HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE « Je serais présenté comme le vice-président du CND si… », dixit Mamadou Traoré, ex-bâtonnier

PROCES DU PUTSCH MANQUE « Je serais présenté comme le vice-président du CND si… », dixit Mamadou Traoré, ex-bâtonnier


A la suite du colonel major Boureima Kiéré, l’ancien bâtonnier, Mamadou Traoré, a comparu à la barre du Tribunal militaire hier 21 novembre 2018 pour répondre de trois chefs d’inculpation dans le cadre du putsch manqué de 2015 : complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires sur 42 personnes. Ce que l’accusé rejette sans détour.

Le colonel major Kiéré, au dernier jour de son audition, rappelle que le 17 septembre 2015, le chef d’Etat-major général de la gendarmerie, le colonel Touadamba Coulibaly, a demandé une réquisition au Général Diendéré pour l’utilisation du matériel de maintien d’ordre. Le général Diendéré n’aurait pas su qu’il y a un besoin en matériel de maintien de l’ordre si le colonel Coulibaly n’exprimait pas cela, ajoute-t-il en réponse à une question de Me Latif Dabo, un des avocats de la défense. Si, pour le parquet et les avocats de la partie civile le colonel major Kiéré est responsable des faits qui lui sont reprochés, Me Badini fait savoir que jusque-là, on attend une expertise balistique par rapport aux morts, relevant au passage que le parquet s’emmêle les pinceaux quand il évoque le sujet des morts. Pour l’avocat, il n’est pas établi que les blessés et les morts sont le fait des armes, des balles ou des hommes venus du RSP.  « Manifestement, en l’espèce, le parquet n’a pas fait son travail… alors qu’il y a eu suffisamment d’argent dans le dossier du putsch », souligne-t-il. Si on n’a pas pu faire des expertises, soit on condamne tout le monde, soit on libère tout le monde, conclut-il. Me Mireille Barry indique à l’intention du tribunal que son client, le colonel major, n’est impliqué aucunement dans des actes tendant à faire de lui un complice d’attentat à la sûreté de l’Etat ou dans des tueries encore moins dans des coups et blessures sur des manifestants. Pour elle, le Chef d’Etat-major général de l’Armée (CEMGA), le Général Pingrenoma Zagré, ne contrôlait pas certains comportements du lieutenant- colonel Zida, Premier ministre d’alors, et « c’est de ce fait que nous en sommes là », à son avis. L’autre conseil du major Kiéré, Me Michel Traoré, soutient que c’est erroné d’accuser le colonel major Kiéré de chercher à asseoir le pouvoir du Conseil national pour la démocratie (CND) du Général Diendéré. « Comment, en tant que CEMGA d’une nation, accepter le matériel de maintien d’ordre de quelqu’un que vous traitez de putschiste ? », s’interroge-t-il. Plus grave, à son avis, c’est le fait que le CEMGA dit qu’il ne sait pas que du matériel de maintien d’ordre entre dans le pays et qu’un avion de l’Armée de l’air quitte l’aéroport de Ouagadougou à son insu. « Quand on porte des galons, on assume ses responsabilités », dit-il, avant de demander si on peut se servir d’un putschiste pour assurer ou coordonner le désarmement du RSP. « Si vous prenez le matériel de maintien d’ordre et vous n’assurez pas le maintien d’ordre, qui est responsable ? », laisse–t-il entendre. A la fin de son audition, le colonel major Kiéré présente ses condoléances aux familles des victimes et souhaite prompt rétablissement aux blessés. L’ancien bâtonnier Mamadou Traoré, avocat de profession, né en 1959 à Bobo-Dioulasso, succède au colonel major Kiéré à la barre et répond, en ces termes, au président du tribunal qui lui notifie ses chefs d’inculpation : « je ne reconnais pas les faits ». Il déroule son programme du 16 au 19 septembre 2015, confie que le président sénégalais, Macky Sall, l’a appelé dans la soirée du 16 septembre pour qu’il contacte le Général Diendéré parce qu’il n’arrivait pas à entrer en contact avec son homologue Michel Kafando, avec comme message que le Général fasse tout pour que rien n’arrive au président Kafando. Le bâtonnier Traoré se rend au camp Naaba Koom II autour de 22h et après une longue attente, réussit à porter le message de Macky Sall au général Diendéré et part de là autour de minuit. Le 18, le président Macky Sall arrive à Ouagadougou pour la médiation en tant que président en exercice de la CEDEAO. Le bâtonnier le rencontre à l’hôtel Laïco avant tout contact officiel. Le 19, alors qu’il était avec Macky Sall, Le Général lui signifie son souhait de revoir Macky Sall, puisque le président Yayi Boni du Bénin, qui était de la délégation, avait confié que le coup d’Etat était fini, que la situation se normaliserait. Des entretiens précis ont lieu entre le Général et Macky Sall qui réitère son souhait que le schéma de la Transition soit maintenu, d’après le bâtonnier. A la demande du président Sall, le bâtonnier lui suggère la prise de mesures pour prendre en charge les blessés, les personnes en détresse.

« Ce n’est pas dans tous les dossiers qu’un avocat se fait de l’argent »

« Pourquoi le président Sall se sent-il obligé de passer par vous ?», lui demande le parquet. « Il n’est pas obligé, c’est du fait de ma fonction d’avocat, bâtonnier, neutre et sans accointance politique », dit-il en réponse, précisant que la seule rencontre à laquelle il a assisté en son temps, c’est celle entre Macky Sall et le Général Diendéré. Y a-t-il un conseil politique dans le contrat d’assistance qui vous lie au président Sall ? En réponse, le bâtonnier indique que l’avocat est un citoyen et ce qu’il fait, entre dans l’intérêt de son pays. « L’avocat moderne s’occupe de toutes les questions, pas seulement des questions juridiques », précise-t-il, indiquant plus tard que le seul fait d’avoir été missionné par le président Sall fait de lui son conseil. Lorsque le parquet fait savoir à l’accusé, Me Mamadou Traoré, qu’il est resté la nuit du 16 au camp Naaba Koom II jusqu’au 17 matin, selon les dépositions de certains officiers, il y apporte un bémol. « Si je m’en tiens à la déclaration du colonel Yonaba (médecin), je serais resté de faction au piquet intermédiaire au RSP ; ça fait quand même trop », lance-t-il, précisant qu’il a quitté le camp à minuit après avoir rencontré le Général Diendéré. Le parquet estime que Me Mamadou Traoré aurait pu rendre compte partiellement à Macky Sall dans la nuit du 16 après sa mission auprès de Diendéré, ne serait-ce que par sms… et enchaîne avec d’autres questions à l’accusé. « C’est une bénédiction divine pour moi de n’avoir pas été accueillir le président Macky Sall au moment des faits, sinon je serais présenté comme le vice-président du CND », fait-il observer.
Avez-vous reçu des honoraires pour avoir été missionné par le président Sall chez le Général ? En réaction, l’avocat et bâtonnier Mamadou Traoré fait savoir au parquet que ce n’est pas dans tous les dossiers qu’on se fait de l’argent. « En assistant le président Sall, j’ai eu plus que des honoraires », souligne-t-il. Pour Me Farama, lui aussi avocat de la partie civile, le fait que le Général ait eu un égard pour le bâtonnier Mamadou Traoré au point de souhaiter qu’il fasse partie de sa délégation est une implication dans le putsch. Me Séraphin Somé trouve intrigant que le bâtonnier n’ait pas fait de déclaration au nom du barreau pour condamner le coup d’Etat, comme les syndicats l’ont fait. L’accusé réagit à ce propos en faisant savoir que le barreau fait partie des Corps constitués de l’Etat et n’est pas un syndicat. « Il n’y a pas de comparaison entre les associations de syndicats et le barreau. C’est pourquoi il y a un seul Ordre des avocats et plusieurs syndicats », ajoute-t-il. Ses conseils, Me Moussa Coulibaly et Me Patrice Mont n’ont pas pris la parole à l’audition et entendent s’exprimer à l’audience de ce jeudi où se poursuit l’audition de leur client, Me Mamadou Traoré.

Lonsani SANOGO


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