HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : « La radio 108 n’est pas mon œuvre personnelle » (Chérif Moumina Sy)

PROCES DU PUTSCH MANQUE : « La radio 108 n’est pas mon œuvre personnelle » (Chérif Moumina Sy)


Les auditions des témoins dans le procès du putsch manqué de septembre 2015 se sont poursuivies hier 13 mars 2019 au Tribunal militaire de Ouagadougou avec le passage à la barre du président du CNT d’alors, Chérif Moumina Sy, actuel ministre d’Etat, ministre en charge de la Défense et des anciens combattants. Pour ce témoin, qui se dit « ancien combattant » pour la cause nationale, la Transition n’irait pas à son terme tant que l’ex-RSP n’était pas dissout.

Vêtu de blanc en cette matinée du 13 mars où il dépose à la barre du tribunal sous serment, l’ancien président du Conseil national de la Transition (CNT) (le parlement en son temps), Chérif Sy, actuel ministre d’Etat, ministre en charge de la défense nationale, a fait un récit des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, à la demande du juge Seidou Ouédraogo. Dès qu’il a appris la nouvelle de l’interruption du Conseil des ministres, de l’arrestation des autorités de la Transition dans l’après-midi du 16 septembre, par le biais du directeur de cabinet de la présidence du Faso, il a appelé au téléphone le Chef d’Etat-major général des Armées (CEMGA), Pengrenoma Zagré, qui lui annonce avoir contacté l’ex-président du Faso, Jean Baptiste Ouédraogo et Mgr Paul Ouédraogo pour trouver une solution à la situation. Sa conviction dès ces instants, c’est qu’il n’y a rien à régler parce que c’était un coup d’Etat, dit-il. C’est le début de la résistance au putsch. Un communiqué est élaboré à l’intention de la presse nationale, mais ne sera pas communiqué aux médias. Puisqu’un des informateurs de l’ancien président du CNT a annoncé le mouvement de véhicules de la sécurité en direction du siège de la Transition, obligeant à enterrer le projet de lecture du communiqué devant la presse. La résistance commence à s’organiser dès la soirée de ce 16 septembre 2015, à l’entendre. La radio de la résistance , la 108.0 est mise en place par des activistes de la société civile à cet effet pour la diffusion des messages de celui qui s’est autoproclamé « président de la Transition par intérim » du fait de l’impossibilité du président Michel Kafando d’exercer ses fonctions de Chef d’Etat. Il se souvient avoir reçu l’appel de l’ex-DG de la Police, Lazare Tarpaga, lui indiquant avoir reçu l’ordre d’aller empêcher l’émission de la 108.0. Lorsque la radio de la résistance a été détectée par les éléments du RSP, les messages de Chérif Sy ne sont plus diffusés. « Des activistes ont pris le relais pour installer une autre radio, ainsi de suite », rappelle Chérif Sy. Quand il lui est demandé de parler de la radio de la résistance, le témoin confie que « ce sont des activistes qui ont mis cette radio en place, comme outil de lutte », précisant plus tard n’avoir été ni auteur ni concepteur de quoi que ce soit, à cet effet. « Ce serait une fausseté historique de penser que c’est l’œuvre à moi seul. C’est l’œuvre de tous ceux qui croyaient que c’était inacceptable que la Transition soit mise en cause », selon ses déclarations. Il explique à la barre qu’il y a eu un activisme débordant de certains responsables politiques qui étaient opposés à la Transition, dont Léonce Koné et René Emile Kaboré, se souvient-il. Il indique avoir appelé au téléphone le capitaine Abdoulaye Dao le 22 septembre, après la libération du Premier ministre Zida, pour lui demander de parler à ses camarades en faveur du désarmement. Le parquet pose quelques questions au témoin, Chérif Sy, tout en lui indiquant souvent ce que certains accusés et témoins ont déclaré avant lui, sur certains points précis, avant de demander son opinion à propos.
Lorsque Me Farama, avocat des parties civiles, prend la parole, il veut comprendre si la loi ayant permis de nommer le lieutenant-colonel Zida, Premier ministre sous la Transition au grade de général de division était taillée à la convenance de ce dernier. Le témoin n’y apporte pas d’élément de réponse. Me Dabo, un des conseils du général Diendéré, pose une série de questions au témoin, Chérif Sy, ministre d’Etat, ministre de la Défense. Mais, celui-ci ne semble pas assez disposé à y répondre, indiquant ne pas vouloir revenir sur certaines de ses déclarations. Même scénario dans une certaine mesure avec Me Mathieu Somé, un autre conseil du général Diendéré, quand il pose quelques questions au témoin. Me Somé indique que l’essentiel des propos de Chérif Sy est constitué de rumeurs. Me Dabo, lui, déplore l’attitude du parquet qui consiste, à son avis, à dire à Chérif Sy ce que des témoins ou accusés avaient déclaré avant de demander son opinion à propos. Me Jean Degly, avocat togolais, un autre conseil du général Diendéré, fait lecture de certaines déclarations du témoin Chérif Sy lors de son audition par le juge d’instruction, pour s’assurer si le témoin les reconnaît.

« Le principe du contradictoire a été largement violé »

Le témoin confirme ses déclarations, apporte des rectificatifs par endroits. Il lui pose une série de questions auxquelles il ne répond pas en partie. Pour Me Dégly, Chérif Sy était très élogieux dans la matinée quand il répondait aux questions du parquet et des avocats des parties civiles. Pour lui, le témoin a menti sur beaucoup de points, volontairement ou involontairement. « J’aurais été devant une autre juridiction que j’aurais demandé sa mise en examen pour faux témoignage », indique l’avocat. Me Zanliatou Aouba, après quelques questions au témoin, fait observer que le principe du contradictoire a été largement violé. « Les dispositions des articles 436 et suivants du Code de procédure pénal ont été gravement violées et publiquement », soutient-elle. Me Bonkoungou Olivier adresse à son tour une série de questions précises au témoin Chérif Sy qui, visiblement, laisse voir des signes d’agacement, comme au moment où certains conseils du général Diendéré lui posaient des questions. Me Bonkoungou note des contradictions dans les propos de Chérif Sy. Ce dernier dit en réaction : « les commentaires sont libres, ma réponse c’est ma réponse, d’autant plus que vous trouvez mes réponses insatisfaisantes ». Ce à quoi l’avocat réagit en ces termes : « Nous ne sommes pas en journalisme où les commentaires sont libres, les faits sacrés ». Lorsque le général Diendéré, comme certains accusés cités par Chérif Sy, passe à la barre, il indique qu’il y a eu beaucoup d’intoxications sur l’ex-RSP et cela est confirmé, à son avis, par les propos du témoin. Il indique que la nomination de Zida au grade de général de division n’ a pas respecté les normes et a créé des frustrations au sein de l’Armée. L’audition des témoins se poursuit devant le Tribunal militaire le 15 mars 2019.

Lonsani SANOGO

 

ENTENDU A L’AUDIENCE

« La vérité que nous cherchons n’est pas la vérité immanente. Devant le tribunal, le parquet dit d’abord au témoin ce que « X » ou « Y » a dit avant de lui poser des questions. C’est la pire des façons quand on cherche la vérité. Personne n’amène un témoin devant une juridiction pour lui poser des questions suggestives », Me Jean Degly, conseil de Diendéré à l’endroit du parquet.

« J’aurais été devant une autre juridiction que j’aurais demandé la mise en examen du témoin pour faux témoignage », Me Dégly à l’endroit du témoin, Chérif Sy, ministre d’Etat, ministre de la Défense nationale.

« Une justice dont le rôle est de servir seulement de droit est inutile. Il est indispensable que cette justice que vous êtes en train de rendre serve le droit et les intérêts supérieurs de la Nation », Me Dégly à l’endroit du tribunal.

« Dès l’entame de la Transition, eu égard à l’histoire, à partir d’un certain nombre d’évènements, j’ai eu la conviction que tant que le RSP existait, la Transition irait difficilement à son terme », Chérif Sy déposant à la barre.

« J’ai condamné les dérives antidémocratiques de la Transition, notamment quand la loi d’exclusion a été votée. Chérif Sy était le symbole d’une loi scélérate qui a empêché des Burkinabè de participer à des élections, en violation des décisions de la Cour de justice de la CEDEAO », Léonce Koné, cadre du CDP, appelé à la barre pour la confrontation.


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