HomeOmbre et lumièrePROCES DES PRESUMES FRAUDEURS AUX CONCOURS DIRECTS : Un an de prison ferme requis contre les prévenus

PROCES DES PRESUMES FRAUDEURS AUX CONCOURS DIRECTS : Un an de prison ferme requis contre les prévenus


L’affaire avait fait couler beaucoup d’encre et de salive. Des présumés fraudeurs aux concours de la Fonction publique session 2015, ont été arrêtés par les Forces de l’ordre et de sécurité. Le procès de ces derniers s’est tenu le 9 octobre 2015, au Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou. A la barre, 23 personnes accusées de fraude ou de complicité de fraude dans ou à l’occasion d’un concours ayant pour objet, l’entrée dans une administration publique. Un procès marathon qui aura duré de 8h à 21h, soit environ 13 heures d’horloge et à l’issue duquel le parquet a requis 1 an de prison ferme et 1 million de F CFA d’amende contre chacun des 23 prévenus. Le délibéré est attendu pour le 23 octobre 2015.

 

« Délibéré le 23 octobre 2015 ; la séance est levée ». C’est par ces mots que le président du Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou a mis fin à la séance du jour dudit tribunal, le 9 octobre dernier. Il était 21h09 mn. Une séance pendant laquelle le dossier des présumés fraudeurs aux concours de la Fonction publique (FP) a été analysé sous tous ses contours. Les concours concernés sont : Agents itinérants de santé (AIS), Contrôleurs des douanes, Agents techniques d’élevage, Assistants des affaires économiques, ENAREF cycle B et C. Après la notification des accusations aux prévenus, 6 d’entre eux n’ont pas reconnu les faits à eux reprochés. Il s’agit entre autres, de Issouf Tou,

responsable du cabinet en charge de l’élaboration des sujets des concours, Ouezzin Louis Oulon et ses protégés Blandine Oulon, Abouga Oulon et A. Aïssata. Issouf Tou, de qui tout serait parti, a dit avoir donné « des esquisses de sujets de composition » à un candidat, Hyppolite Kabré, et non « le pétrole » des concours.

Au nombre des prévenus qui ont plaidé coupables, Saïdou Compaoré qui dit avoir reçu les sujets de Issouf Tou et de Hyppolite Kabré et les avoir, par la suite, remis à ses petits frères et à son ami, Lassana Ouédraogo. Par l’entremise de ce dernier, les sujets sont parvenus à Saïdou Birba du centre Birba formation. Celui-ci les aurait alors transmis, entre autres, à ses frères, à sa secrétaire, aux protégés de Ouezzin Louis Oulon et à un des formateurs de son centre qui a poursuivi la chaîne. Et c’est de fil en aiguille que les sujets ont été distillés dans la ville. Des explications que Saïdou Birba a confirmées. Faux, ont rétorqué ceux qui ont plaidé non coupables. Issouf Tou a nié avoir remis quoi que ce soit à Saïdou Compaoré.

 

Quant à Ouezzin Louis Oulon, il dit avoir contacté Saïdou Birba pour la formation de ses protégés et non pour une quelconque fraude. Pour lui, il a été embarqué dans un tourbillon qu’il ne comprend pas, contrairement aux propos de Birba Saïdou qui l’accuse d’être au parfum des choses.

Après que les prévenus ont été entendus, la procureure a fait ses réquisitions. Pour madame la procureure, les présumés fraudeurs aux concours de la Fonction publique session 2015 sont tous coupables. Elle a donc requis la peine maximale pour tous les 23 prévenus. Une peine allant de 3 à 12 mois de prison, assortis d’une amende plafonnée à 1 million de F CFA.

Pour ceux qui ont plaidé « non coupables » pour les faits de fraude ou de complicité de fraude à eux reprochés, leurs conseils, sur des fondements juridiques, ont tenté de prouver leur innocence. Ils ont, par conséquent, demandé la relaxe pure et simple de ces derniers. Concernant ceux qui ont reconnu les faits à eux reprochés et plaidé coupables, leurs avocats ont demandé à la Cour d’avoir la main légère dans les éventuelles condamnations, à défaut de leur relaxe pure et simple, au regard des arguments juridiques expliquant notamment la légèreté du dossier et l’insuffisance des textes juridiques concernant par exemple ceux qui n’ont fait que recevoir le « pétrole des concours ». Si le tribunal devait malgré tout prononcer des condamnations, ont plaidé les conseils, qu’il le fasse non pour contenter l’opinion publique, mais qu’il s’en tienne à la rigueur juridique, vu que l’affaire a été fortement médiatisée, même par le gouvernement. Les présumés fraudeurs ont également, après avoir expliqué les faits et répondu aux questions du tribunal, pris la parole pour soit exprimer leurs regrets et demander la clémence de la Cour, soit maintenir leur position et remercier la Cour pour leur avoir donné l’opportunité de s’expliquer.

Le délibéré du procès a été fixé au 23 octobre 2015. Il est à noter que l’Etat ne s’est pas constitué partie civile lors de ce procès.

 

Thierry Sami SOU

 

 

 

A l’issue du procès

 

A la fin du procès, l’un des conseils de Ouezzin Louis Oulon, Me Batibié Benao, avocat à la cour, a dit être confiant quant à l’issue du procès. « J’ai vécu ce procès comme tous les autres. C’est une audience ordinaire, en dehors du fait qu’elle a eu des retentissements sur le plan national, compte tenu de la sensibilité du sujet traité », a-t-il dit.

Concernant la fraude, Me Batibié Benao a expliqué que l’article 311 du code pénal incrimine dans sa définition ceux qui ont vendu, transmis, communiqué ou diffusé les produits de fraude.

Selon lui, à partir du moment où la loi n’a pas réprimé ceux qui achètent, c’est-à-dire les destinataires finaux, “nous considérons que ces derniers ne peuvent être coupables”.

« Nous nous contentons de faire une lecture de la loi. La loi pénale est d’interprétation stricte. Si rien dans le dossier ne nous permet de dire que la personne a posé les actes ci-dessus cités, en tant que plaideurs, nous sommes en droit de faire comprendre au tribunal que ce sont uniquement les personnes qui ont vendu, transmis, communiqué ou diffusé qui peuvent être punies. Il existe d’autres lois, notamment en matière de commercialisation d’or, qui disposent à peu près de la même manière. Il appartient donc au pouvoir législatif, si d’aventure le tribunal estime que les destinataires des sujets ou des corrigés ne font pas partie des personnes punissables, de revoir sa copie et de procéder à des modifications, si tant est qu’il souhaite punir les destinataires finaux. Maintenant, il faut attendre de voir le 23 octobre, si c’est aussi la vision du tribunal ».

 

 

 

Les corrélations entres les prévenus : un imbroglio difficile à maîtriser

 

Tout serait parti de Issouf Tou, responsable du cabinet en charge de la conception des sujets. Celui-ci a été contacté par Saïdou Compaoré pour entrer en possession du « pétrole des concours ». Face à la résistance de Issouf Tou, il a demandé à sa fiancée, Evelyne Guiébré, d’approcher ce dernier pour la même cause. Dans le même temps, Hyppolyte Kabré, militant de la même formation politique que Saïdou Compaoré et Issouf Tou, avait contacté ce dernier pour espérer réussir aux concours. A Hyppolite Kabré, Issouf Tou a donné « des indications par rapport aux tests psychotechniques». Des « indications » que Hyppolyte Kabré a partagées avec Saïdou Compaoré dont les « parents » ont aussi bénéficié, de même que son ami Ousmana Ouédraogo. Saïdou Birba, ami de longue date de Ousmana Ouédraogo a reçu de celui-ci 4 sujets gratuits et 2 payants, puis les a distillés à son tour, notamment à ses frères, Karim Birba et Issouf Birba, ainsi qu’à Abouga Oulon, Blandine Oulon, Aïssata Anabegou et Lassanè Ilboudo, un des formateurs de ses centres de préparation aux concours directs. Ce dernier les a, à son tour, distribué et sa fiancée, Habibou Ouédraogo, en a bénéficié. En somme, pour la plupart, les sujets ont été distribués ou vendus entre parents et amis, généralement au petit matin, peu avant 6h. Pour certains, les sujets ont été donnés par appel téléphonique. Tandis que Saïdou Compaoré a reconnu les faits, Issouf Tou les a niés. Contrairement aux affirmations du premier, disant l’avoir rencontré plusieurs fois et avoir reçu de lui des sujets, Issouf Tou a soutenu avoir seulement donné des « indications » par mail à Hyppolyte Kabré. Pourtant, Saïdou Compaoré a déclaré avoir remis, dans ce cadre, une importante somme d’argent à Tou Issouf, fruit de la vente des sujets à 3 personnes, notamment l’ENAREF cycle B à 2,5 millions le sujet et l’ENAREF cycle C à 1,5 million.

 

Que de contradictions !

 

Pour ce qui est de Ouezzin Louis Oulon, il est entré en contact avec Saïdou Birba pour la formation de ses filleuls que sont Abouga Oulon, Blandine Oulon et Aïssata Anabegou. Il aurait remis un chèque de 100 000 F CFA à Saïdou Birba en juillet 2015 comme frais de formation de ses filleuls et ce dernier devait toucher ledit chèque à partir du 3 août. Une version contestée par Saïdou Birba qui dit être allé chez Ouezzin Louis Oulon plus d’une fois, dont la veille de la composition du concours des Conseillers des affaires économiques , au petit matin, pour briefer ses filleuls, pendant que Ouezzin Louis Oulon se reposait au salon. Ces derniers se seraient également rendus au bureau du sieur Birba le 3 août, pour recevoir « le pétrole » de l’ENAREF. En outre, il soutient avoir, de concert avec Louis Oulon, arrêté la somme de 1 million de F CFA comme prix de ses prestations. Une somme qui n’a finalement pas été payée. Quant au chèque de 100 000 F CFA, il s’agissait, selon Birba, de frais d’essence et cela lui a été remis le 3 août.

Pour sa part, Ouezzin Louis Oulon s’est dit étonné de savoir que le sieur Birba connaissait chez lui.

 

T S

 

 

 

 

 

Procès des présumés fraudeurs aux concours de la fonction publique: récit d’un procès marathon

 

23 personnes comparaissaient à la barre pour fraude ou complicité de fraude.

Bien avant 8h, heure de début des audiences, la cour du Palais de justice était noire de monde, faisant penser à un meeting. Inutile de rappeler que  «l’affaire de fraudes aux concours de la Fonction publique» a tenu en haleine l’opinion publique. Une impressionnante file de personnes se tenait à l’entrée de la salle devant accueillir le procès. Après avoir passé un contrôle minutieux de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP), chacun pouvait accéder à la salle d’audience. Lorsque le tribunal fit son entrée dans la salle d’audience à 8h33, elle était si comble que ni la climatisation ni les brasseurs n’arrivaient à dissiper la chaleur ambiante. La solennité de l’audience contribuait à alourdir l’atmosphère de la salle. Bref, à 8h33, la séance pouvait démarrer.

 

Salle comble, manque de sonorisation

 

C’était en présence du ministre en charge de la Fonction publique, Augustin Loada qui, quelques minutes plus tard, va s’éclipser. Salle comble, manque de sonorisation, la situation rendait la foule nerveuse car les propos étaient difficilement audibles. Face au tollé que cela a engendré, le président du TGI a menacé de vider la salle si le public ne se calmait pas.

Après avoir vidé quelques délibérés, le dossier 307 de l’an 2015, celui des présumés fraudeurs aux concours de la Fonction publique fut enfin cité. Les 23 présumés fraudeurs furent appelés à la barre, et les accusations à leur encontre furent notifiées. Certains plaidèrent « coupables » et d’autres « non coupables ».

Tour à tour, chacun des 23 prévenus a, à la demande du président du tribunal, pris la parole pour expliquer les faits à lui reprochés, se défendre des accusations portées par d’autres prévenus ou reconnaître sa culpabilité.

 

Débats contradictoires

 

Après cette étape, ce fut aux conseils de prendre la parole. Avec souvent des envolées lyriques, bâties sur des articles juridiques, ils se sont évertués à démontrer à la cour le non-fondé des poursuites judiciaires. En

substance, on pouvait retenir que la procédure normale, dans le cas d’espèce, avait été foulée aux pieds d’où l’exception de nullité de la procédure évoquée par les conseils. Ils ont, par exemple, rappelé que les prévenus avaient été mis sous mandat de dépôt le 28 août dernier, alors que le procureur du Faso a été saisi le 15 septembre 2015, une violation des articles 393 et 394 du Code de procédure pénal. Ils ont donc demandé la relaxe pure et simple de leurs clients. Après, la procureure du Faso a pris la parole pour balayer les arguments relatifs à la nullité de la procédure. Par ailleurs, elle a demandé que les prévenus soient maintenus dans les liens de la détention en attendant que la procédure soit conforme aux textes prescrits, au cas où le président du tribunal irait dans le sens des conseils des prévenus. Ce dernier a semblé enfoncer le clou, car il a rejeté en bloc toutes les exceptions soulevées par les conseils, au grand bonheur du public, avant de suspendre la séance.

« GSP, saisissez la camera et le propriétaire », a lancé le président du TGI dès la reprise. Un confrère qui capturait des images dans la salle a vu ainsi sa caméra saisie tandis que lui-même prenait place au box des accusés. Il ne sera relâché qu’à la fin de la séance (pour sa caméra, il lui a été demandé de venir au tribunal ce 12 octobre).

Le premier à passer à la barre fut Issouf Tou, responsable du cabinet en charge de la conception des sujets. Au fur et à mesure que les prévenus défilaient à la barre, le public diminuait progressivement, la faim et la soif aidant. Les débats ont été clos à 16h31 mn, puis la séance suspendue. A la reprise, à 16h55, c’est la partie civile qui a d’abord argumenté. Puis ce fut au tour de la procureure qui a, pour sa part, estimé que tous les prévenus étaient coupables, et devaient écoper de la peine maximale. A la suite de la procureure, ce fut au tour des conseils de plaider.

Enfin, le président du tribunal a donné la parole à chacun des 23 prévenus qui ont soit reconnu leur tort et imploré la clémence de la cour, soit maintenu leurs dires et clamé leur innocence. Le tribunal a alors levé la séance à 21h09. Les prévenus furent donc ramenés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), en attendant le 23 octobre, date du délibéré.

 

TS

 


Comments
  • Si Ouzzin Louis Oulon avait demandé à ses neveux de travailler comme tout le monde pour réussir à leur concours, ce problème n’allait pas lui arrivé. Apparemment, les contrôleurs des impôts et ceux du trésors sont riches comme des Crésus. Ils sont mesure de casquer des trois millions sans sourciller pour acheter du “pétrole”. Où est-ce qu’ils gagnent tout cet argent? Moi je suis en catégorie A depuis mille neuf cent “djok” mais ma quotité cessible ne me permet pas d’avoir cette somme avec mes truands de banquiers. Un contrôleur des impôts ou du trésor veut-il venir permuter avec moi, juste pour six mois?

    12 octobre 2015
  • Dans le cas de OLO, les enquêteurs peuvent déterminer si le prix à payer à Birba Formation est de cent mille francs pour deux personnes. Ce qui pourrait éclairer les magistrats.

    12 octobre 2015
  • Il faut les pousser denoncer les fraudeurs de ces cinq dernière année et procéder à leur revocation pure et simple de la fonction publique. Il faut également faire un audit complet de la fonction publique et radier toute personne rentrée illégallement dans le fonction publique, si on veut un burkina nouveau.Ces personnes rentrée frauduleusement constituent une tumeur pour l’éfficacité et la bonne marche des services publiques.

    13 octobre 2015

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