc du souci à se faire, surtout avec cette radicalisation qui gagne même les rangs d’opposants considérés jusqu’ici comme des modérés, à l’image de ces partisans de Pascal Affi Nguessan qui ont fini par rejoindre le camp des jusqu’au-boutistes de Abou Drahamane Sangaré à cause, disent-il, de la mollesse du président légalement reconnu du FPI. Alassane Ouattara est donc prévenu, car, comme nous l’écrivions dans l’une de nos précédentes éditions, même si ces « lépreux politiques » ne peuvent pas remporter la prochaine élection, ils peuvent parasiter ou du moins empoisonner une éventuelle victoire du candidat du RHDP, surtout si, comme en octobre 2000 et en mars 2004, des dizaines de vies sont fauchées par des forces de l’ordre qui préfèrent utiliser des armes létales en lieu et place de grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants.

La visite  du président dans la région du Centre-ouest acquise à Laurent Gbagbo est une occasion de panser les plaies

Certes, au regard des forces actuellement en présence sur l’échiquier politique ivoirien, on peut dire que les rodomontades de tous ces fantassins du verbe haut et du discours raffiné que la CNC et surtout les inconditionnels de Laurent Gbagbo envoient en première ligne depuis quelques semaines, ne peuvent pas empêcher la tenue à bonne date des élections comme ils le souhaitent, mais le président ivoirien, du haut de son expérience d’homme politique ostracisé des années durant, devrait travailler sinon à démentir totalement, du moins à fragiliser les arguments de ses contempteurs selon lesquels son pouvoir est l’un des plus oppressifs et tribalistes que la Côte d’Ivoire ait jamais connu. C’est probablement dans cette logique que s’inscrivent les récentes inculpations de certains piliers de l’appareil sécuritaire du régime suite à leurs violations présumées des droits de l’homme pendant la crise postélectorale, et la visite d’Etat du président de la République dans le Gôh, en pays Bété, du 28 au 30 septembre prochain. Deuxième du genre dans cette région du Centre-ouest acquise à Laurent Gbagbo, cette visite présidentielle aura le mérite de démontrer qu’il est non seulement le président de tous les Ivoiriens, y compris ceux qui ont majoritairement accordé en 2010 leurs suffrages à son adversaire et fils du terroir, mais aussi d’unir l’ensemble des acteurs de tous bords politiques confondus autour de l’essentiel, c’est-à-dire le développement socio-économique de la région, et particulièrement de la capitale régionale, Gagnoa. C’est une occasion de panser les plaies de la guerre civile et de réconcilier les adversaires d’hier et même d’aujourd’hui, comme Henriette Dagri Diabaté du RDR, Djédjé Madi du PDCI/RDA et Alcide Djédé du FPI qui, au nom de la paix et du développement de leur région d’origine, appellent tous à réserver un « accueil délirant » au président Alassane Ouattara. Cette visite à Gagnoa, qui intervient à quelques semaines de l’élection présidentielle et au moment où l’opposition bande de plus en plus les muscles, sera peut-être opportunément utilisée par le candidat à sa propre succession, comme moyen de « dépressurisation » de l’atmosphère politique afin d’éviter à la Côte d’Ivoire une crise préélectorale qui pourrait receler des dangers pour le pays et même pour la sous-région.

« Le Pays »


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