HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : Des témoins de la défense défilent à la barre

PROCES DU PUTSCH MANQUE : Des témoins de la défense défilent à la barre


Le vendredi 15 mars 2019 à la barre du Tribunal militaire, c’était un ballet de témoins cités par la défense. Sawadogo Salam, Rufine Sawadogo/Ouédraogo, sergent Jean Gnonli, adjudant-chef major Issouf Guiré, capitaine Moussa Moïse Kaboré, Arsène Zoumbiéssé Bouyo ont été appelés à la barre pour témoigner. Des témoignages qui ont été mis à profit par Me Flore Toé et Me Babou Bama pour décharger leurs clients respectifs, Nobila Sawadogo et Sienimi Médard Boué.

Des avocats de la défense ont produit des témoignages en faveur de leurs clients. Le premier témoin de la journée est Salam Sawadogo. Il vient témoigner au compte de l’accusé Nobila Sawadogo. En effet, selon les déclarations de l’accusé, il n’a pas contribué à l’arrestation des autorités de la Transition comme l’a prétendu l’un de ses co-accusés, Sami Dah. Le sergent Nobila Sawadogo a laissé entendre, pendant son interrogatoire à la barre, que le 16 janvier dans la matinée, il était avec son oncle Salam Sawadogo avec qui ils ont causé jusqu’à une certaine heure de la journée. Ce n’est que dans la soirée, vers 15h, qu’étant chez son oncle, il a appris que les autorités de la Transition ont été arrêtées. Dans la causerie, comme il avait confié à son oncle qu’il voulait des fournitures à envoyer au village, celui-ci lui a dit d’aller au marché du 10, chez Rufine Sawadogo/Ouédraogo, pour en prendre. Et c’est ce qu’il a fait. Salam Sawadogo étant l’oncle de l’accusé Nobila Sawadogo, il est exempt de serment, selon l’article 60 de la loi n°041-2017/AN portant organisation, fonctionnement et procédure applicable devant la chambre criminelle qui stipule que « ne peuvent être reçues sous serment les dépositions :
‑ du père, de la mère ou de tout autre ascendant de l’accusé, ou de l’un des accusés présents et soumis au même débat ;
‑ du fils, de la fille, ou de tout autre descendant ;
‑ des frères et sœurs ;
‑ des alliés aux mêmes degrés ;
‑ du mari ou de la femme ; cette prohibition subsiste même après le divorce ;
‑ de la partie civile ;
‑ des enfants de moins de seize ans ». C’est donc conformément à cette disposition que Salam Sawadogo n’a pas déposé sous serment. Mais « cela ne vous dispense pas d’aider le tribunal à la manifestation de la vérité », déclare le juge à l’endroit de Salam Sawadogo. Toute chose que le témoin acquiesce. Dans sa déposition, il confirme qu’effectivement, le 16 septembre 2015, Nobila Sawadogo est venu chez lui à la maison et ils ont discuté avant qu’il ne le réfère à Rufine Sawadogo/ Ouédraogo pour l’achat des fournitures. Et celle-ci confirme également que Nobila Sawadogo/Ouédraogo est venu chez elle au marché du 10 pour acheter des fournitures. Et selon les dires de dame Sawadogo, qui, même si elle appelle l’accusé Nobila Sawadogo « son mari », n’est rien d’autre « qu’un parent du même village que son mari ». Rufine Sawadogo/Ouédraogo déclare à la barre qu’effectivement, après l’achat des fournitures, Nobila Sawadogo et elle se sont quittés vers 13h-14h-15h ; « comme il y a longtemps, je ne m’en souviens pas trop », dit-elle. Après la déposition du témoin, le parquet intervient pour dire au tribunal de prendre les déclarations de dame Sawadogo « avec des pincettes parce que les liens du village sont souvent plus forts que les liens d’alliance et que Rufine est une supportrice de l’accusé Nobila Sawadogo, « son mari ».
Pour avoir le cœur net, le juge fait appeler l’accusé Sami Dah qui déclare : « je me suis trompé et je l’ai rectifié. C’est le 17 septembre qu’on s’est vu dans le cortège du général ». Une déclaration qui fortifie Me Flore Toé dans sa ligne de défense. En tout état de cause, Me Toé fait signifier que le témoignage de Salam Sawadogo vient confirmer que son client, Nobila Sawadogo, n’était pas à la présidence dans la matinée du 16, qu’il n’a pas assisté à la séquestration des autorités de la Transition si l’on en croit le témoignage de dame Sawadogo. Pour fortifier sa ligne de défense, Me Flore Toé fait venir un autre témoin, le sergent Jean Yonli. De ce qu’il sait des évènements du 16 septembre et jours suivants, il était de garde et c’est aux environs de 15h que Nobila Sawadogo l’a appelé pour comprendre ce qui se passait au palais. C’est ainsi qu’il lui a dit de venir parce que le major Badiel le demande. Et le témoin affirme que c’est aux environs de 17h que Nobila Sawadogo est arrivé à la présidence. Le parquet : « Pourquoi avez-vous dit à Nobila Sawadogo que le major dit de venir ? Est-il venu vous dire physiquement de dire à Nobila de venir ? » « Le major Badiel n’est pas venu physiquement me dire de dire à Nobila Sawadogo de venir. C’est dans les causeries, dans le hall, qu’il a entendu le major dire à quelqu’un de dire à ceux qui ne sont pas là de venir au camp. Et c’est pourquoi il a dit à Nobila Sawadogo de venir pour s’enquérir des nouvelles », répond le témoin. Qu’à cela ne tienne, Me Flore Toé dit avoir fait appel au témoin Jean Yonli « pour confirmer l’heure à laquelle Nobila Sawadogo est arrivé au camp, le 16 septembre 2015 », afin de faire savoir au tribunal que l’accusé Nobila Sawadogo n’a pas participé à l’enlèvement des autorités de la Transition.
Après le passage des témoins produits par Me Flore Toé, c’est au tour de Me Babou Bama, avocat de l’accusé Siénimi Médard Boué, de faire venir ses témoins. Mais avant, il prend le temps de faire noter que l’objectif est de « débattre sur le calendrier de l’accusé ». Et le premier témoin de Me Bama est l’adjudant-chef major Issouf Guiré, un gendarme, chef de service de l’épouse de l’accusé. A la barre, il dit que le 17 septembre 2015, il était au bureau quand la femme de l’accusé Siénimi Médard Boué, une gendarmette, vint lui tendre le téléphone pour qu’il dise à son époux de « ne pas se mêler de cette affaire et de s’échapper ». Mais l’accusé, quand il a raccroché le 17, n’a pu s’échapper du camp Naaba Koom II sur-le-champ. Ce n’est que le 22 septembre 2015 qu’il a pu fuir et est allé à la gendarmerie où on lui a dit d’aller se faire enregistrer au camp Guillaume, conformément aux consignes du CEMGA. Et c’est ce qu’il a fait. Mais du 18 au 22 septembre, qu’est-ce qu’il a pu bien faire ? Le témoin, capitaine Moussa Moïse Kaboré, mis à la disposition du président Macky Sall comme aide de camp durant son séjour, confirme que Siénimi Médard Boué faisait partie des éléments commis à la sécurité de Macky Sall. Après le passage du capitaine, c’est au tour du petit-frère de l’accusé de témoigner. Arsène Zoumbiéssé Bouyo, âgé de 24 ans, raconte ce qu’il a vu, entendu et ce qu’il a fait sans prêter serment, compte tenu des dispositions de l’article 60 de la loi n°041-2017/AN portant organisation, fonctionnement et procédure applicable devant la chambre criminelle  : « Le 16 septembre, nous étions à la maison. Vers 16h, mon frère a reçu un appel de sa femme l’informant que les autorités de la Transition ont été arrêtées. Il a aussi reçu un second appel. De cet appel, j’ai entendu : « je suis à la maison ». Et il n’est pas sorti ce jour-là. Ce n’est que le 17 qu’il est allé au service. Et quand il est revenu, il m’a dit qu’il a été retenu pour faire partie de la garde de Macky Sall. Le 21 septembre, il m’a dit de déménager toutes les affaires, du camp Naaba Koom II pour les amener en belle-famille. Je n’ai pu le faire que le 22 septembre. Quand j’attendais le chauffeur du camion, deux militaires hyper-fâchés sont venus me rendre visite. Après, trois autres militaires énervés sont venus. Ils disaient : « où est Médard ? ». Ils le traitaient de « faux-type, de traître » et disaient qu’il file des informations à la gendarmerie. Des femmes sont aussi venues insulter la femme de Médard. Elles disaient que c’est « une traîtresse », et qu’elle racontait des choses pour noyer leurs maris ». Après la déposition du témoin, Me Babou Bama insiste sur le fait que l’accusé Médard a assuré la sécurité du président Macky Sall et a refusé de garder les autorités de la Transition.
Les dépositions des témoins se poursuivent ce 18 septembre, avec le passage de l’expert Inoussa Sanfo.

Françoise DEMBELE

 


No Comments

Leave A Comment