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PRESIDENTIELLE NIGERIENNE : Un scrutin, trois enjeux principaux


C’est le 21 février prochain qu’environ 7,5 millions d’électeurs nigériens seront appelés aux urnes pour élire leur président de la République  et renouveler leur Assemblée nationale. Ce double scrutin intervient dans un contexte sous- régional particulier du fait du terrorisme islamiste, et également dans un contexte national marqué par des tensions politiques dont le Niger est coutumier à la veille de chaque rendez-vous électoral. Toutefois, on peut, d’ores et déjà, saluer le travail abattu par toutes les chapelles politiques en compétition pour que la campagne électorale qui se termine en principe ce soir, se déroule sans grabuge et sans heurts majeurs. Il reste à souhaiter que le processus toujours en cours se termine dans un climat  apaisé, pour faire démentir les oiseaux de mauvais augure qui prédisent des lendemains qui déchantent comme on en a connu ailleurs en Afrique. Il faudra pour cela compter sur le sens élevé du patriotisme des Nigériens, et sur la vigilance des forces de défense et de sécurité afin d’éviter que des pêcheurs en eaux troubles, qu’ils soient des narco-trafiquants ou de la nébuleuse islamiste, ne viennent ruiner les efforts entrepris jusque-là pour faire de ce scrutin l’un des plus apaisés de l’histoire du pays. Car, même si le Niger n’est pas le maillon faible ou le ventre mou dans la lutte contre l’insécurité dans l’espace sahélo-saharien, il n’en reste pas moins un Etat fragile qui pourrait être à la merci de groupes aventuristes en mal de notoriété, surtout si la classe politique se déchire après la publication des résultats. Il appartient donc aux leaders politiques et notamment au chef de l’Etat Mahamadou Issoufou, en tant que garant de la paix et de la stabilité dans son pays, de mettre les petits plats dans les grands afin que les résultats du premier tour de la présidentielle de même que ceux des législatives  ne soient pas source de crise postélectorale qui ouvrira « les portes de l’enfer » non seulement pour le Niger, mais également pour toute la sous-région. Car, les véritables enjeux de ce double scrutin sont l’acceptation des résultats par les différents acteurs et le taux de participation qui servira d’indicateur par rapport à la légitimité du futur président. Le premier défi est celui de la maturité et de la responsabilité des candidats à l’élection présidentielle, au lendemain de la publication des résultats, car, s’ils n’arrivent pas à contenir leurs ego et à calmer leurs militants, la situation va fatalement se dégrader avec tous les dérapages possibles. Ce défi est d’autant plus difficile à relever que la majorité présidentielle et l’opposition ont chacune dépêché des fantassins du verbe pour annoncer sa victoire, et il sera difficile de faire tomber le mercure de la contestation, quel que soit le vainqueur.

Espérons que les Nigériens auront assez de courage et de patriotisme pour relever ces défis

Une chose est sûre, c’est que le président sortant Mahamadou Issoufou est le grandissime favori, au regard des réalisations sur le plan infrastructurel (construction d’une ligne de chemin de fer Niamey-Dosso, bitumage de voies, construction d’échangeurs…), de la relative stabilité du pays (les rébellions touaregs et toubous sont restées inactives depuis l’arrivée de Mahamadou Issoufou en 2011, les incursions de Boko Haram en territoire nigérien sont plus ou moins contenues) et du succès relatif de la lutte contre la corruption (le Niger est passé de la 134è place à la 99è dans le classement fait par l’ONG Transparency international). On pourrait ajouter à l’actif du président sortant, les défections dont beaucoup de partis de l’opposition ont été victimes, suite à des dissensions internes suscitées ou « subventionnées » par le parti au pouvoir. Avec toutes ces réalités sur le terrain, on entend déjà les militants du PNDS (parti présidentiel) célébrer leur victoire sans coup férir, en ayant en mémoire les élections présidentielles en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso où les candidats de l’opposition ont tous été renvoyés dans les cordes dès le premier tour. Mais comparaison n’est pas raison, et c’est d’autant plus vrai qu’aucun président n’a été élu au Niger au premier tour, depuis le retour du pays à la vie démocratique au début des années 90. C’est entre autres sur cette tradition du second tour que tablent l’opposition et certains observateurs de la scène politique nigérienne, pour affirmer que malgré les acquis à mettre à l’actif du PNDS et du Président Issoufou, il est fort probable qu’on assiste à un second tour. Pour une raison essentielle : parmi les trois régions dites stratégiques pour les élections au Niger, deux sont des fiefs de ténors de l’opposition (Zinder pour Mahamane Ousmane et Maradi pour Séni Oumarou). En tout état de cause, l’opposition nigérienne est vent debout contre l’idée même d’un coup K.-O., et reste convaincue que l’unique scénario envisageable et idéal pour éviter au Niger le chaos, et, subséquemment un reflux démocratique après le scrutin de dimanche prochain, est l’organisation d’un second tour pour départager les deux finalistes. En un mot comme en mille, l’enjeu majeur de cette élection est la gestion de la période suivant la publication des résultats, car un contentieux postélectoral non résolu,  donnerait à l’armée encore une fois une belle occasion de faire irruption dans la scène politique en perpétrant un coup de force. L’autre enjeu ou défi pour le futur président, est d’avoir la majorité à l’Assemblée nationale pour pouvoir gouverner en toute sérénité. Car, un parlement aux mains de l’opposition serait un véritable calvaire pour le chef de l’Etat, avec les probables blocages et les motions de défiance ou de censure dont le Niger a le secret. Cela aussi offrirait le pouvoir sur un plateau d’argent à la soldatesque et bonjour le perpétuel recommencement, avec en sus les condamnations sous régionales et internationales.

Enfin, il y a le troisième défi, non moins important dans ce contexte de menace permanente d’attentats, c’est celui de convaincre la majorité des électeurs d’aller aux urnes, afin que le prochain président puisse se targuer d’avoir la légitimité populaire pour gouverner le pays. Espérons que les Nigériens auront assez de courage et de patriotisme pour relever ces défis et pour mettre définitivement le Niger sur les rails de la démocratie et du développement.

Hamadou GADIAGA


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