HomeFocusPRESIDENTIELLE MAURITANIENNE Mohamed Ould Abdelaziz vers un second mandat sans surprise

PRESIDENTIELLE MAURITANIENNE Mohamed Ould Abdelaziz vers un second mandat sans surprise


 

Vingt quatre heures après le vote des Mauritaniens samedi 21 juin dernier, les premières tendances placent l’actuel chef de l’Etat, Mohamed Ould Abdelaziz, en tête avec 76% des suffrages. Il est suivi de Biram Ould Dah Ould Abeid qui obtient 8%. Le taux de participation actuel, principal enjeu de cette présidentielle, est estimé à 56%. Si ces résultats de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), venaient à être confirmés, ce qui d’ailleurs est fort probable, le président sortant succéderait à lui-même pour un second mandat. Et ce, sans une grande surprise car on le sait, le boycott de l’opposition a ouvert un boulevard à Mohamed Ould Abdelaziz. Malgré le travail abattu durant la campagne par ses quatre challengers, il était pratiquement assuré de l’emporter, les partis d’opposition – vingt au total – ayant décidé de boycotter le scrutin. Le taux de participation qui était le seul enjeu aux yeux des observateurs, n’est pas si bas non plus car il est au dessus de 50%. C’est dire que l’appel de l’opposition n’a pas été suffisamment entendu par les Mauritaniens. Pouvait-il en être autrement, quand on sait que le camp du président sortant a utilisé de gros moyens pour battre campagne ?

 

Durant cette campagne, le fond a le plus souvent été sacrifié au profit de la forme

 

Candidat à sa propre succession, Mohamed Ould Abdelaziz avait plaidé pour un vote massif, à 100%. Une vingtaine de partis d’opposition politique se sont entendus pour boycotter le scrutin. Ils appartiennent au FNDU, (Forum national pour la démocratie et l’unité), et à la Convention pour l’Alternance pacifique (CAP), laquelle se compose de trois partis qui avaient pris part aux dernières élections législatives et municipales. Les adversaires du président-candidat ont passé le temps à occuper la rue pour inciter les gens à rester chez eux le jour du scrutin. 

De manière générale, durant cette campagne, le fond a le plus souvent été sacrifié au profit de la forme. Les protagonistes et leurs partisans se sont livrés corps et âme à des exercices de style. Les uns et les autres se sont critiqués sans retenue, usant même de multiples noms d’oiseaux pour se dénigrer. Du côté du candidat-président, on a ainsi accusé l’opposition de confisquer les cartes d’identité des électeurs, afin qu’ils ne puissent pas voter. Au FNDU, la coalition visée, on s’est interrogé sur l’origine des centaines de millions d’ouguiyas (monnaie mauritanienne) distribués aux populations par Mohamed Ould Abdelaziz, ces derniers jours. Mais au-delà du gestuel, du comique et du rituel des propos incendiaires, c’est le sempiternel problème du boycott des élections par les oppositions africaines qui est posé.

Boycotter l’élection présidentielle n’est pas payant. L’opposition facilite au contraire une légitimation du pouvoir. Dans les faits, elle lui ouvre tout un boulevard conduisant tout droit à la victoire ! L’opposition qui refuse toute participation, renforce le sentiment qu’elle cache son incapacité à se faire élire. Pour certains, elle est si vieillissante qu’elle est suspectée d’être incapable de mobiliser les électeurs en sa faveur. Lorsque l’opposition décide de boycotter l’élection, elle se rend complice des actes délictueux du régime qu’elle combat. En ce sens, les acteurs politiques mauritaniens n’ont pas été bien inspirés, qui croient à tort qu’un boycott peut infléchir les bailleurs de fonds dans leurs rapports au pouvoir en place. Les partenaires techniques et financiers (PTF) se préoccupent généralement très peu de ce genre de considérations. Le boycott des élections ou politique de la chaise vide, est surtout bénéfique dans des pays où le niveau de la conscience politique du corps électoral est élevé. Ce qui n’est pas le cas sous nos tropiques, où cette option arrange plutôt les présidents-candidats qui savent s’entourer de candidats fantoches ou sans envergure pour faire leur jeu, et continuer à gouverner. Même s’ils savent que leurs scores, généralement très élevés, face à ces candidats factices, ne riment à rien. Une opposition qui refuse de se prêter au jeu de la participation, et un pouvoir qui feint d’ignorer l’importance de la portée d’un tel acte, aident tous deux à « chosifier » les institutions.

 

Il faut que cessent les scores à la « soviétique » qui ridiculisent nos institutions.

 

Malheureusement, grisés par la boulimie du pouvoir, rares sont les systèmes établis en Afrique qui s’en préoccupent. La plupart s’organisent plutôt pour conforter leur position, et débaucher s’il le faut, dans le camp d’en face. Pourtant, la pleine participation des opposants aide à consolider les institutions démocratiques et à leur donner plus de consistance. Lorsque chacun des acteurs joue sa partition, cela participe de la maturation des idées, et témoigne de la vitalité du processus démocratique. Dans tous les cas, il revient surtout aux opposants africains d’apprendre à être patients dans l’adversité et d’accepter d’aller aux élections. Y aller, c’est chercher à mesurer ses forces et ses faiblesses, mais aussi apprendre à ses partisans à mieux se préparer au jeu démocratique. Tout en cherchant à assainir les milieux, mais aussi à composer avec les réalités. L’élection et les campagnes électorales constituent de véritables canaux pour faire passer les messages. C’est aussi l’occasion privilégiée de dénoncer certaines pratiques qui échappent à l’électeur et au commun des contribuables. Il faut que cessent ces scores à la « soviétique » qui ridiculisent nos institutions. L’Afrique des générations montantes se montre chaque jour de plus en plus attachée à des valeurs qui signifient transparence, équité, traçabilité et respect des urnes, du choix de l’électeur et du contribuable. Ceux qui ne l’ont pas encore compris en feront tôt ou tard les frais.

Il était hors de doute que le scrutin de samedi se matérialiserait par une victoire du président-candidat Mohamed Ould Abdelaziz. Mais cet autre militaire de carrière est en train, si ce n’est déjà le cas, de triompher sans gloire. Car comme d’autres à travers l’Afrique, il n’aura rien fait pour avoir en face de lui des candidats sérieux. Bien au contraire. Probablement pressé de continuer à gouverner sans partage, il se satisfera de la routine qui caractérise les scrutins présidentiels dans nos républiques bananières : le pouvoir en place doit gagner à tout prix ; dans le déshonneur s’il le faut ! Les résultats complets de cette présidentielle pourraient être connus ce lundi 23 juin.

 

« Le Pays »

 


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