HomeA la unePRESIDENTIELLE TUNISIENNE : Pourquoi Marzouki a échoué

PRESIDENTIELLE TUNISIENNE : Pourquoi Marzouki a échoué


Le président sortant, Moncef Marzouki, a été battu à l’issue du second tour de la présidentielle tunisienne par son rival, Beji Caïd Essebsi. Le verdict du peuple de Tunisie a été sans appel : 44,32% seulement des suffrages lui ont été accordés, contre 55,68% pour Essebsi, le chef de file de Nidaa Tounes. Cet écart que l’on peut qualifier d’abyssal et l’acceptation des résultats par le recalé, dont il faut saluer au passage le fair-play, donnent au nouveau président une légitimité pleine. Par ce choix, la Tunisie vient remettre au goût du jour les valeurs qui ont  été portées par Bourguiba et qui se déclinent en termes de laïcité et d’émancipation de la femme tunisienne. La victoire donc du candidat de Nidaa Tounes peut se lire comme un retour au passé, mais un passé qui évoque la modernité, d’où le paradoxe tunisien. Et c’est tant mieux pour la démocratie, puisque le peuple souverain a voulu que les choses se passent de cette manière. Cela dit, l’on peut s’essayer à apporter quelques éléments qui pourraient expliquer la défaite cuisante de Moncef Marzouki.

D’abord, le président sortant n’a pas pu apporter de réponses satisfaisantes aux nombreuses et légitimes attentes de ses compatriotes. L’on peut citer, entre autres, la question du chômage des jeunes, qui a été, on le sait, l’élément déclencheur de la révolution du Jasmin qui, par la suite, s’est métastasée en printemps arabe qui a balayé bien des régimes autoritaires du monde arabe. En effet, l’acte de désespoir que le jeune étudiant tunisien,  Mohamed Bouazizi, a posé en s’immolant par le feu pour signifier au pouvoir de Ben Ali le mal de vivre des jeunes Tunisiens  et l’absence totale de perspectives pour eux en matière d’emplois, semble n’avoir pas été décrypté comme il le fallait par Moncef Marzouki. Trois ans, en effet, après ce douloureux événement, le problème du chômage des jeunes en Tunisie reste d’actualité. L’on peut même dire qu’il s’est corsé. Cela a visiblement contribué à sceller le désamour entre Marzouki et le peuple tunisien.

La révolution du Jasmin n’aura eu pour seul acquis que d’avoir terrassé le régime clanique de Ben Ali

Le deuxième élément qui a été déterminant dans la défaite de Marzouki, est lié à l’insécurité. En effet, les Tunisiens ont été particulièrement choqués par l’assassinat, sous son régime, d’opposants politiques dans des circonstances non encore élucidées. Même sous le pouvoir despotique de Ben Ali, des crimes de cette nature n’ont pas été commis. L’on peut ajouter à cela le fait que le pays, sous son régime, a été exposé aux attaques meurtrières et récurrentes des djihadistes qui écument la Tunisie et la plupart des pays voisins.

Cela a créé un climat d’insécurité et de peur permanentes qui ont, de toute évidence, irrité les Tunisiens. Et ils l’ont exprimé dans les urnes.

Le troisième élément qui explique la défaite de Marzouki est lié à ses accointances avec les islamistes. Cette connexion, dans une Tunisie qui s’est inscrite dans la laïcité depuis 1956, date de l’indépendance du pays, peut être perçue comme une option arrière- gardiste.

L’islamisme, en effet, ne peut pas rimer avec modernité et laïcité. Or, la Tunisie est un des rares pays arabes où l’on ne badine pas avec ces valeurs qui sont le fondement même du Bouguibisme. Déjà, les résultats des dernières élections législatives devaient instruire tous les hommes politiques que les Tunisiens, dans leur majorité, ne sont pas prêts à expérimenter dans leur pays, l’idéologie politique des Talibans afghans. Les islamistes d’Ennadha l’ont appris à leurs dépens pendant les législatives qui ont précédé la présidentielle. D’ailleurs, l’on peut dire que ce parti a été bien inspiré, en ne présentant pas de candidat au scrutin présidentiel. Pour toutes ces raisons, la défaite de Marzouki était prévisible. Et cette défaite illustre en même temps l’échec de la révolution du Jasmin dont justement Marzouki est l’un des symboles le plus emblématique. A l’analyse donc, l’on peut être tenté de dire que la révolution du Jasmin n’aura eu pour seul acquis que d’avoir terrassé le régime clanique et familial de Ben Ali et d’avoir, de ce fait, déverrouillé l’espace politique tunisien. De ce point de vue, la victoire de Beji Caïd Essebsi sonne comme un désaveu cinglant de cette révolution. Il revient à ce dernier qui a su capitaliser les insuffisances de cette révolution pour se faire élire largement par les Tunisiens, d’apporter la preuve qu’ils n’ont pas eu tort de lui faire confiance.

 

Pousdem PICKOU


Comments
  • Comme quoi : le diable enturbanné, en soutane ne peut passer inaperçu.
    Nous disons bravo à la maturité paisible tunisienne, le chemin peut paraître long (démocratie) mais il n’y a rien d’impossible.
    Vivement la paix sociale.

    24 décembre 2014

Leave A Comment