HomeA la unePROCES DES TUERIES POSTELECTORALES KENYANES A LA CPI : Les alevins payeront-ils à la place des requins ?  

PROCES DES TUERIES POSTELECTORALES KENYANES A LA CPI : Les alevins payeront-ils à la place des requins ?  


 

Poursuivi pour crimes contre l’humanité, le vice-président kényan, William Ruto, est à la barre de la Cour pénale internationale (CPI) depuis hier mardi 13 janvier 2016, et ce, pour quatre jours. En rappel, il est mis en cause dans les violences postélectorales de 2007, qui avaient occasionné de nombreux morts. Tout comme le président Uhuru Kenyatta qui a finalement bénéficié d’un non-lieu qui s’est traduit par l’abandon des charges contre lui en décembre 2014, dans la même affaire. Un an plus tard, son adjoint est devant les mêmes instances pour plaider la même cause : l’abandon des charges contre sa personne. Faut-il alors penser que dans ce procès des tueries postélectorales kényanes de 2007, les alevins paieront finalement pour les requins ? C’est ce qui risque d’arriver, si, à la suite du président Uhuru Kenyatta, le vice-président William Ruto arrivait lui aussi à se soustraire des fourches caudines du tribunal de La Haye. D’autant plus qu’à ce jour, il constitue avec l’ancien journaliste Joshua Sang, les derniers accusés à être encore poursuivis dans cette affaire. En tout cas, l’on voit mal la Justice de son pays prendre le relais, s’il arrivait à passer entre les mailles des filets de la Justice internationale. Et tout porte à croire que ce sera le cas, malgré l’optimisme du substitut du procureur de la CPI qui affirme que la Cour possède « la quantité de preuves nécessaires à une condamnation ». Et l’on est d’autant plus pessimiste que ce ne sont pas les accusations de crimes par personnes interposées qui lui sont reprochées, qui risquent d’être les arguments-massues pour l’enfoncer davantage.

Il n’est pas certain que les Kényans veuillent encore remuer aujourd’hui le couteau dans la plaie

Au demeurant, comment ne pas penser que Ruto a toutes les chances d’avoir gain de cause, quand on voit aussi le sort réservé au président Kenyatta lui-même, qui s’en est sorti indemne, alors que pesaient sur lui les mêmes soupçons pour les mêmes faits ? Sans oublier que depuis lors, plusieurs témoins se seraient rétractés, pour diverses raisons allant des menaces et intimidations à la subornation quand ils ne sont pas tout simplement passés de vie à trépas. Dans ces conditions, l’on ne serait pas étonné que les raisons qui ont prévalu à l’abandon des charges contre le président Kenyatta, soient les mêmes qui prévalent à un éventuel non-lieu pour son vice-président Ruto, pour une question de jurisprudence. Les deux étant les hommes forts du pays en ce moment. Les chances sont donc minces pour les parents des victimes, qui avaient fondé des espoirs sur l’instance judiciaire internationale, d’avoir gain de cause. Mais, il ne faudrait pas non plus désespérer de voir triompher la vérité, car, en matière de justice,  tant que le verdict final n’est pas tombé, la situation est toujours susceptible de rebondissements. Mais même si l’on devait en arriver à un abandon des poursuites contre le prévenu qui comparaît libre, l’on ne saurait jeter l’anathème sur l’institution de Fatou Bensouda, qui aura montré une volonté manifeste de travailler à faire aboutir le dossier. Car, la Justice a aussi ses règles auxquelles nul ne peut déroger, des règles qui veulent que  quand il n’y a pas de preuves irréfutables contre un accusé, le bénéfice du doute profite à ce dernier. Ainsi, mêmes les plus grands criminels peuvent sortir complètement blanchis d’une procédure judiciaire, s’il n’y a pas suffisamment de preuves pour les condamner. Dans le cas spécifique de la CPI, la tâche est rendue encore plus difficile par la distance et l’éloignement des faits dans le temps, qui peuvent être non seulement des causes de l’effacement de certaines preuves, mais aussi de baisse  de l’intérêt même des populations concernées par le procès, à cause de l’usure du temps. Il n’est donc pas certain qu’à l’heure actuelle, les Kényans eux-mêmes veuillent encore remuer aujourd’hui le couteau dans la plaie. Sans oublier qu’en dehors des attaques sporadiques des islamistes Shebabs, le Kenya représente aujourd’hui, à bien des égards, une nation stable qui présente beaucoup d’intérêts aux yeux de certaines grandes puissances. Cela dit, l’on peut se demander ce que cache cette précipitation de William Ruto à demander un abandon des charges retenues contre lui au lieu d’attendre tout simplement son procès pour être totalement blanchi. Craindrait-il quelque chose ?

Outélé KEITA


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