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PRESIDENTIELLE NIGERIANE : Il faut craindre l’après-élection


Initialement prévues pour se dérouler en début février dernier, les législatives, les sénatoriales et la présidentielle nigérianes ont finalement eu lieu le samedi 28 mars 2015. Sur les 150 000  bureaux de vote, 300 se sont ouverts ce dimanche pour permettre aux électeurs des zones concernées d’accomplir leur devoir de citoyens. Malgré les ratés liés à l’utilisation de la technologie sur les cartes biométriques et qui ont créé bien des désagréments à certains électeurs dont le président Goodluck lui-même et malgré les attaques de quelques bureaux de vote au Nord-Est du pays, qui ont fait malheureusement des morts, l’on peut affirmer que les choses se sont relativement bien passées. Et le mérite en revient aux Nigérians eux-mêmes. En effet, ces derniers, en dépit de l’engagement du chef de Boko Haram, le sulfureux Abubakar Shekau, d’empêcher par tous les moyens la tenue du scrutin, ont bravé les bombes et la peur pour sortir massivement afin de choisir la personne à qui ils confieront pendant les 4 ans à venir, les clefs de la « Maison Nigeria ». Cette soif de démocratie des populations est la preuve qu’elles n’ont pas capitulé face aux illuminés de Boko Haram. C’est pourquoi il faut souhaiter que les choses se fassent selon les règles de l’art, de manière à ce que les résultats qui sortiront des urnes reflètent véritablement le choix des citoyens nigérians. A ce propos et au regard de l’ensemble des manquements de Goodluck Jonathan dont les plus saillants sont liés à la corruption, la gestion calamiteuse de la question de Boko Haram et à l’effondrement en général de l’autorité de l’Etat, l’on peut s’attendre à ce que le président sortant soit sanctionné sévèrement par l’électorat au bénéfice de son principal rival, le général à la retraite, Muhammadu Buhari, perçu à tort ou à raison par des observateurs de l’échiquier politique du Nigeria comme l’homme de la situation. Mais au Nigeria comme d’ailleurs dans bien des pays africains, malheureusement, le vote, on le sait, ne se fait pas sur la valeur intrinsèque des candidats, mais sur des considérations le plus souvent liées à l’appartenance religieuse, à la région et à l’ethnie. De ce point de vue, il ne sera pas étonnant que Goodluck Jonathan, malgré les nombreux impairs qu’il a commis dans le domaine de la gouvernance et de  la lutte contre Boko Haram, soit reconduit à la tête du pays. Le vote tribal étant une des pathologies de la démocratie sous nos tropiques.

 

Le vainqueur aura d’immenses défis à relever

 

L’autre pathologie est la contestation systématique et récurrente des résultats des urnes par les perdants. Déjà au Nigeria, des voix s’élèvent dans ce sens. En effet, la prolongation du scrutin dans 300 bureaux de vote sur les 150 000 que compte le pays, pour des raisons liées à des difficultés techniques, a suffi pour susciter l’ire du sénateur Magnus Abé et du gouverneur de l’Etat pétrolifère de Rivers dans le Sud, ancien bastion de Goodluck Jonathan, qui ont dénoncé dans un communiqué, des fraudes massives et qui ont accusé dans la foulée des membres de la Commission électorale d’être des militants du parti du président sortant. Cette contestation est un mauvais présage pour la suite des évènements. C’est pourquoi l’on peut dès à présent redouter l’après-élection. Le Nigeria va-t-il reproduire le scénario de l’après-élection de 2011 où l’on avait enregistré plus de 800 morts, ou va-t-il s’inscrire dans une après-élection apaisée, conformément à l’esprit du code de bonne conduite que Goodluck Jonathan et Muhammadu Buhari ont dûment signé à la face du Nigeria et du monde ? Le moins que l’on puisse dire est que tout le monde retient son souffle, dans l’espoir que les évènements de l’après-élection de 2011 ne se répèteront pas cette fois-ci.

Cela dit, si le Nigeria a pu tenir ces élections, c’est déjà une victoire. Et cette victoire est à mettre non seulement à l’actif du courage pour ne pas dire la témérité du peuple nigérian, mais aussi, il ne faut pas l’oublier, à l’actif de la vaillance des soldats tchadiens et nigériens. Ces derniers ont notamment aidé à rendre  le scrutin possible au Nord-Est du Nigeria, en débarrassant, au prix de bien des sacrifices, des localités de cette zone, de la férule satanique de Boko Haram. Sans cela, l’on peut parier que les populations du Nord-Est du pays ne se seraient pas bousculées devant les bureaux de vote comme on l’a constaté le 28 mars dernier. En attendant les résultats, l’on peut être sûr d’une chose. Le vainqueur aura d’immenses défis à relever. Les plus urgents sont les difficultés liées à la chute libre du coût du pétrole; principale ressource du Nigeria, la lutte contre la  corruption, ce mal chronique du pays, le chômage des jeunes et la lutte contre Boko Haram. Le nouveau président sera particulièrement attendu sur ces chantiers. Et les réponses qu’il va y apporter nous diront si oui ou non, les électeurs nigérians ont fait le bon choix.

Poudem PICKOU


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