HomeLe fait du jourPROCES DE L’ATTAQUE DE LA POUDRIERE DE YIMDI : Les auditions ont commencé, les exceptions de nullité soulevées par la défense rejetées

PROCES DE L’ATTAQUE DE LA POUDRIERE DE YIMDI : Les auditions ont commencé, les exceptions de nullité soulevées par la défense rejetées


Le tribunal militaire, juridiction d’exception, a repris du service après l’audience de la tentative d’attaque de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) qui a mis en cause  le caporal Ouédraogo Madi et compagnie. Cette fois-ci, le tribunal militaire est sollicité pour juger le Sergent-chef Sanou Ali et 21 de ses compagnons pour les chefs d’accusation suivants : Complot militaire, désertion à l’étranger en temps de paix, vol aggravé, détention illégale d’armes à feu et de munitions, violence et voies de fait sans interruption temporaire du travail (ITT). L’ouverture de l’audience a eu lieu le 28 mars 2017 à Ouagadougou, dans les locaux du tribunal militaire.

 

Tribunal militaire de Ouagadougou, 8h du matin, heure locale.  La salle d’audience est investie par le président du Tribunal, magistrat militaire Seydou Ouédraogo. Le parquet, le greffe et des officiels y ont aussi pris place. On y voyait les mis en cause et leur conseil. La salle réservée au public se remplissait petit à petit. Tout est fin prêt pour la mise en œuvre des formalités. Conformément à l’article 29 du Code de Justice militaire, « au début de la première audience où ils sont appelés à siéger, les juges militaires prêtent serment sur invitation du Président ». Sur cette base donc, le juge militaire a demandé aux juges assesseurs de prêter serment. Et en l’espèce, c’est le colonel Dramé Abdoul Karim, le Sous-lieutenant Ouédraogo Simplice et l’adjudant-chef Sawadogo Jean-Baptiste qui ont prêté serment pour  statuer aux côtés du Président du tribunal militaire. Ainsi donc, le tribunal se compose de  « cinq membres de nationalité burkinabè », en l’occurrence « un président magistrat militaire, trois juges militaires, un juge magistrat de l’ordre judiciaire », conformément à l’article 9 du Code de justice militaire. Après ces formalités, le président du tribunal a observé une suspension pour permettre aux officiels de se retirer. Après environ une heure de suspension, le tribunal revient pour examiner les exceptions de nullité soulevées par Me Willy Dieudonné, conseil du soldat de 2ème classe Soulama Seydou et Me Traoré Michel, avocat des Sergents-chefs Koussoubé Roger et  Zerbo Laoko Mohamed et l’adjudant Ouékouri Kossè. En effet, Me Willy Dieudonné a affirmé que son exception de nullité tient « au fait que son client a été interpellé et présenté directement par le parquet au juge instructeur qui, sans d’autres formes de  procédure,  a procédé à son inculpation donc à sa poursuite alors qu’à l’origine, l’autorité avait décidé de ne pas poursuivre Soulama Seydou. Nous estimons qu’ici, il y a violation grave de la loi », selon le Code de justice militaire. En d’autres termes, « le soldat de 2ème classe Soulama Seydou a été poursuivi sans ordre de poursuite », s’explique-t-il.

Quant à Me Traoré Michel, il a soutenu la même exception de nullité, « à la différence que l’arrêt de mes clients devant la chambre de jugement avait fait l’objet d’un pourvoi de la part de mes clients. Et nous avons été surpris d’avoir néanmoins été envoyés devant votre chambre ce matin », s’indigne-t-il. Il poursuit : « nous avons estimé que selon les dispositions du Code de procédure pénale, il y a lieu, pour une meilleure administration de la justice, de surseoir à statuer concernant mes clients Ouékouri Kossè,  Koussoubé Roger et  Zerbo Laoko Mohamed ». A entendre le commissaire du gouvernement, Alioun Zanré, l’exception de nullité soulevée par Me Willy Dieudonné ne saurait prospérer parce que le moyen est irrecevable. Relativement à celle soulevée par Me Traoré Dieudonné, le commissaire du gouvernement a estimé qu’elle est irrecevable parce que « un pourvoi ne suspend pas la procédure au fond ». La position adoptée par le commissaire du gouvernement n’a pas été du goût des deux avocats. S’en suit alors un jeu de ping pong entre eux et le commissaire en ce qui concerne ce qui est légal et ce qui ne l’est pas, relativement aux exceptions soulevées. Pour départager les parties, le Président du tribunal a suspendu l’audience aux environs de 10h, le temps d’examiner la recevabilité des exceptions de nullité soulevées. A la reprise, le Président  a demandé aux deux avocats s’ils estiment que le tribunal militaire est compétent pour connaître des exceptions de nullité. Me Willy Dieudonné a souligné que « c’est la régularité de la procédure qui est posée et non l’appréciation de la compétence », sinon, estime-t-il, « le tribunal militaire est compétent pour statuer sur les exceptions de nullité ». C’est la même réponse que Me Traoré Michel a aussi donnée. Le commissaire du gouvernement, quant à lui, demande au tribunal de se déclarer incompétent pour ces exceptions de nullités. Finalement, le tribunal militaire s’est déclaré incompétent pour connaître des exceptions de nullité soulevées par Me Willy et Me Traoré. Avant d’entrer dans le vif du sujet, le Président du tribunal a procédé à l’appel des mis en cause,  de leur conseil ainsi que des témoins. Les accusés étaient tous présents, sauf Albert Gounaba qui est en fuite. Mais le président a laissé entendre qu’il sera jugé après le procès de Sanou Ali et 20 autres. Du côté des témoins, il en manquait quelques uns qui ont été tous excusés. S’en suit alors la lecture de l’arrêt de renvoi pour jugement au tribunal militaire. C’est après lecture de cet arrêt, qui a duré environ une heure, que le Président du tribunal a suspendu l’audience à 13h30mn.

A la reprise du procès, il était exactement 15h 30mn. Le premier accusé à être appelé à la barre est le sieur Abdoul Nafion Nébié. Il est caporal et est poursuivi pour complot militaire, désertion à l’étranger en temps de paix, vol aggravé, détention illégale d’armes à feu ou de munitions et violences et voies de faits sur les gardes en poste à la poudrière de Yimdi. « Reconnaissez-vous les faits ? », lui a demandé le président du tribunal. « Je reconnais avoir franchi la frontière mais, de mon point de vue, pas en temps de paix », a-t-il répondu, pour le premier chef d’accusation. Pour le reste, le sieur Nébié a dit ne pas reconnaître les faits.  L’occasion lui est donc donnée de s’expliquer. Selon l’accusé, son départ du camp Naaba Koom II s’explique par le fait que le camp essuyait des tirs d’obus. « J’ai quitté le camp Naaba Koom parce qu’il y avait des bombardements », a-t-il dit. Ayant pris peur, il a donc regagné la ville de Léo où, a-t-il dit, il trouva refuge en famille. Etant à Léo, il a reçu l’appel du sergent-chef Ali Sanou et celui-ci lui aurait demandé de l’accompagner en Côte d’Ivoire. Il marqua son accord et ils prirent rendez-vous pour se rencontrer. « Je lui ai dit que je ne connaissais pas la route mais, je connaissais quelqu’un qui pouvait nous montrer le chemin à partir du Ghana », a-t-il relevé. Selon le sieur Nébié, c’est lors de leur rencontre, au péage, à la sortie de Ouagadougou, sur la national 6 exactement, qu’il s’est rendu compte que le sieur Ali Sanou était accompagné d’autres éléments de l’ex-RSP. Ils firent donc chemin ensemble jusqu’à la frontière Burkina-Ghana. « Et les armes que vous aviez ? », lui a demandé le président du tribunal. « Je n’avais pas d’arme », a rétorqué l’accusé avant de poursuivre que « c’est le sergent qui avait une arme. Vu que nous ne pouvions pas entrer en territoire ghanéen avec l’arme, il l’a donc camouflée dans les buissons ». « Ceux qui vous suivaient n’en avaient pas ? »,  lui a encore demandé le président du tribunal. « Je n’ai pas fait la remarque », lui a répondu le sieur Nébié. Mais, a-t-il ajouté, de peur que l’arme laissée ne tombe entre les mains d’une autre personne, il a contacté le sieur Sinnda. A ce dernier, foi de Abdoul Nébié, le sergent-chef Ali Sanou a fait la description de l’endroit où il avait caché l’arme pour qu’il la récupère et la mette en lieu sûr. Sur ce, le président du tribunal revient encore à la charge et demande à l’accusé pourquoi il n’a pas rejoint son lieu d’affectation comme cela avait été demandé à tous les ex-RSP, après la dissolution du corps. « Je n’ai pas eu connaissance d’une note d’affectation », a argué l’accusé. Prenant la parole, le commissaire du gouvernement a demandé à l’accusé si son départ de Ouagadougou, précisément du camp Naaba Koom, était dû à la peur,  et pourquoi il a finalement rejoint la Côte d’Ivoire à partir du moment où il se sentait déjà en sécurité à Léo. « Ça m’est venu comme cela », s’est défendu le sieur Nébié, avant de répondre à quelques questions de son conseil. S’agissant de l’attaque de la poudrière de Yimdi, Abdoul Nafion Nébié a nié les faits à lui reprochés.

 

Des grenades dans le WC d’une école

 

Voici, en substance, ce qu’il a dit : « Je tenais la mobylette du caporal Amidou Drabo pour faire mes courses, la mienne étant avec mon petit frère. Autour de 22 h, le sieur Drabo m’a fait savoir qu’il avait besoin de son engin. Il m’a donné sa position et je suis allé le rejoindre. J’en ai profité pour lui expliquer la raison pour laquelle j’ai mis du temps avec sa moto. Je l’ai donc rencontré au niveau du pont de Boulmiougou. C’est là-bas que j’ai rencontré le sergent Sanou Ali. Ce dernier m’a expliqué le projet d’attaque. Je lui ai fait comprendre que je n’y adhérerais pas et je me suis retourné ». Pour le commissaire du gouvernement, ces affirmations de l’accusé ne sont pas en phase avec ce qu’il a affirmé devant la police judiciaire et le  juge d’instruction. Lors des enquêtes préliminaires, à entendre le commissaire du gouvernement, l’accusé a reconnu avoir pris part à l’attaque de la poudrière et leur a même décrit le mode opératoire. « M. le commissaire, le gendarme a écrit ce qui l’arrangeait et le juge d’instruction se base sur ce que le gendarme a écrit », a répliqué le prévenu. D’ailleurs, selon le prévenu, les conditions dans lesquelles il a été interrogé, laissent à désirer. En effet, a-t-il révélé, depuis son arrestation à Léo, il a été maltraité par la gendarmerie. Prétendant que c’est lui qui détenait l’argent pour financer l’attaque, la gendarmerie, a confessé le sieur Nébié, l’a passé à tabac, a passé sa maison au peigne fin en détruisant plafond et terrasse et en allant même ouvrir la tombe de son grand-père. « C’est à poil et menotté dans un pick-up que j’ai été déféré à Paspanga », a noté l’accusé. Quant à la détention illégale d’armes à feu et de munitions qu’il aurait récupérées lors de l’attaque de Yimdi, Abdoul Nafion Nébié nie les faits et soutient, une fois encore, ne pas avoir pris part à une quelconque attaque. Et le président du tribunal de lui demander ce qu’il a fait des armes récupérées par le sieur Sinnda. Ces armes dont des grenades dégoupillées et des kalachnikovs, a-t-il reconnu, ont été remises à un autre élément de l’ex-RSP avec qui ils étaient revenus de leur voyage en Côte d’Ivoire. D’ailleurs, a-t-il déclaré, le sieur Sinnda aurait dit qu’il a jeté les grenades dans le WC d’une école. « On a été à l’endroit indiqué, mais on n’a pas pu récupérer les grenades car, les dalles étaient scellés », a souligné Abdoul Nafion Nébié. C’est autour de 17h52 que le président du tribunal a suspendu l’audience qui reprendra aujourd’hui, à 8h30 minutes.

 

Françoise DEMBELE et Adama SIGUE

 

 

 

LES MIS EN CAUSE ET LES CHEFS D’ACCUSATION

 

Sergent-chef Sanou Ali du 11ème RIC Dori

 

Sergent Poda Ollo Stanislas Sylvère, de l’ex-RSP

 

Soldat de 1ère classe Kam Ollé de l’Ex-RSP

 

Soldat de 1ère classe Kosporé Salfo du 12ème  RIC Ouahigouya

 

Soldat de 2ème classe Yonli Haadi du 22ème RIC Gaoua

 

Soldat de 1ère classe Zouré Boureima de l’ex-RSP

 

Soldat de 1ère classe Zongo Hamado du 22ème RIC Gaoua

 

Yago Sabkou, un civil de Léo

Sergent-chef Zerbo Laoko Mohamed de l’ex-RSP

 

Sergent-chef Koussoubé Roger J. Damagna de l’ex-RSP

 

Adjudant Ouékouri Kossé de l’ex-RSP

 

Soldat de 2ème classe Aboubakren Ould Hamed de l’ex-RSP

 

Sergent Couldiaty Salif du 25ème RPC de Bobo-Dioulasso

 

Caporal Nébié Abdoul Nafion du  23ème RIC-Dédougou

 

Caporal Toé Desmond du 30ème RCAS Ouagadougou

 

Caporal Ouédraogo Issaka de l’ex-RSP

 

Caporal Drabo Hamidou de l’ex-RSP

 

Soldat de 1ère classe Napon Djimaldine du 25ème RPC de Bobo-Dioulasso

 

Soldat de 1ère classe Ouattara Abou, 30ème RCAS de Ouagadougou

 

Soldat de 2ème classe Traoré Youssouf du  20ème RCAS de Bobo-Dioulasso

 

Soldat de 2ème classe Soulama Seydou  de l’ex-RSP

 

Soldat de 1ère classe Gounabou Albert de la Garde nationale à Ouagadougou

 

Source : Tribunal militaire

 

 

 

 

Vu et entendu au tribunal militaire

 

-Le premier jour, il y avait une grande affluence dont des femmes, des enfants et des nourrissons, probablement des parents des mis en cause, venus les soutenir. Au début, tout était calme, mais à la longue, les enfants ont commencé à faire du bruit. Poussant le président du tribunal à demander à une femme dont l’enfant faisait beaucoup de bruit, de sortir pour que l’audience puisse se poursuivre sereinement.

 

-Le saviez-vous ? La non-comparution d’un témoin est passible de sanction, selon le président du Tribunal militaire

 

– La plupart des mis en cause dans le procès de l’attaque de la poudrière de Yimdi, ont effectué des missions onusiennes de maintien de la paix en Afrique, si fait qu’il ressort que plusieurs accusés ont été décorés.

 

– L’eau était la boisson la plus prisée au tribunal militaire, en ce premier jour de procès. On voyait des sachets et des bidons circuler de mains en mains, de façon permanente.

 

-Si le procès de la tentative d’attaque de la MACA s’est déroulé à une période pendant laquelle les températures étaient clémentes, il n’en est pas de même pour le procès de l’attaque de Yimdi. En effet, aux environs de 10 déjà, il faisait très chaud dans la salle réservée au public. Le tribunal, les journalistes, le public, tous souffraient visiblement et ceux qui avaient la possibilité de s’éponger, le faisaient. Mais malgré la chaleur, personne ne disait mot. Tous suivaient attentivement la lecture de l’arrêt de renvoi par le greffier. Une concentration qui s’est muée en sommeil pour d’autres, puisque le soleil était, à cette heure-là, au zénith.

 

 

Olivier Yelkouni, Avocat du prévenu Abdoul Nafion Nébié : « je mets en cause les enquêtes de police ou de la gendarmerie »

 

Les questions qui ont été posée par le tribunal et le parquet ont reçu des réponses de la part de mon client. Il a donné comment les faits se sont déroulés. On a essayé de lui tendre des pièges mais il n’a jamais été pris dans un de ces pièges. On lui demandait pratiquement de faire des aveux.  Alors que tant qu’on n’a pas commis des faits, on ne peut pas avouer. C’est ce qui s’est passé. Aussi, je mets en cause les enquêtes de police ou de la gendarmerie. Selon l’article 430 du code de procédures pénales,  les enquêtes de police ne valent qu’à titre de simples renseignements. C’est ce que j’ai essayé d’expliquer. Il ne suffit donc pas de brandir un procès-verbal d’enquête de police pour affirmer telle ou telle chose. Sinon, si c’était une preuve, on n’aurait pas besoin que le prévenu comparaisse pour qu’on lui pose des questions.

 


Comments
  • QUE CES AVOCATS PEUVENT POURRIR LA VIE DES GENS.

    10 avril 2017

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