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PRESIDENTIELLE AU LIBERIA : Consolider les acquis démocratiques


Ce 10 octobre, les Libériens ont rendez-vous avec l’Histoire. En effet, ils se rendent aux urnes pour choisir leur président, parmi la vingtaine de candidats à la succession de la première femme élue chef d’Etat en Afrique, Ellen Johnson Sirleaf qui, après deux mandats passés à la tête de cette nation qui revendique une indépendance de 169 ans, s’apprête à passer la main. Mais au-delà de la succession de celle qui passe aux yeux de beaucoup comme la « Dame de fer » de Freetown, il s’agit, pour les Libériens, de consolider les acquis démocratiques après l’épisode douloureux de la période trouble que ce pays a connu. Ce, depuis la parenthèse sanglante de l’assassinat, en 1980, du président William Tolbert et tout son gouvernement par Samuel Doe, lui-même cruellement torturé et exécuté en 1990 pendant la guerre civile dans laquelle le pays a basculé et qui s’est poursuivie jusqu’en 2003 avec des seigneurs de guerre comme Prince Johnson et autre Charles Taylor qui ont contribué à écrire l’histoire de ce pays en lettres de feu et de sang.

Il faut reconnaître à Maman Sirleaf le mérite d’avoir su maintenir son pays dans une certaine stabilité

C’est donc d’un Liberia convalescent qu’a hérité Dame Sirleaf en 2006, pour le hisser à la place qu’il occupe aujourd’hui. A l’heure du bilan, même si l’on ne peut pas dire que tout est rose, il faut néanmoins reconnaître à Maman Sirleaf le mérite d’avoir su maintenir son pays dans une certaine stabilité sociopolitique qui lui a permis d’asseoir les bases d’une paix durable. Dans un pays qui venait à peine de sortir d’une des guerres civiles les plus atroces et les plus meurtrières de l’histoire, un tel pari était loin d’être gagné d’avance. C’est en cela qu’il faut rendre un hommage appuyé à cette Dame qui a su nouer solidement son pagne pour faire face à l’adversité, dans une Afrique en pleine mutation où le mot paix n’a jamais autant valu son pesant d’or. Et cet hommage est d’autant plus mérité qu’à l’heure où nombre de ses pairs du continent s’essaient au tripatouillage des Constitutions et autres moyens tordus pour se maintenir au pouvoir, Dame Sirleaf se distingue par la spécificité qui lui fait honneur, de respecter scrupuleusement la loi fondamentale de son pays en ne cédant pas à la tentation de l’indispensabilité. En faisant autant preuve de sobriété, cette femme prouve si besoin en était encore, qu’elle est une vraie démocrate dans l’âme. En cela, elle montre l’exemple à bien de ses pairs mâles du continent, qui peinent encore à s’imaginer une vie en dehors du pouvoir et qui sont prêts à tout, y compris à marcher sur les cadavres de leurs compatriotes, pour s’y maintenir. A l’image du Burundais Pierre Nkurunziza, des Congolais Denis Sassou Nguesso et Joseph Kabila, et du Togolais Faure Gnassingbé qui est en train de leur emboîter le pas. Il appartiendra donc au successeur de celle qui reçut le Nobel 2011 de la paix, d’aller véritablement sur les chantiers du développement.
Cela dit, cette présidentielle libérienne s’annonce comme l’une des plus ouvertes, d’autant plus que le président sortant n’est pas candidat à sa propre succession. Et les pronostics s’annoncent serrés entre, entre autres, le sénateur et star du football, George Weah qui croit son heure venue après deux échecs en 2005 et en 2011, et le vice-président Joseph Boakai qui semble avoir les faveurs de la présidente sortante. A moins que l’ex-chef de guerre, Prince Johnson aujourd’hui sénateur, ou un autre candidat comme le magnat de la téléphonie mobile, Benoni Urey, ou encore l’ancien dirigeant de Coca-Cola pour l’Afrique, Alexander Cummings, ne vienne jouer les trouble-fête.

Il importe que le choix des Libériens soit respecté

Quoi qu’il en soit, il faut surtout souhaiter que ces élections se passent dans le calme et que les Libériens tournent définitivement le dos à la violence en politique. Car, les démons de la guerre ne sont pas loin et n’ont jamais dormi que d’un œil dans ce pays où la moindre petite étincelle pourrait remettre le feu aux poudres. D’autant plus que l’on ne saurait dire si tous les acteurs politiques ont véritablement réussi à opérer leur mue, après l’épisode de la guerre fratricide qui a fortement endeuillé le pays et dont certains, à l’image de Prince Johnson, étaient des acteurs majeurs. Quand on sait que généralement, ce sont les fraudes et les tripatouillages des résultats qui sont les facteurs déclenchant des contestations électorales, la Commission nationale des élections (NEC) est donc fortement interpellée à faire preuve de rigueur et de transparence dans la compilation des résultats, et à mettre un point d’honneur à les proclamer dans les meilleurs délais. C’est à ce prix qu’elle pourrait éviter au Liberia de vivre les affres d’une crise postélectorale, avec les conséquences dramatiques que cela engendre souvent et que l’on a vu sous d’autres cieux. En tout état de cause, il importe que le choix des Libériens soit respecté. Et c’est en cela que la NEC a une lourde responsabilité. Par conséquent, tirant leçon de l’histoire, cette institution devrait se donner les moyens d’encadrer au mieux ces consultations populaires pour éviter tout dérapage. Il y va d’abord de sa propre crédibilité et ensuite de la paix dans le pays, à travers l’acceptation des résultats des urnes par les différents candidats.

« Le Pays »

 


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