HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : « J’ai soutenu l’inclusion avant le putsch » (Salifou Sawadogo)

PROCES DU PUTSCH MANQUE : « J’ai soutenu l’inclusion avant le putsch » (Salifou Sawadogo)


 

A la suite de Me Hermann Yaméogo, le 23 octobre 2018 devant le tribunal militaire, Salifou Sawadogo passe à la barre pour répondre des faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre, coups et blessures sur 42 personnes. Ce qu’il ne reconnaît pas.

Le parquet n’a point de doute sur la culpabilité de l’accusé Hermann Yaméogo pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, coups et blessures volontaires sur 42 personnes. Lorsqu’en réponse à une question, l’accusé dit être solidaire de l’inclusion, en ce sens qu’il supporte tous ceux qui expriment leur opinion pour l’inclusion, le parquet indique que sa liberté d’opinion a des limites qui tiennent des lois et règlements en vigueur, et de l’ordre public. L’accusé a fait un amalgame entre « liberté d’expression » et « liberté d’opinion » et la liberté n’est pas le problème, mais les propos qui vont en découler. Au sens du parquet, lorsque l’accusé dit avoir soutenu l’inclusion, il parle d’attentat et le dire est un euphémisme. C’est de cet attentat que sont nés les coups et blessures sur 42 personnes, relève-t-il à l’endroit de l’accusé. Et de dire que l’article 67 du Code pénal le rend coupable des infractions. Me Yéri Thiam, un des conseils de l’accusé, fait observer que les affirmations du parquet sont des déclarations à l’emporte-pièce, non fondées sur des éléments tangibles, à son avis. Il estime que les voies de la procédure pénale n’étaient pas dans les cordes du juge d’instruction militaire qui a fait, selon lui, une interprétation farfelue du code de procédure pénale, mais heureusement rectifiée par la juridiction supérieure, ajoute-t-il. Pour l’avocat, le parquet n’a pas montré en quoi Hermann Yaméogo est complice d’attentat à la sûreté de l’Etat. Il n’a pas non plus fait la démonstration des conséquences prévisibles du délit d’attentat.  « Le parquet doit aller au-delà des affirmations et des suppositions et lier clairement les faits aux textes de loi », à son avis. Il indique que le délit d’opinion n’est jamais punissable, mais l’apologie ou les délits voisins. Par exemple, dit-il, ceux qui, dans un mouvement insurrectionnel, sont porteurs d’armes  ainsi que ceux qui provoquent le rassemblement d’insurgés par le port de drapeau. Il indique notamment que le complot dont parlait le parquet tantôt, est un attentat lorsqu’il est suivi d’un acte commis ou dont la commission a commencé. Un acte de préparation politique, ajoute-t-il, avant d’inviter le parquet à montrer en quoi l’accusé est complice d’un acte de préparation politique. Les déclarations de l’accusé au moment des faits, l’organisation de conférence de presse par lui, bref les affirmations sur l’inclusion correspondaient à des aspirations, selon Me Thiam et « il n’y a aucun drame à faire des déclarations » ou à commenter les actes du Général Diendéré. Tout est « fadaises » dans ce que le parquet dit, conclut l’avocat. Me Antoinette Ouédraogo, l’autre conseil de l’accusé, dit que « la vérité, c’est celle que les actes décrivent, que la loi prévoit » et « nous ne pouvons pas nous contenter des impressions du parquet dans une procédure de cette nature ». Me Bonkoungou, un des avocats de la défense, se dit perplexe que le parquet considère l’attentat contre la sûreté de l’Etat (le 16 septembre 2015) comme une infraction continue, qui n’a cessé que le 29 septembre 2015. Le même parquet, à son avis, soutient que le gouvernement de la Transition a été remis en selle le 23 septembre 2015. Ce qui contredit le fait que l’attentat à la sûreté de l’Etat continuait jusqu’au 29. Le parquet charge les accusés, de son point de vue, au lieu de tirer des vérités des évidences. L’accusé confie ne faire aucun amalgame comme le parquet le lui reproche et adhérer à ce que les manifestants pro-inclusion réclament, ne fait pas de lui un auteur des actes posés par ceux-là. Sur l’infraction continue, le parquet indique que même si le pouvoir de la Transition a été restauré le 23, des gens contestaient cette autorité et il a fallu une réquisition pour neutraliser les contestataires de l’autorité de la Transition, des soutiens du CND. Me Séraphin Somé s’indigne des déclarations de Me Thiam qui, à l’entendre, jette un discrédit sur le système judiciaire. Ce qui paraît inacceptable, difficile à avaler, selon Me Somé et Me Yanogo, tous avocats de la partie civile. Me Somé précise que Hermann Yaméogo a mobilisé des gens pour des actions, ce qui est constitutif de complicité d’attentat, selon lui. Dans ses mots de fin, Hermann Yaméogo demande « pardon » pour les accusés avec lesquels il a vécu à la MACA. « Nous avons besoin de nous réconcilier et de nous reconstruire », dit-il. Pour dire un tel message, Hermann Yaméogo dit être prêt à se mettre à genoux devant le président du Faso, au nom du pays.
Dans l’après-midi, c’est Salifou Sawadogo, ancien ministre et ancien député, membre du CDP, qui passe à la barre pour répondre des faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre et de coups et blessures volontaires sur 42 personnes. L’accusé rejette les faits et déroule son calendrier du 16 au 20 septembre 2015 devant le tribunal militaire. Le 16, il était à une rencontre du secrétariat permanent de son parti, le CDP, suite à l’invalidation des candidatures aux législatives, pour procéder aux remplacements. Il apprend la nouvelle de l’arrestation des autorités au jardin Yennenga où il s’était retiré avec des cadres du parti. Le 17, il se rend au rond-point des martyrs pour échanger des préoccupations en lien avec des incendies possibles de domiciles de militants du CDP, cela en souvenir des incendies du genre survenus après l’insurrection d’octobre 2014, dit-il. Lorsque l’arrivée des médiateurs de la CEDEAO est annoncée, lui et des camarades de parti mobilisent des militants du parti pour porter la voix du parti sur la nécessité de l’inclusion. Le 18 dans la soirée, il fait un tour à la place des martyrs. Il aperçoit une fumée au loin en ville, se renseigne et apprend que ce sont des militaires qui ont incendié le domicile de Salifou Diallo. Le 19, un sms reçu l’informait d’une rencontre des membres du bureau exécutif CDP du Kadiogo au rond-point des martyrs, pour se rendre à l’hotel Laïco où devait avoir lieu une rencontre avec la délégation des Chefs d’Etat de la CEDEAO. Mais, lui-même n’y est pas allé, dit-il. Le parquet rappelle des propos d’un militant CDP du nom de Lota qui a dit être allé incendier le domicile de Salifou Diallo sur instruction de Salifou Sawadogo.

« La forme de dévolution du pouvoir, c’est la voie démocratique »

« Personnellement, je ne peux pas faire ça à un homme, surtout pas à Salifou Diallo », dit-il en réaction. Il confie avoir eu l’occasion de dire à Salifou Diallo, de son vivant, qu’il n’a pas fait incendier et n’a pas incendié son domicile. Ce qui est suffisant pour avoir la conscience tranquille, confesse-t-il. « Il faut être naïf pour oser dire publiquement d’aller brûler le domicile de Salifou Diallo, le tout-puissant », indique l’accusé plus tard.  Avez-vous soutenu l’inclusion ? « Oui, j’ai soutenu l’inclusion pour qu’il y ait des élections inclusives », répond-il au parquet à qui il confie que des membres du parti et des amis politiques ont rencontré le président Michel Kafando à cet effet, bien avant le putsch, avant de saisir la Cour de justice de la CEDEAO, laquelle leur a donné raison. Pouvez-vous soutenir l’inclusion sans soutenir le putsch ? « Oui, j’ai soutenu l’inclusion avant le putsch », dit-il au parquet, tout en indiquant qu’il condamne le putsch, qu’il est démocrate et « la forme de dévolution du pouvoir, c’est la voie démocratique », conclut-il. Lorsque le parquet lui demande s’il a rencontré le Général Diendéré pendant les faits, il répond par l’affirmative. « J’ai été à son domicile, sur invitation de Fatou Diendéré, une camarade politique ; j’ai fait une photo avec le Général », précise-t-il. A quelle date ? L’accusé ne s’en souvient pas, mais indique que c’était avant l’arrivée des chefs d’Etat de la CEDEAO. L’avez-vous félicité, demande le parquet ? « Je n’ai pas souvenance. Si je l’ai fait, c’est peut-être des civilités » dit-il. « Je n’ai pas soutenu le CND, personnellement. Le CDP, en tant qu’entité propre, ne l’a pas soutenu », relève-t-il. Sur les 15 000 000 de F CFA reçus du président du CDP, Eddie Komboïgo, l’accusé dit avoir reçu 10 000 000 de F CFA des mains de Achille Tapsoba, cadre du CDP, pour assurer la sécurité des biens des militants du parti. Comment devriez-vous vous y prendre, veut comprendre le parquet ? « Il revenait à chaque arrondissement de s’organiser pour dissuader d’éventuels brûleurs de domiciles et alerter la police», répond-il. Quand le parquet tente de lui opposer des déclarations de certains militants CDP accusés, Salifou Sawadogo dit que ses interlocuteurs étaient les secrétaires généraux des arrondissements ou des sous-sections, et « quand la pierre tombe du ciel, chacun protège sa tête ». Son audition se poursuit ce mercredi 24 octobre à partir de 9h devant le tribunal militaire, dans la salle des Banquets de Ouaga 2000.

Lonsani SANOGO


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